La Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) est montée au créneau vendredi 13 avril 2018. Non pas pour rappeler quelque parole de l’Evangile, mais pour, encore une fois de plus, une fois de trop, se mêler du débat politique sur la double nationalité du très généreux homme politique italo-katangais Moïse Katumbi Chapwe. Et ainsi, afficher une fois de plus tout le mépris des calottes sacrées de la RD Congo pour les lois nationales au-dessus desquelles elles se croient placées, manifestement. Au terme d’une déclaration, les évêques disent redouter « … la montée des tensions identitaires et l’instrumentalisation de la justice pour des règlements de compte ». Pince sans rire, ils ont rappelé que sans ciller que « nul n’est au-dessus de la loi ». Comble de sophisme, les évêques pêchent par omission, dans le cas d’espèce, en s’abstenant d’indiquer de quelle loi il s’agit. « En RD Congo, c’est la constitution adoptée par referendum en 2005 qui règle la vie publique. C’est cette loi fondamentale qui stipule que la nationalité rd congolaise est une et exclusive. De quelle loi parlent les évêques ? Et qui donc revendique le droit de se placer au-dessus d’elle ?» s’interroge à juste titre, un jeune étudiant en droit à l’Université catholique du Congo.
Immixtions intempestives
Depuis quelques mois, ces pasteurs de l’église catholique romaine égarent carrément leurs millions de fidèles, et n’en sont plus à une contradiction près, selon ce jeune intellectuel qui se dit « désillusionné et dégoûté par la suffisance de certains prélats qui se prennent pour le nombril de l’univers ». L’immixtion des princes de l’église a pris un accent particulier depuis le second trimestre 2016, lorsque des évêques de la CENCO se sont proposés pour assurer la facilitation d’un dialogue entre acteurs politiques de l’opposition et de la majorité au pouvoir. Le dialogue du Centre interdiocésain de Kinshasa a abouti à la signature d’un accord dit de la Saint Sylvestre, le 31 décembre 2016, qui prônait le partage du pouvoir entre l’opposition et la majorité durant la période pré-électorale dans le strict respect de la constitution de 2006. Mais l’accord arraché aux acteurs politiques s’est avéré un véritable désaccord… autour de la réduction ou non des prérogatives constitutionnelles dévolues au président de la République en fonction. Que les évêques catholiques et leurs affidés d’une partie de l’opposition politique tenaient à réduire de manière grossièrement arbitraire. Parce que la constitution ne stipule nulle part que durant la période qui précède l’élection de son successeur à la tête de l’Etat, le chef de l’Etat en place devait se voir délester de certaines de ses attributions. Notamment en matière de nomination du premier ministre chef du gouvernement. Droit dans ses bottes, Joseph Kabila ne s’est pas privé de le leur rappeler dans toutes les langues.
Fatwas catholiques
Depuis juin 2017, les évêques catholiques, déçus d’avoir échoué à écorner le pouvoir en place, ont lancé une véritable fatwa contre Kabila et sa famille politique. En épousant systématiquement et indistinctement toutes les causes susceptibles de concourir à son affaiblissement. Comme l’acharnement observé à tenter de placer le fameux Accord de la Saint Sylvestre au-dessus de la constitution, quand bien même l’entente convenue en décembre 2016 stipule expressis verbis que la loi fondamentale rd congolaise demeure le référent de tous les engagements pris et à prendre par la classe politique. « Tout se passe comme si les évêques catholiques substituent un accord convenue entre quelques dizaines de politiciens qui proclament leur soumission aux normes constitutionnelles en vigueur au texte constitutionnel adopté par plus de vingt millions de Congolais en 2006 », fait observer au Maximum un diplomate africain. Qui note qu’en réalité, ce n’est pas le fameux accord que les princes de l’église catholique tentent de placer au- dessus de la constitution, mais eux-mêmes.
Maîtres après Dieu ?
En fait, en RD Congo, les têtes couronnées de l’église catholique ont gardé la fâcheuse tendance à se considérer comme des « maîtres après Dieu », sous prétexte de gestion des âmes divines. Même si ce sont ces mêmes âmes que le colonisateur malmenait, fouettant ici, coupant les mains là, sous le regard complice de leurs précurseurs. De récentes révélations de chercheurs et observateurs indiquent que la complicité entre certains princes de l’église catholique et les milieux occidentaux demeurés nostalgiques de l’ordre colonial révolu est demeurée intacte et active. A Kinshasa, c’est un plan de déstabilisation du pouvoir en place que les prélats mettent en œuvre depuis plusieurs mois, qui vise l’installation au pouvoir d’affidés des milieux mercantilistes européens qui ont jeté leur dévolu sur l’ancien gouverneur de la province minière du Katanga pour diriger le pays. « Ce n’est pas un fait du hasard si les évêques volent systématiquement au secours de Moïse Katumbi », fait observer un militant d’un parti politique de la majorité au pouvoir qui croit savoir qu’ils se sont délibérément mis au service des ambitions de cet ancien gouverneur de la province du Katanga qui s’est enrichi aux dépens des caisses de la riche province cuprifère et distribue sans compter des prébendes à quiconque le soutient dans la conquête coûte que coûte du ‘top job’ en RDC…
Anarchisme clérical
Au-dessus de la constitution, au-dessus du pouvoir politique, les prélats rd congolais ont récemment démontré par un des leurs qu’ils se considéraient comme un pouvoir à part. Prenant le contrepied d’une position gouvernementale au sujet de la réunion des donateurs sur la RD Congo convoquée par l’Union Européenne et l’ONU, le cardinal-archevêque de Kinshasa, Laurent Monsengwo, s’est lancé tête baissée, sans succès, dans une mobilisation en faveur des organisateurs. « On ne refuse pas un don quand on a les mains vides », avait-il psalmodié sur les écrans de la télévision confessionnelle catholique. Une contre-vérité qui ne l’honore guère car les mains de l’Etat rd congolais ne sont pas tout à fait vides. Mieux, elles pourraient même les avoir pleines dans les mois et années à venir si il parvenait à tirer le maximum de l’exploitation de ses ressources naturelles par … les occidentaux auxquels le cardinal n’a jamais ménagé son appui dans le bras de fer qui les oppose à son propre pays. En fin de compte, la voix du gouvernement de la RDC a été entendue par la communauté internationale et il s’avère en définitive que lors de la fameuse réunion de Genève tenue vendredi 13 avril dernier, aucun Etat n’a contribué plus que… la RD Congo elle-même dont le gouvernement a affecté quelques 100 millions USD aux problèmes de ses déplacés internes et réfugiés sur le retour. La Belgique, qui a pris la tête de toutes les conspirations contre le pouvoir en place à Kinshasa ces dernières années, n’a promis que 25 millions USD à la réunion de Genève, un quart de la somme mise en jeu par le gouvernement en place à Kinshasa.
En se plaçant au-dessus des institutions que se sont démocratiquement choisies les rd congolais, si mauvaises soient-elles, les princes de l’église catholique romaine versent et plongent le pays dans l’anarchisme. La vie politique ne peut pas être régie par les humeurs particulières, fussent-elles cléricales.
J.N.