Il faut un peu de tout pour faire un monde ? Le vieil adage semble désormais pris en considération à l’opposition politique cornaquée par le Cardinal-archevêque de Kinshasa pour « dégager » Joseph Kabila. Tout comme il semble révolu, ce temps où une partie de cette même opposition ne cachait pas sa préférence pour les capitales euro-américaines dans ses pérégrinations pour tenter de faire bouger les lignes à Kinshasa. A quelque 9 mois des premiers scrutins électoraux, les radicaux se sont ravisés en accourant à Addis-Abeba où se tenait le week-end dernier le 30ème sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernements.
Moïse Katumbi Chapwe, Félix Tshilombo Tshisekedi, Antipas Mbusa Nyamuisi ont été aperçus à Addis-Abeba où ils auraient été reçus par Paul Kagame, le nouveau président de l’Union Africaine. Mais ce qu’ils ont eux-mêmes qualifié de lobbying transpire le populisme improductif et le manque de réalisme politique caractéristique de la classe politique rd congolaise en général. Tout ce beau monde nie avec véhémence et pusillanimité toute rencontre avec le président de l’UA tout en prétendant faire du lobbying en faveur de l’instauration d’une période de transition sans Joseph Kabila. Interrogé à Kinshasa, Abraham Luakabuanga, le porte-parole de Félix Tshilombo Tshisekedi explique avec emphase à Top Congo FM que «J’ai encore eu ce matin le président du Rassemblement au téléphone qui m’a dit que cette histoire est complètement fausse. C’est une rumeur pour pouvoir nous noyer. Nous n’avons pas l’intention de rencontrer Paul Kagame quand bien même qu’il est le président de l’Union africaine». Même son de cloche véhément chez Antipas Mbusa Nyamuisi qui accuse le pouvoir en place à Kinshasa d’avoir fait circuler cette information pour nuire à l’opposition.
Néanmoins, l’activisme de plus en plus perceptible de l’ancien ministre Kabila de la coopération régionale et des affaires étrangères confirme cette volonté des hommes du Cardinal-Archevêque de Kinshasa de faire feu de tout bois, au propre au figuré. La nouvelle recrue, ancien chef de guerre sur ses terres ancestrales Nande du Nord-Kivu, compte parmi les tireurs de ficelles de l’insécurité récurrente dans cette région mise sous coupe réglée par l’Armée du Peuple Congolais (APC), la branche armée du Rassemblement Congolais pour la Démocratie/Kisangani, Mouvement de Libération (RCD/K/ML). Pour venir à bout du pouvoir honni de Joseph Kabila, Monsengwo ne s’encombre manifestement plus de scrupules, donc. Parce que Antipas Mbusa, c’est un miracle s’il ne se retrouve derrière les barreaux à la Cour Pénale Internationale. En septembre 2002 à Nyakunde en Ituri, ce sont ses hommes de l’APC qui massacrent 1.500 personnes en 3 jours, poussant la sauvagerie jusqu’à achever des malades dans leurs lits d’hôpital. Un fait de guerre que le Cardinal Monsengwo, archevêque de Kisangani à l’époque, ne peut prétendre ignorer.
Chez nos confrères du quotidien français Le Monde, l’ancien roitelet de Beni-Butembo ne s’encombre pas de formules d’église pour parler du nouveau chef des troupes de l’opposition : « C’est un dur à cuire et c’est notre commandant », explique-t-il. Le Cardinal ne se contente plus du concours des fidèles catholiques. La lutte armée contre Kinshasa fait partie des plans du « Cardinal-Afande » pour sortir la RD Congo de ce qu’il présente comme un enfer. A la différence d’acteurs politiques kinois dont les galons d’opposants s’obtiennent au prorata de leurs capacités à rameuter des casseurs, Antipas Mbusa estime que « Ce n’est pas la rue qui fera tomber Kabila ». « Il n’y aura pas d’élections. Il faut donc utiliser les mêmes moyens que Kabila et l’opposition le sait bien, dit-il avec un ton détaché. Moi, je suis prêt. On n’a plus le choix. Certains ont commencé à former des groupes, mais il leur manque un chef », confie-t-il encore à nos confrères du Monde. L’accès au paradis, même terrestre, passe donc par les affrontements armés, pour ce fils de pasteur protestant.
Seulement, la lutte armée, Mbusa Nyamuisi et son Armée du Peuple Congolais l’ont menée durant quelque 5 ans, entre 1988 et 2003, sans jamais faire mieux que régner et écumer une partie de l’immense RD Congo. Plus précisément, les terres Nande de ce qu’on appelle le Grand Nord Kivu. Le nouvel allié du Cardinal-archevêque est « un très bon dealer d’une came appréciée sur le marché régional : les complots en tout genre, les manipulations régionales et ethniques (…) s’il réapparaît, c’est parce que les chefs de guerre profitent de la crise et se positionnent pour continuer d’exister » (Gérard Prunier).
A vouloir ainsi exhumer, même au nom de Dieu le Père, d’anciens chefs de guerre, c’est la lourde responsabilité de ramener la RD Congo aux affrontements armées de la fin de la décennie ’90 que prend le Cardinal Monsengwo Pasinya.
J.N.