C’est confirmé depuis le 2 mars 2018 avec la publication du rapport de l’équipe chargée de l’enquête sur les récentes attaques contre les casques bleus en RD Congo : ce sont bien des rebelles ougandais de l’ADF qui avaient attaqué un camp de casques bleus tanzaniens dans la vallée de la Semluki au Nord Kivu. L’Équipe d’enquêteurs, dirigée par l’ancien sous-secrétaire général de l’ONU chargé de l’Etat de droit et des institutions de la sécurité, Dmitry Titov, et composée d’experts militaires et en sécurité, de spécialistes de questions politiques et de logisticiens, ainsi que de deux hauts responsables des Forces de défense populaires de Tanzanie a livré les premières conclusions de son enquête. Qui concluent que les trois attaques contre les casques bleus ont été perpétrées en utilisant « un mode opératoire similaire » et que toutes les preuves disponibles indiquent que les Forces démocratiques alliées (ADF) en seraient les auteurs.
L’Équipe a en outre relevé un certain nombre de lacunes dans la formation et le dispositif de la Mission pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO) et notamment dans sa brigade d’intervention composée de troupes fournies par la SADC. Elle recommande que la Mission, le Siège de l’ONU à New York et les pays contributeurs de troupes s’emploient activement à « mettre sur pied une stratégie visant à rendre la brigade d’intervention plus forte et plus agile, ainsi que mieux adaptée pour mener des opérations offensives, notamment dans des terrains reculés ou difficiles ». Presque mot pour mot la vaine exigence du gouvernement de la RD Congo lors de son interminable dialogue stratégique avec les chefs de la MONUSCO au cours des deux dernières années.
Outre les opérations militaires, l’Équipe spéciale d’enquête souligne l’importance d’« un engagement renforcé avec les acteurs politiques régionaux et les parties prenantes afin de mieux comprendre et contrer la menace posée par les ADF », chose que Kinshasa reproche régulièrement à ses partenaires de la mission onusienne de ne pas faire.
Sur la base des conclusions de l’Equipe spéciale, la MONUSCO a mis à jour son plan d’action pour l’amélioration de la sécurité des Casques bleus. Elle a également installé un éclairage du périmètre, modernisé l’infrastructure de communication et amélioré les dispositifs de sécurité dans plusieurs de ses bases. Des mesures insuffisantes, selon le CEPADHO, une Ong congolaise de défense des droits de l’homme active dans la région. Dans un communiqué rendu public à cet effet, tout en reconnaissant la délicatesse de la question, et en saluant la lucidité, le sérieux et le professionnalisme des enquêteurs dirigés par le Russe Dmitry Titov qui précisent clairement « que les auteurs de trois attaques contre les casques bleus Tanzaniens sont des éléments du groupe ADF », le CEPADHO dénoncent les mauvaises langues qui s’étaient amusées à « tenter maladroitement d’attribuer ces crimes aux FARDC ». L’Ong est aussi d’avis que les enquêteurs et les Nations Unies devraient aller jusqu’au bout de la logique induite par les conclusions de ce rapport. « Notre structure continue à soutenir que la meilleure compréhension des ADF passe avant tout par la reconnaître comme «mouvement terroriste », observe l’avocat Omar Kavota, le responsable de CEPADHO. Ce qui appelle à une planification qui tient d’une approche globale (intégrant au côté des opérations militaires des dimensions socio-politiques et économiques) « pour l’endiguer immédiatement et définitivement », a-t-il conclu.
J.N.