Le décès de l’activiste des droits de l’homme mort des suites des blessures lui infligées par un tir par balles et caoutchouc à la paroisse Saint Benoît de Lemba le 25 février dernier a été très médiatisé à Kinshasa. Il n’est plus de parti politique d’une opposition en panne d’inspiration, il est vrai, ou d’organisation de la société civile de la même obédience qui ne se revendique ou ne se réclame de Rossy Tshimanga Mukendi. L’héroïsme du jeune activiste que les communes de Ngaba et de Makala auraient découvert à l’occasion des débats suscités par la tristement célèbre érosion de l’avenue de l’Université, « Libulu Manzengele » a été vanté et encouragée par sa famille. Devant les caméras d’une télévision proche de l’opposition, lundi 5 mars dernier, un homme présenté comme le père du défunt a appelé les jeunes rd congolais à suivre l’exemple de son fils. Qui a consisté à « aller à la rencontre de la mort (par une balle en caoutchouc) en délaissant Saint Adrien, sa paroisse de résidence dans la commune de Ngaba, pour la paroisse plus « révolutionnaire » de Saint Benoît à Lemba ». Un véritable aveu. Le jeune avait délibérément décidé d’aller à un rendez-vous avec la mort. Son « héroïsme » en devient discutable et discuté. Jeune chercheur à l’Université Pédagogique National (UPN), Rossy Tshimanga Mukendi a trouvé la mort en affrontant les forces de police dans le cadre d’une manifestation politique interdite par les autorités établies. L’activiste est donc mort dans la contestation de l’ordre politique établi dans son pays à la suite des élections de 2011. Et alors que se préparent, de toute évidence, de nouvelles élections programmées avec l’approbation de toutes les forces politiques et sociales d’ici fin 2018. La valeur du sacrifice du sang versé par ce jeune homme s’appréciera donc aussi en fonction des objectifs qui seront atteint par cette méthode de contestation violente sur la voie publique, compte tenu du fait qu’il existe d’autres méthodes, préférées par les 46 millions d’électeurs enregistrés par la CENI, pour se faire entendre et atteindre le même objectif de démocratisation des institutions publiques congolaises, pour autant que son objectif fut bien celui-là….
Héroïsme partisan
Néanmoins, et en attendant de pouvoir apprécier sur le long terme, les analystes notent que l’héroïsme attribué un peu hâtivement à Rossy s’avère pour le moins partisan. Comme tous les héroïsmes d’églises : Jésus Christ est héros-Dieu pour les fidèles chrétiens, Mahomet pour les musulmans, Bouddha … L’activiste a, de toute évidence, trouvé la mort dans la défense d’une cause particulière dans le contexte d’une lutte interne, entre tendances politiques qui se disputent le pouvoir d’Etat avec une apprêté de notoriété publique. Et non pas dans le cadre d’un combat désintéressé pour sauver la Nation congolaise toute entière pourtant à ce jour menacée de disparition ou de recolonisation par de puissants intérêts étrangers comme le démontre le chassé-croisé des entreprises minières occidentales et chinoises avec le parlement et la présidence de la République.
De ce point de vue, Rossy Tshimanga Mukendi s’ajoute à ces nombreux jeunes « combattants » sacrifiés par des ambitieux sans foi ni lois comme de simples pions pour la conquête du pouvoir depuis la fin de la dictature mobutiste dans les années ’97. Certes, loin d’être négligeable, leur sacrifice aura sans doute permis l’instauration du processus électoral en cours, ainsi que les progrès qu’il aura enregistré. Mais ils rappellent plus Don Quichotte s’en prenant à des moulins à vent confondus avec des géants malfaisants. Le sacrifice de Rossy Tshimanga Mukendi ne peut s’apprécier objectivement que pour autant qu’il aura fait progresser – ou régresser – le processus de démocratisation de la vie publique rd congolaise. Ce qui paraît incertain, à observer l’agitation politicienne orchestrée autour de la disparition de ce jeune père de deux orphelins.
Culte politico-religieux à Lemba
Mardi dernier, à la paroisse Saint Benoît (pas à sa paroisse de Ngaba Saint Adrien), une messe a été dite en la mémoire de feu Rossy Tshimanga Mukendi. Elle frappait par ses « allures d’une réunion politique », renseigne sans surprise une dépêche de nos confrères de l’Agence France Presse. Membres de famille, militants, hommes politiques et anonymes (c’est-à-dire combattants ?) avaient pris d’assaut les travées de l’église. Et le Père David Boloko, l’officiant du jour, n’a pas démenti ces impressions de politisation en récitant du haut de la chaire que « Rossy était un homme de valeur, il avait respecté les consignes données par le comité laïc de coordination (CLC) », ajoutant avec une étonnante mauvaise foi : « il n’avait pas semé des troubles comme certains le prétendent ». Et les « combattants » de l’aile radicale de l’opposition nombreux à l’office de scandé : « Le peuple gagne toujours, Kabila doit partir », un slogan lancé habituellement par Rossy Mukendi de son vivant, rapporte encore l’AFP.
La stratégie des organisateurs des manifestations publiques pour influer sur l’avenir politique de la RD Congo est donc d’engager le fameux « peuple qui gagne toujours » sur la voie de ses victoires supposées. De faire des émules à partir de cette sorte d’héroïsme de Rossy Mukendi. « Rossy est mort héroïquement ? Mourrons à son exemple », semble être le mot d’ordre.
Nouveaux appels aux suicides
A défaut d’appeler carrément à des nouvelles marches après celle du 25 février dernier, des organisations dites pro-changement appellent à une ville morte dès vendredi 9 mars 2018. « En hommage aux victimes de la répression sanglante et inhumaine des marches … ». Un autre groupe du même acabit prétend constater la détermination de la jeunesse à en découdre avec la dictature et l’oppression et l’appelle à adhérer l’appel à la ville morte. Un autre message signé de « Tous les mouvements citoyens de la RDC », appelle lui aussi à une ville morte vendredi 9 mars 2018. C’est-à-dire, à une journée sans travail pour ceux qui en ont un, à une journée sans revenus pour la plupart des ménages qui vivent au jour le jour dans la capitale Kinoise. La stratégie, dont l’opposition politique use et abuse depuis plusieurs décennies, a pourtant démontré qu’elle est plus suicidaire que révolutionnaire. Mais rien n’y fait. En mal d’imagination, les leaders de l’opposition « messianique » semblent incapables de résister à la tentation d’y revenir encore et encore : « Rossy Tshimanga Mukendi s’est suicidé. Suicidons-nous tous ». Une manifestation de l’indigence de la pensée dans une organisation dépourvue de perspectives.
J.N.