Plus possible de se voiler la face : des appels à battre le pavé pour des « sommations » et à observer des « villes mortes » pour prendre la place de ceux qui sont au pouvoir, les populations rd congolaises en ont ras-le-bol. Exploitée à répétition et à tort et à travers depuis des décennies, la recette ne paie plus, depuis notamment que le pays s’est engagé dans un processus de démocratisation est devenu irréversible. Mais la classe politique nationale, celle qui se recrute dans les rangs de l’opposition radicale et extrémiste particulièrement, a délibérément choisi de ne pas en tenir compte. Et paie cash, désormais cette insouciante torpeur.
Mardi dernier fut une illustration en format réel de ce ras-le-bol des rd congolais. L’appel à une marche de sommation de plus à la date symbolique du 19 décembre – qui rappelle la fin du second et dernier mandat présidentiel de Joseph Kabila – a essuyé un flop tout aussi symbolique : c’en est fini, personne n’y croit plus. Nul n’a marché nulle part sur toute l’étendue de la RD Congo. Aucun rapport, aucun compte-rendu même de prétendues sources indépendantes habituelles n’en a fait état. C’est plutôt des forces de maintien de l’ordre qu’est venu le seul rapport sur la marche de sommation du 19 décembre 2017, qui fait état non pas de marche mais d’interpellation de 27 militants de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), le parti tshisekediste. C’est bien plus que maigre.
Nul n’a vu marcheurs
A Kinshasa la capitale, les observateurs sont unanimes sur le fait que les activités « ont tourné au ralenti ». Pas plus. Mais pas seulement en raison de la pluie fine qui a arrosé la mégapole dès les plus petites heures du jour, mardi dernier, parce que la flotte n’a pas empêché les unités de la police de se déployer aux emplacements stratégiques de la ville : Rond-Point Ngaba, Quartier 1 Ndjili, ou encore Boulevard Triomphal à Kasavubu et Place de l’Echangeur à Limete. « La pluie n’a pas empêché les marchés kinois d’ouvrir », fait observer, cet étudiant en réaction aux tentatives maladroites de Félix Tshilombo Tshisekedi d’expliquer le fiasco d’une manifestation à laquelle il avait personnellement convié les rd congolais. Non, au Rond-Point Ngaba, par exemple, taxis et piétons circulé calmement entre les 3 camions de la police anti-émeutes stationnés là depuis le matin. Même scénario à l’entrée de la commune de Ndjili, au quartier 1 où l’important dispositif policier semble plutôt avoir encouragé la circulation des personnes et de leurs biens.
A Lubumbashi, la deuxième grande ville de la RD Congo, seulement quelques arrestations sont rapportées, 3 selon nos confrères de l’Afp, des jeunes gens qui tentaient de mettre le feu à tribunal dont ils venaient de casser les vitres.
La même source renseigne qu’à Bukavu, une dizaine de personnes qui tentaient de se regrouper ont été dispersées par les forces de police. A Uvira, l’autre grande agglomération de la province du Sud Kivu, le ralentissement des activités n’a été observé que jusque 10 heures locales environ, rapporte la radio onusienne Okapi. Par la suite, banques, boutiques, magasins et bistrots ont normalement fonctionné.
Seulement quelques interpellations
A Goma, le chef-lieu de la province du Nord Kivu qui abritait une importante conférence des gouverneurs de province présidée par Joseph Kabila, il n’y a pas eu âme qui vive qui ait répondu à l’appel de l’opposition. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir tenté : le 18 décembre, un communiqué de la section locale du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement clamait qu’il (le Rassemblement …) « … se joint à l’appel du Rassemblement/RDC qui appelle le peuple congolais à pouvoir manifester son indignation au non-respect de l’accord de la Saint Sylvestre par une marche pacifique ce mardi 19 décembre 2017 et de ce fait obliger Monsieur Kabila présent à Goma depuis ce lundi de démissionner au plus tard ce 31 décembre 2017… ».
Rien à signaler à Mbujimayi, le fief des Tshisekedi, non plus. En dehors de l’interpellation du président local de l’UDPS, Denis Kalombo : « … quelques tentatives d’attroupements hostiles des militants de l’UDPS ont été dispersés. Dans cette circonstance, la police a mis la main sur le président fédéral de l’UDPS pour trouble à l’ordre public », a expliqué le Colonel Pierrot Mwanamputu, porte-parole de la Police Nationale Congolaise. Dans la capitale diamantifère aussi, la ville s’est contentée de tourner au ralenti.
Ailleurs à l’Ouest de la République démocratique du Congo, rien à signaler à Matadi, Boma et Muanda, sinon un relatif ralentissement des activités.
Plus qu’un échec, un désaveu
Le dernier appel à manifester a été donc plus qu’un échec, un désaveu patent de la part des rd congolais, qui ont déjà exprimé leur foi aux élections et à l’alternance au pouvoir par la seule voie des urnes en s’enrôlant plus que massivement : ce sont 45 millions qui sont inscrits sur les listes électorales, que les acteurs politiques de l’opposition feignent d’ignorer. Particulièrement, Félix Tshilombo Tshisekedi, le fils de son père, qui s’est lancé dans médias dans des explications qui, selon certains observateurs, compromettent à la fois son image et le leadership dont il s’est prématurément accaparé, du parti paternel et de l’opposition radicale. L’échec de mardi dernier, c’est la faute à la police qui a dissuadé les combattants, mais aussi à la pluie et à un défaut de coordination, s’est défendu celui que l’on surnomme également « Fatshi ».
Mais aucun de ses arguments ne tient la route : la présence policière avait été plus discrète que par le passé à Kinshasa, notent les observateurs, dont nos confrères de la RFI et de l’Afp, que l’on ne peut pourtant soupçonner de prendre le parti de la majorité au pouvoir à Kinshasa. Loin s’en faut ; la fameuse pluie n’a pas empêché les kinois de s’adonner à leurs activités quotidiennes de survie ; et le fameux défaut de coordination semble plutôt dissimuler de sérieuses divergences entre les acteurs politiques de l’opposition. Sur son site twitter, le G7 Christophe Lutundula, par exemple, n’a pas arrêté de vanter sa préférence pour l’appel aux « villes mortes », plutôt qu’aux manifestations bruyantes. En désespoir de cause, mercredi 20 décembre 2017, cet unique élu du MSDD à travers la RD Congo soutenait que « Quelles que soient les qualités et la détermination d’une opposition, tant que le peuple n’a pas une conscience aiguë de sa condition misérable ni atteint le seuil critique de la révolte, la lutte de libération a très peu de chance de réussir. Défi à relever pour le Rassop ». Ce n’est pas le point de vue du nouveau patron de la frange radicale de l’opposition politique qui, aussitôt après le désaveu de mardi dernier, a de nouveau appelé à manifester : « Nous avons perdu la bataille, mais pas la guerre », a-t-il mollement expliqué aux sympathisants de l’UDPS.
Mardi 19 décembre 2017, la marche de sommation contre Joseph Kabila s’est transformée en désaveu de sommation contre l’opposition politique.
J.N.