Après quelques trois mois de froid manifeste dans leurs rapports, Moïse Katumbi Chapwe, le candidat à une candidature de plus en plus hypothétique à la prochaine présidentielle, et Félix Tshilombo Tshisekedi, dont la candidature est formellement officialisée, se sont retrouvés. Leurs toutes premières retrouvailles après le sommet de l’Union Africaine en février dernier a eu lieu au début de la semaine la faveur d’une invitation de l’Atlantic Council, un think thank US spécialisé dans les relations internationales, comme on dit. En fait, un de ses nombreux groupes de pression que chacun peut s’allier ou s’aliéner selon ses relations étatsuniennes, expliquent des diplomates à Kinshasa. A l’Atlantic Council comme au Congrès US où les deux acteurs politiques rd congolais ont été reçus ont été évoqués la situation politique marquée par l’évolution du processus électoral en cours. Il n’y avait rien de neuf à attendre de cet énième séjour du duo anti kabiliste en terre américaine. Et il n’y a rien eu qui soit susceptible de faire tomber le ciel sur le processus électoral qui poursuit son bonhomme de chemin au pays de Lumumba.
Rien de neuf sous les tropiques
Des informations dans la presse proche, notamment, de Moïse Katumbi, ont fait état d’une résolution approuvée par la commission des affaires étrangères du Sénat américain. Elle exhorterait la RD Congo « à prendre des mesures concrètes pour assurer le transfert pacifique du pouvoir en organisant des élections libres et équitables avant la fin de l’année ». « La résolution appelle également le gouvernement de la RDC à permettre une enquête crédible et indépendante sur le meurtre de Zaïda Catalan et de l’Américain Michael Sharp, deux enquêteurs des Nations Unies travaillant en RDC ». Mais ce sont de véritables lapalissades parce que, d’une part, « c’est ce qui est en train de se faire avec la CENI qui est déjà très avancée dans des préparatifs dont la crédibilité ne fait plus l’objet de doutes » ainsi que le reconnaît un diplomate occidental en RD Congo dont le pays siège au conseil de sécurité des Nations-Unies. D’autre part, au sujet du meurtre des deux experts onusiens les enquêtes entreprises conjointement par la justice militaire rd congolaise et des enquêteurs onusiens, sont également très avancées et vont bon train. Plusieurs chroniqueurs s’interrogent sur la rationalité de la démarche de Katumbi et Tshilombo consistant à parcourir des milliers de kilomètres pour n’obtenir que ce qui est déjà acquis.
Chasse aux sanctions économiques
Mais il appert de plus en plus clairement que l’objectif du périple américain du duo Katumbi-Tshilombo dépasse ces préoccupations électorales, que les deux acteurs politiques de l’opposition rd congolaise ne partagent pas, du reste, estiment les observateurs. Candidat plus qu’hypothétique à l’élection présidentielle prévue le 23 décembre prochain, Moïse Katumbi joue plutôt la carte, déjà rejetée par le conseil de sécurité des Nations-Unies, d’une « transition sans Joseph Kabila avant la tenue de toute élection en RD Congo ». Grâce à son lobby américain le très généreux compagnon de voyage de Félix Tshilombo a acquis à sa cause deux sénateurs américains, dont le démocrate Cory Brooker (New Jersey) qui menace les autorités de la RD Congo de… nouvelles sanctions économiques. Ce n’est pas nouveau non plus. « Le président de la RDC, Joseph Kabila, a refusé de respecter un accord négocié en 2016 pour organiser des élections en 2017, menant à une répression politique inacceptable avec les forces de sécurité agissant en toute impunité, aggravant ainsi une crise humanitaire déjà épouvantable », écrit ce législateur américain coaché par les lobbyistes du désespéré ex. gouverneur de la défunte province cuprifère du Katanga qui dépense sans compter pour faire accréditer l’idée que Joseph Kabila aurait résolu de lui-même de rester en fonction au-delà de son mandat constitutionnel, feignant d’ignorer que c’est ce que stipule aussi bien la constitution congolaise que le fameux accord négocié fin 2016 !
Priver Kinshasa de moyens électoraux
On n’attire pas des sanctions économiques contre des autorités politiques à la recherche de moyens pour organiser ce qu’on réclame, c’est-à-dire la passation pacifique du pouvoir à travers des élections démocratiques. En fait, tout se passe comme si, aux Etats-Unis, Moïse Katumbi poursuivait une politique visant au contraire à priver Kinshasa des moyens d’organiser des élections qui, selon toute vraisemblance vont avoir lieu sans lui à cause de ennuis judiciaires et de sa nationalité douteuse, estiment des observateurs. En l’accompagnant, Félix Tshilombo se prête à une stratégie qui ne lui profite pas. Pas nécessairement. Et pourrait entamer la confiance de son électorat parce que contraire aux ambitions électoralistes affichées au pays, qui lui ont déjà permis de reprendre la main sur certains députés élus sur les listes de l’UDPS en 2011 mais malencontreusement radiés par son irascible défunt père, Etienne Tshisekedi. Au cours d’une conférence de presse à Bruxelles, peu avant son départ vers les Etats-Unis, le nouveau président de l’UDPS/Tshisekedi avait donné l’impression de rétropédaler en soutenant que « Le processus électoral actuel est similaire à celui de 2016 et 2017 » et en menaçant : « si les élections n’étaient pas organisées, Kabila doit partir ». «Le fait que le gouvernement avait mis tant de passion et d’énergie à refuser la main tendue de la communauté internationale qui, réunit à Genève, avait entrepris de chercher à trouver les voies et moyens de venir en aide aux populations en détresse dans le pays, prouve à suffisance qu’il existe dans les calculs du régime dictatorial de Kinshasa, un scénario du pire, pour empêcher la bonne tenue des élections crédibles, libres et transparentes » avait encore déclaré Félix Tshilombo vendredi dernier à Bruxelles. Presqu’aux mêmes moments à Kinshasa, le secrétaire général de son parti, Jean-Marc Kabund, réembouchait les trompettes de la rhétorique délaissée depuis le meeting de Ndjili Ste Thérèse d’une « transition sans Joseph Kabila ». Mais les réalités sur le terrain de la préparation des scrutins de décembre prochain, marquées notamment par le strict respect (jusque-là) du calendrier électoral, démentent les conjectures énoncées avec une véhémence irrationnelle et contre-nature au regard des prétendues ambitions de leur formation politique.
Périple anti-électoral
En cas d’élections, cette politique de la chaise vide vers laquelle Katumbi semble entraîner l’héritier d’Etienne Tshisekedi, comme par le passé, risque de se retourner contre le parti de ce dernier, estiment-on jusque dans les rangs de ses affidés de plus en plus sceptiques face à ce qui apparaît comme un véritable marché de dupes. « On voit mal les élus sur les listes du parti, une bonne quarantaine, renoncer à se représenter aux prochaines législatives pour les beaux yeux de Moïse Katumbi Chapwe », commente un combattant interrogé par Le Maximum. Et ils ne seront pas les seuls à prendre part aux scrutins, « les combattants iront bel et bien aux urnes, mais ce seront d’autres leaders politiques de l’opposition qui pourraient dans cette éventualité extrême, profiter de leurs votes, comme en 2006 et en 2011 », poursuit-il. Katumbi et Tshilombo aux Etats-Unis, rien donc de neuf sous les tropiques rd congolaises. Seulement du déjà vu et du déjà entendu.
J.N.