Ses affirmations sur le M23 se diluent dans des références stériles, visiblement concoctées dans ses laboratoires de Bruxelles et de Kinshasa…
L’intérêt de ce énième rapport réside dans les chapitres IV, V, VI et VII. Du premier chapitre intitulé «Recrutement et rôle des membres du M23 dans la répression de décembre 2016 », il ressort que «S’appuyant sur 21 entretiens avec des combattants, des commandants et des leaders politiques et avec neuf officiers des forces de sécurité congolaises, Human Rights Watch estime qu’au moins 200 combattants du M23 ont été recrutés en Ouganda et au Rwanda par le gouvernement congolais et déployés à Kinshasa, Lubumbashi et Goma autour du 19 décembre 2016». Le rapport ajoute que «Le nombre réel est probablement sensiblement plus élevé».
Seulement, voilà : au chapitre V relatif au «Recrutement des membres du M23 pour des « opérations spéciales’ », Ida Saywer se contredit en faisant plutôt état du déploiement, vers le 19 décembre 2016, d’«au moins environ 200 combattants en Ouganda et au Rwanda entre mai et juillet 2017 (…) envoyés dans un camp d’entraînement à Kisangani, dans le nord-est de la RD Congo» ! Notons qu’il s’agit, selon la terminologie consacrée, d’un rapport documenté…
Ida Sawyer affirme que «De nombreux responsables de la sécurité en RD Congo, au Rwanda et en Ouganda, ainsi qu’au moins 20 officiers supérieurs du M23, ont organisé et facilité les transferts clandestins dans les trois pays, qui supposaient de longs trajets par voie terrestre et aérienne» avant de relever que «Les responsables des services de sécurité congolais ont versé aux combattants du M23 des sommes d’argent relativement importantes et les ont nourris et logés pendant le déploiement».
Selon les entretiens que HWR a eus en 2017 successivement avec un combattant du M23 à Kiziba le 27 mars, un combattant du M23 à Gisenyi le 29 mars, un cadre politique du M23 à Rwamwanja le 19 février, un combattant du M23 à Kyaka le 19 février, un combattant du M23 à Rwamwanja le 21 février, un combattant du M23 à Kisoro le 27 janvier, un combattant du M23 à Rwamwanja le 9 mars et avec un combattant du M23 en RDCongo (sans déterminer cette fois la ville ou la localité) le 7 juin 2017, «Des combattants du M23 ont raconté à Human Rights Watch qu’ils ont accepté de participer à l’opération de protection de Kabila parce qu’ils étaient bien payés, bien pris en charge avant et pendant leur déploiement en RD Congo, et qu’ils suivaient simplement les ordres de leurs commandants. Certains ont dit qu’on leur avait promis des grades élevés et des postes prestigieux dans l’armée congolaise ou un retour en RD Congo après avoir passé des années à l’étranger dans des conditions difficiles. Huit combattants avec qui Human Rights Watch s’est entretenu ont indiqué que leurs supérieurs leur avaient affirmé que seul Kabila protégerait et soutiendrait leurs intérêts en RD Congo, et qu’ils devaient donc agir pour faire en sorte qu’il reste au pouvoir (…) [113]».
S’en suit une litanie de témoignages : un officier de haut rang du M23 en Ouganda, un autre officier du M23, un combattant du M23 en Ouganda, un autre combattant du M23 au Rwanda, un lieutenant-colonel de l’armée congolaise, de hauts responsables de la sécurité congolaise partis en Ouganda vers fin 2016, un officier du M23 ayant décrit à HWR les visites dont question, un autre commandant témoignant de la perception des montants variant entre 300 et 500 USD, des recrutements opérés au Rwanda à partir d’octobre 2016 dans des camps de Kiziba et Kigeme, l’acheminement des recrues en RD Congo à partir des territoires rwandais et ougandais.
Après avoir décrit les actions menées notamment à Kinshasa, Lubumbashi, Goma, Matadi et Boma, les témoins soutiennent qu’ils sont rentrés les uns en Ouganda, les autres au Rwanda fin décembre 2016 et début janvier 2017 «pour attendre la mission suivante ».
Au Chapitre V consacré au «Recrutement des membres du M23 pour des ‘opérations spéciales’ », Ida Saywer fait état du déploiement, vers le 19 décembre 2016, d’«au moins environ 200 combattants en Ouganda et au Rwanda entre mai et juillet 2017 (…) envoyés dans un camp d’entraînement à Kisangani, dans le nord-est de la RD Congo», bon nombre ayant «d’abord été conduits à un camp militaire congolais à Kamina, dans le sud de la RD Congo, avant d’être transférés à Kisangani». A l’en croire, «Un haut responsable des services de sécurité congolais a déclaré (…) que les hommes à Kisangani ont une ‘mission spéciale’ et que le groupe sera ‘spécialisé dans la réponse à la situation politique actuelle et à toute menace contre le chef de l’État’».[154]. Le haut responsable dont question a eu cet entretien à «Bruxelles, mi-2017).
Au Chapitre VI, Ida Sawyer identifie par les noms complets, leurs grades et leurs fonctions les officiers supérieurs congolais «ayant joué un rôle de commandement dans l’opération», omettant les mêmes coordonnées pour les homologues rwandais et ougandais !
Au Chapitre VII, il est fait état des réponses des autorités gouvernementales et des dirigeants du M23. «Human Rights Watch a communiqué les conclusions des recherches documentées dans ce rapport dans des courriers envoyés à de hauts responsables congolais, rwandais et ougandais en août et en septembre 2017. Les gouvernements congolais et rwandais n’ont pas fourni de réponses officielles à Human Rights Watch», relève Ida Sawyer qui reprend, toutefois, celle d’Adolphe Mwesige, ministre ougandais de la Défense et des Anciens combattants, faite le 5 septembre 2017. C’est-à-dire avant les conclusions ! «Il a indiqué qu’aucun incident de recrutement clandestin de combattants du M23 par de hauts responsables de la sécurité congolais en Ouganda ‘n’a jamais été signalé aux autorités ougandaises’. Le ministre a également mentionné qu’’aucun officier ougandais n’a fait l’objet d’un rapport pour avoir facilité le recrutement ou fourni un transport à d’anciens combattants du M23 pour se rendre en RDC depuis l’Ouganda», note-t-elle.
Sur Bertrand Bisimwa, avec qui elle dit avoir partagé lors d’un entretien téléphonique le 15 novembre 2017 les conclusions de ses recherches, Ida Sawyer retient que : «En réponse, Bisimwa a dit que des officiers de forces de sécurité congolaises avaient recruté des combattants du M23 de camps en Ouganda et au Rwanda et les avaient envoyés en RD Congo pour participer à des opérations spéciales : ‘Le gouvernement congolais a refusé de mettre en œuvre les accords que nous avons signés à Nairobi. C’est justement le fait qu’il ait refusé de mettre en œuvre les accords qui a ouvert la porte à ce genre de manœuvres. Ils [des officiers des forces de sécurité congolaises] ont trompé nos combattants… Certains d’entre eux sont fatigués d’attendre en exil, et ils sont alors tentés d’accepter des offres pour participer dans ce genre de choses. On leur offre de l’argent, et on leur dit qu’on va leur confier la responsabilité d’une unité de l’armée. [Les recruteurs] profitent de leur mécontentement en exil. [Les combattants du M23] sont fatigués d’attendre et tombent dans le piège du gouvernement…. Nous regrettons que certains de nos combattants soient ramenés [en RD Congo] pour être utilisés dans ces opérations».
Il y a toutefois un bémol avec cette phrase : «Bisimwa a dit qu’il n’était pas au courant des opérations dans lesquelles les combattants du M23 étaient impliqués après leur arrivée en RD Congo…».
Succession stérile de 37 entretiens…
Les observations essentielles à faire à ce stade sont les suivantes :
1. Les gouvernements congolais et rwandais n’ayant pas jugé utile de répondre à HRW chacun pour des raisons qui lui sont propres – dans le cas de la RDCongo, la hargne d’Ida Sawyer y est pour beaucoup – les réponses-clés sont celles du ministre ougandais de la Défense et des Anciens Combattants et du président du M23 Bertrand Bisimwa. Or, le premier ne reconnaît pas ce type de recrutement dans son pays ; le second dit n’avoir pas été au courant.
2. La surprise vient cependant d’Ida Sawyer car elle a eu, là, l’occasion de demander à Bertrand Bisimwa si, après avoir constaté d’abord la disparition puis le retour des «recrues» dans des camps situés au Rwanda et en Ouganda, le président du M.23 avait saisi officiellement les instances garantes des Accords de Nairobi, notamment l’Onu via la Monusco, l’Union africaine, la Cirgl et la Sadc. Après tout, des ex-rebelles partis en «mission spéciale» comme Job (sans un sou) devraient tout de même revenir comme Crésus (pleins de sous). Cela se serait fait remarquer de tout le monde.
3. Le chapitre V est le summum de la confusion. Le recrutement est justifié par rapport à la tension annoncée pour fin mandat du Président de la République en décembre 2016. Et voilà, comme relevé ci-haut, que du déploiement autour du 19 décembre 2016 on passe au déploiement à mai ou juillet 2017 pour le même « contingent », soit cinq ou sept mois après la conclusion de l’Accord de la Saint Sylvestre le 31 décembre 2016 !
4. La partie essentielle du Rapport, celle consacrée aux témoignages s’entend, ôte au travail effectué par les enquêteurs de HRW toute la portée qu’on tente de lui donner. En effet, à partir du Chapitre IV relatif aux «Recrutement et rôle des membres du M23 dans la répression de décembre 2016 », jusqu’au Chapitre V consacré au «Recrutement de membres du M23 pour des ‘opérations spéciales’ », les références évoquées (113 à 150) sont une succession stérile de 37 entretiens de Human Rights Watch. Quand ce n’est pas avec un combattant du M23 ou un officier rwandais ou ougandais anonyme, il s’agit d’un agent de renseignements congolais tout aussi anonyme. Il paraît que la confidentialité est requise pour sécuriser les témoins.
En toute logique, pour avoir bouclé la série des entretiens par Bertrand Bisimwa le 15 novembre 2017, Ida Sawyer, qui déclare avoir «communiqué les conclusions des recherches documentées dans ce rapport dans des courriers envoyés à de hauts responsables congolais, rwandais et ougandais en août et en septembre 2017», n’avait pas à solliciter les avis et considérations des autorités congolaises. Libre à elle de relever que «Les gouvernements congolais et rwandais n’ont pas fourni de réponses officielles à Human Rights Watch». Mais qu’est-ce qui explique l’absence de référence à ces courriers ? Pour édification, la référence n°170 précède le chapitre VII, tandis que la référence n°171 fait état de la réponse du ministre ougandais de la Défense et des Anciens combattants. Sur les courriers destinés à Kinshasa et à Kigali, rien n’est signalé !
On est en droit de soupçonner HRW de malhonnêteté intellectuelle pour avoir sollicité du Gouvernement congolais des observations avant conclusion d’enquêtes.
Aussi, à la lumière de ces évidences, on peut l’affirmer sans ambages : Ida Sawyer vient de rater sa «propre mission»…
Omer Nsongo die Lema avec Le Maximum