Depuis qu’il a quitté la primature en 2012, il n’a pas songé à la conquête de l’Est ni du Centre de la RD Congo. D’ailleurs, si Adolphe Muzito se rapproche de l’UNC et du MLC – animés par des originaires de l’Est – c’est beaucoup plus pour s’offrir un tremplin qui lui fait défaut, parce qu’il sait bien que ni Kamerhe, ni Bazaïba n’ont la chance de conquérir la présidentielle…
Qui au PALU (Parti Lumumbiste Unifié) est le principal gagnant du protocole d’accord conclu le 30 septembre 2006 au Grand Hôtel Kinshasa entre, d’une part, Joseph Kabila pour le compte de l’Alliance pour la Majorité présidentielle (AMP) et, de l’autre, Antoine Gizenga pour le compte du PALU ? Tout le monde le sait, à Kinshasa et dans le Bandundu particulièrement : ce n’est pas le vieux lion Pende, arrivé à la primature à l’âge de 82 ans, «géré», laissait-on entendre à l’époque, par le trio Muzito-Mayobo-Mbuba en raison de son état de santé marqué par l’âge et les privations des maquis. Antoine Gizenga ne trônera d’ailleurs que moins de deux ans sur cette primature arrachée aux lumumbistes quelques mois après l’accession du pays à l’indépendance en 1960. C’est donc Adolphe Muzito, jusque-là ministre du Budget, qui prendra sa succession jusqu’en 2012.
Pourtant, le PALU n’avait pas respecté le deal passé avec l’AMP en termes de report de voix. Au point 2 de l’alliance conclue entre les deux parties, il est clairement stipulé que l’accord portait notamment sur «l’engagement du Palu à instruire ses militants et sympathisants et à mobiliser tous les électeurs pour le vote au second tour de l’élection présidentielle en faveur du candidat Joseph Kabila Kabange». Or, le report n’avait même pas atteint 500.000 voix sur le score de 1.500.000 voix obtenues par le candidat Antoine Gizenga au premier tour. Homme de parole, Joseph Kabila avait, lui, respecté le deal jusqu’au terme de son premier mandat, en décembre 2011, au grand dam évidemment des ceux qui dans sa famille politique ne percevaient rien de sa fibre profondément nationaliste et lumumbiste.
En prévision des élections 2006, quelques faits historiques indéniables méritent d’être rappelés :
– premièrement, pour s’assurer d’une victoire incontestable au premier tour, les stratèges du camp présidentiel conçurent la plateforme électorale dénommée «Alliance pour la majorité présidentielle», AMP, dont la première sortie eut lieu à l’esplanade du Grand Hôtel de Kinshasa alors Hôtel Intercontinental ;
– deuxièmement, les mêmes stratèges réussirent à approcher entre autres partenaires potentiels le PALU d’Antoine Gizenga ;
– troisièmement, la veille de cette sortie, un des leurs – convaincu de la victoire du PPRD au premier tour parce qu’il avait des ambitions légitimes de conquérir la primature – organisera une «fuite» d’information poussant les partis contactés à se rétracter ;
– quatrièmement, dans la région du Bandundu où il était prédominant, le Palu participera à la présidentielle avec un discours anti-Joseph Kabila ;
– cinquièmement, malheureusement pour ce stratège du PPRD, le candidat Joseph Kabila réalisera un score de 44 % et sera contraint à un second tour de la présidentielle ;
– sixièmement : le candidat Joseph Kabila sera obligé de contracter des arrangements particuliers avec des candidats les mieux positionnés, au nombre desquels Antoine Gizenga du PALU (en contrepartie de la primature) et François Joseph Nzanga Mobutu de l’UDEMO (en contrepartie d’un poste ministériel de premier plan au sein du gouvernement à former) ;
– septièmement, au cours de la législature 2006-2011, le stratège malchanceux de l’AMP pour la primature mènera la vie dure au premier ministre et ministres Palu. Si, sous la primature Antoine Gizenga, il tempérait ses ardeurs pour, probablement, de ne pas indisposer le Président Joseph Kabila, il va par contre se déchaîner sous la primature Adolphe Muzito qui n’aura de paix que lorsque l’AMP sera obligée de lui retirer son mandat à la présidence de l’Assemblée nationale.
Il s’agit, on s’en doute, de Vital Kamerhe. Le même que Adolphe Muzito approche aujourd’hui.
La politique, c’est aussi des ambitions mesurées
Il va sans dire qu’ayant conscience du droit dont disposait Joseph Kabila de briguer un second mandat, le PALU n’avait pas à tourner en dérision la gouvernance institutionnelle reconduite à la faveur des élections de novembre 2011 si réellement il y avait existé le fameux deal consistant à soutenir le parti de Gizenga à la prochaine présidentielle.
Il se fait que depuis 2012 qu’il a procédé à la remise-reprise avec son ancien ministre des Finances, Adolphe Muzito, successeur naturel d’Antoine Gizenga à la primature en 2008, ne va épargner ni le Chef de l’Etat Joseph Kabila, ni le président de l’Assemblée nationale Aubin Minaku, encore moins le Premier ministre Augustin Matata avec ses «tribunes» fort appréciées par l’opposition radicale. Bien avant le G7 créé en septembre 2015, il ne fait que «dynamiter» ses alliés de 2006 et de 2011.
Certes, en prévision des échéances à venir, il est libre de courtiser qui il veut. Comme il le fait aujourd’hui en se rapprochant de Vital Kamerhe et Eve Bazaïba, voire en envoyant des signaux à l’Udps/Fatshi. La politique est dynamique, après tout.
Mais, la politique se fait aussi avec des ambitions mesurées.
Pour s’être volontairement présenté candidat de l’Ouest à la présidentielle de 2016 – reportée à 2018 – Adolphe Muzito a créé un précédent fâcheux qui le rattrape aujourd’hui. Un candidat au poste de président de la République doit l’être pour l’ensemble du pays et non pour une partie seulement. Car, dans sa logique, il va falloir que le Congo se retrouve avec des candidats du Centre et des candidats de l’Est.
C’est le Palu qui, en définitive, en fait les frais. On ne voit ni à l’Ouest, ni au Centre, ni à l’Est cet électorat qui se mobilisera pour un parti politique dont le candidat, issu soit-il d’un congrès, se réclame d’une partie du pays où, d’ailleurs, sa représentativité est confinée au Kwilu, surtout dans la configuration actuelle des 26 provinces.
Négocier réellement quoi avec qui et en contrepartie de quoi !
Le quotidien kinois Le Potentiel, proche du MSR/G7, a publié le 13 mai 2015 un article qui promeut la candidature de l’ancien premier ministre PALU. «Décidément, Muzito lorgne sur deux fronts : la direction du Palu et le positionnement pour porter la voix de l’Ouest à la prochaine présidentielle. C’est de bonne guerre d’ailleurs, commente-t-on dans les milieux spécialisés. Dans la ville haute, chacun cherche à décrypter à sa manière les messages qui se cachent dernière les tribunes de Muzito. Néanmoins, on lui reconnait des qualités qui pourraient bien le pointer en candidat sérieux en 2016. A l’Est, Kamerhe (Sud-Kivu) et Katumbi (Katanga) sont présentés comme de potentiels présidentiables en 2016. A l’Ouest, par contre, c’est le vide total. Les ambitions sont encore tapies dans l’ombre.
«A l’Equateur, Léon Kengo court avec un sérieux handicap. Comme Antoine Gizenga, l’âge (…) ne joue pas en sa faveur. A défaut de Kengo, l’on voit mal l’Equateur se liguer derrière un candidat. Dans le Bandundu, la disqualification de Gizenga est quasiment certaine. Le Kongo central baigne également dans l’incertitude. De part et d’autre, il y a un vide qui n’attend plus qu’à être comblé. Cette réalité n’échappe pas à la vision de Muzito. Comme une araignée, Muzito tisse calmement sa toile. Son emprise dans le Palu ne faisant l’ombre d’aucun doute, il se positionne aujourd’hui comme un atout majeur pour porter la voix de l’Ouest à la présidentielle de 2016». Adolphe Muzito n’a jamais contredit ces projections.
Or, au cours de ces 12 dernières années, Muzito nullement songé à donner au PALU la dimension nationale qui sied pour prétendre à l’élection ayant pour circonscription le territoire national.
En déstabilisant subtilement son parti de l’intérieur, avec quoi, avec qui, et en contrepartie de quoi l’ancien premier ministre PALU négociera-t-il ?
Omer Nsongo die Lema