Six tabloïds parus le 6 mars 2018 ont mis en exergue le tête-à-tête Kabila-Patrons d’industries minières opérant en RDCongo. Le Soft titre : «Evénement planétaire : huit grands patrons rencontrent Kabila à Kinshasa pour plaider le futur des affaires du monde». La Référence Plus : «En marge de la révision du code minier : Grande rencontre de vérité J. Kabila et les PDG des sociétés minières». Forum des As : «Nouveau code minier : vivement la promulgation !». La Prospérité : «Face aux géants miniers aujourd’hui. RDC : Kabila n’a pas droit à l’erreur !». La Cité Africaine : «Joseph Kabila en discussions avec 7 majors de l’industrie minière en RDC ». Et Le Potentiel : «Rencontre Kabila-miniers : entre chantage et marchandage». La rencontre est finalement reportée…
Le Soft – dont l’article est inspiré des informations d’agences – note : «Ces entreprises minières s’opposent à certaines dispositions de la nouvelle législation minière, estimant qu’elles risquent d’étouffer les opérateurs du secteur minier. Parmi les dispositions épinglées dans cette nouvelle loi congolaise, la hausse de la taxation des superprofits et de la redevance minière qui passe de 2 à 10 %, la réduction de certains avantages douaniers ainsi que l’annulation du système d’amortissement hyper rapide sur les capitaux et sur les biens d’équipement. Les représentants de la société civile de la RDC qui se réjouissent de l’adoption de cette loi minière soupçonnent cependant les opérateurs miniers de chercher à dissuader le président Kabila de promulguer le nouveau Code minier en l’état». Et de souligner : «Bien qu’adopté, ce code tarde en effet à être promulgué, signe que le Président de la République ne saurait être sourd aux avis d’un secteur aussi sensible à la marche de l’économie mondiale», avant de déduire : «Après l’uranium de Tschinkolobwe, au Katanga, qui permit à l’Occident de gagner la IIème guerre mondiale en se dotant des capacités de bombe atomique, voici notre pays à nouveau là où il a toujours été, c’est-à-dire au centre du monde. Au pays de savoir conduire ce débat avec doigté, en négociant et expliquant à ces partenaires, dans la sérénité nécessaire, les intérêts communs qui passent par ceux du pays et du peuple congolais. Au sortir de la IIème guerre mondiale, le Congo aurait dû être à la table des vainqueurs. Il en avait été exclu. On connaît la suite».
Pour La Référence Plus, «Le premier code minier a été adopté en 2003 et il est toujours en vigueur. Le pays s’en était doté après la guerre et à l’époque, il était plutôt favorable aux exploitants. Il s’agissait en effet d’attirer les investisseurs qui auraient pu être rebutés par l’image d’instabilité du pays. Il était prévu qu’il ne s’agissait que d’un code transitoire, en attendant une nouvelle législation dont la négociation devait se faire main dans la main avec les miniers, mais les discussions ont été repoussées régulièrement. Puis l’an dernier, coup de théâtre. En pleine crise économique, la réforme est adoptée avec une hausse de presque toutes les taxes dont la redevance minière. Celle-ci pourrait même être multipliée par 10 pour certaines substances, dont le cobalt, par un simple acte administratif. A la suite de l’adoption de ce code, sept des plus grandes sociétés minières du pays ont décidé de se constituer en association, affirmant ouvertement que la Fédération des entreprises du Congo n’a pas su représenter leurs intérêts dans ces négociations. Certaines, comme Glencore, se disent même d’ores et déjà prêtes à porter l’affaire en justice car la RDC n’aurait pas respecté ses engagements. ‘S’ils veulent leurs voitures électriques, ils vont devoir payer, c’est tout’, rétorque un officiel congolais ».
Forum des As retient : «Parmi les dispositions qui ‘fâchent’ les miniers et pour lesquelles ils espèrent obtenir une éventuelle modification, figurent la hausse de la taxation des superprofits et de la redevance minière qui passe de 2 à 10%. S’ajoutent à cela, la réduction de certains avantages douaniers ainsi que l’annulation du système d’amortissement hyper rapide sur les capitaux et sur les biens d’équipement. Dans l’entendement du Législateur congolais, en initiant cette réforme, le souci a été celui de permettre à la RD Congo de revoir l’ensemble de sa politique minière, pour lui permettre de tirer véritablement profit de l’exploitation de ses ressources minières. Voilà qui explique la tendance au durcissement dans l’octroi ou dans le respect de la procédure en rapport avec la délivrance des titres miniers observés dans le nouveau Code». Ce n’est pas tout. Le journal poursuit : «En plus de nombreux avantages évoqués précédemment, le nouveau Code minier en RD Congo en offre plusieurs autres. Il consacre la fin de l’exploitation des gisements miniers jusqu’à l’épuisement des stocks. Qui plus est, la même loi réduit la durée de permis miniers de 30 à 25 ans». Il révèle surtout cette évidence : «A propos du processus de révision du Code Minier, il a été pensé et engagé dans un esprit participatif et d’ouverture, axé sur la recherche du consensus entre les parties prenantes. Entendez, les opérateurs miniers, la Société civile et le Gouvernement. C’est l’occasion de souligner ici que ce processus a bénéficié du soutien des partenaires au développement, dont le Fonds Monétaire international (FMI), la Banque Mondiale BM), via l’Unité d’Exécution du Projet PROMINES et le Département pour Développement International du Gouvernement britannique ainsi que des consultants juridiques National et international».
La Prospérité révèle pour sa part que «Selon une source proche du Parlement, le Code minier en instance de promulgation contient des avantages profitables non seulement pour le peuple congolais, la nation toute entière, mais aussi, les opérateurs miniers. Et ce, de manière gagnant-gagnant. Les modifications et insertions introduites dans le Code Minier sont axées sur les six principaux piliers, à savoir : la gestion des titres miniers, la gestion du domaine minier, la responsabilité sociétale et environnementale, la transparence et la bonne gouvernance, le régime fiscal, douanier et de change et le rôle de l’Etat et des intervenants dans l’administration». Et d’ajouter : «Le nouveau cycle du boom minier reprend sur le marché international notamment avec le Cobalt dont la demande ne cesse de croître à cause des innovations dans l’industrie automobile. Autant les investisseurs doivent en bénéficier, autant le pays producteur comme la RDC et son peuple doivent en tirer profit. Le Code minier révisé réajuste le barème de la redevance minière avec différents taux parmi lesquels la hausse de 2 à 3,5% sur les minerais classiques comme le cuivre. Il introduit un taux de redevance de 10% sur les minerais dits ‘stratégiques’ au cas où le cobalt ou tout autre produit arrivait à être déclaré comme tel par le gouvernement. Toujours dans le chapitre de la fiscalité, le nouveau code minier insert une taxe de 50% ‘sur les profits exceptionnels’ dits ‘superprofits’ quand ils sont supérieurs de 25% par rapport au business plan présenté au démarrage de l’exploitation».
Quant à la La Cité Africaine elle commente : «Parmi les méfaits recensés : des investissements surestimés, un surendettement entretenu artificiellement et une production minorée pour éviter de payer des taxes…’Nous n’hésiterons pas à reprendre les permis aux opérateurs si les négociations achoppent’, avait confié Albert Yuma à des médias». Le journal fait cependant observer que «…les minings reprochent à ce nouveau code minier d’être différent de celui discuté entre 2012 et 2015 et dont la promulgation avait finalement été suspendue du fait du contexte économique minier maussade, et donc d’avoir été rédigé sans interactions avec les miniers. Ce qui, pensent-ils, risque de ruiner la réputation de la RDC et d’entraîner le gel des investissements dans le secteur ». Et de noter : «Très remontés, les miniers assurent qu’ils n’hésiteront pas à faire valoir leurs droits à la stabilité contractuelle en allant devant les tribunaux de la justice arbitrale internationale».
Même Le Potentiel, pourtant réputé pour la proximité de sa ligne éditoriale avec les milieux nostalgiques et néocolonialistes belges, ne s’est guère trop éloigné de ses autres consœurs. Extrait : «Dépités par une loi qu’ils jugent suicidaire pour la jeune industrie minière de la RDC, les miniers l’ont fait savoir aux autorités congolaises. A deux reprises, ils ont interpelé le président de la République sur la nécessité de revenir sur cette loi, bien qu’ayant franchi toutes les procédures requises au niveau de deux chambres du Parlement. (…) ».
Le quotidien met en exergue les aspects politiques : «Au-delà des frontières de la RDC, Joseph Kabila fait face à une fronde de la communauté internationale qui le pousse à renoncer à tout projet de se représenter aux élections prévues à la fin de cette année. Sous pression, il cherche désespérément un soutien. Et les miniers, qui représentent de gros intérêts de leurs pays respectifs, pourraient bien lui servir de monnaie de change», écrit-il avant de relever plus loin : «Avec la percée de nouvelles technologies, le monde a soif de minerais. Sur ce point, la RDC jouit d’un sérieux avantage comparatif. Le pays regorge d’importantes réserves de cuivre et se classe au premier rang des producteurs mondiaux du cobalt ; matière très prisées par l’industrie automobile qui pense déjà à l’émergence des véhicules électroniques. Le monde ne peut se passer de la RDC. Joseph Kabila le sait et compte se servir de cet argument pour trouver un saufconduit». Et de considérer : «Certes, les sept patrons miniers qu’il reçoit aujourd’hui ne constituent qu’un échantillon. Mais, cet échantillon est représentatif de gros intérêts miniers autour de la RDC. Chacun d’entre eux représente des lobbys financiers colossaux, très actifs sur les places boursières mondiales aussi bien à Londres, à Montréal qu’à New York. Or, tous ces patrons craignent que la RDC ne valide la nouvelle loi minière adoptée au Parlement. A ce jour, seul le chef de l’Etat est habilité à remettre en cause la loi adoptée».
« Le Congo, élément essentiel des intérêts américains en Afrique »
Le débat suscité par le nouveau code minier n’est pas sans rappeler les propos de Bill Richardson, alors ambassadeur des Etats-Unis, tenus le 5 novembre 1997 devant le comité des Relations internationales de la chambre des représentants. Pour rappel, presque 4 mois plus tôt, L-D. Kabila venait de prendre le pouvoir.
«Le Congo est un élément essentiel des intérêts américains en Afrique. Ce pays renferme des opportunités économiques énormes. Treize pour cent du potentiel hydro-électrique mondial, vingt-huit pour cent des réserves mondiales de cobalt, dix-huit pour cent des diamants industriels, six pour cent des réserves de cuivre, de riches terres agricoles, une talentueuse et industrieuse force de travail, la moitié de la forêt équatoriale africaine. Le moteur de croissance du centre de l’Afrique est le Congo. Il est un pont entre les économies en voie de développement dans le sud et l’est de l’Afrique, et les nations pauvres de l’Afrique centrale. La stabilité du Congo signifie la stabilité pour la plus grande partie de l’Afrique», avait-il déclaré à l’époque.
Or, les recherches effectuées par télédétection sur les ressources naturelles au cours de ces deux dernières décennies font exploser les statistiques. Les réserves de cobalt, par exemple, ont doublé.
Que constate-t-on cependant dans le chef du leadership politique congolais, et même du leadership social apolitique sur papier mais politisé à outrance dans les actes ? C’est le constat révélé plus haut : pendant que les Congolais se font la guerre (avec mort d’hommes) autour des questions présentées comme essentielles, à savoir l’Etat de droit, la Démocratie et les Droits de l’homme), les Occidentaux et les Orientaux, unis par le capital, font plutôt des affaires…
Omer Nsongo die Lema avec Le Maximum