Certaines banques de la place, de première importance, sont dans le viseur de la présidence de la République. C’est ce qui ressort du rapport transmis depuis le 4 août dernier par le conseiller spécial du Chef de l’Etat en matière de bonne gouvernance, de lutte contre la corruption et de blanchiment des capitaux, Luzolo Bambi, au Procureur Général de République, Flory Kabange.
Selon des sources dignes de foi, le Conseiller spécial du Chef de l’Etat a transmis des faisceaux d’indices de blanchiments de capitaux et de fraudes fiscales contre les sociétés pétrolières Cobil, Total et Engen, ainsi que des entreprises du secteur agroalimentaire, Congo Futur, Midema et Socimex, en connivence avec certaines banques commerciales de la place : RawBank, BCDC, ECOBANK et Standard Bank. Ces griefs qui ne sont encore que des présomptions ont également été évoquées par la DGM, Direction générale des migrations, qui a fait état de «la discordance des chiffres entre les statistiques collectées auprès des banques commerciales et ceux du compte général du trésor de la BCC », en ce qui concerne notamment « des licences de transfert de fonds vers l’étranger obtenues auprès des banques commerciales », ou encore de «rapatriement des devises en RDC à titre d’impôts, redevances et autres droits».
Transferts des devises.
Pour ce qui est, par exemple, de l’IERE, Impôt exceptionnel sur les rémunérations versées aux expatriés (47.1 milliards de FC attendus en 2017) et de l’impôt sur les revenus salariaux des expatriés (Assignations 2017, 67 milliards de FC ), la DGI (Direction Générale des Impôtsl) applique non seulement le taux d’imposition de 25 % relevant de la législation fiscale de droit commun, mais aussi celui de 10 % appliqué en tenant compte du Code minier. L’IERE est établi, en effet, en fonction des rémunérations générées par l’activité du travail exercé ou l’emploi occupé en RD Congo, et est déductible de la base imposable à l’IBP, Impôt sur les bénéfices et profits. Lequel est imposable, selon le Code minier, au taux de 30%.
Les prévisions du fisc sur l’IBP sont de 721 milliards de FC. Pour ce faire, la régie financière compte se baser sur des données de recoupement du ministère du Travail, de l’INSS (Institut National de Sécurité Sociale et l’INPP (Institut National de Préparation Professionnelle) ainsi que des licences de transferts de fonds vers l’étranger obtenues auprès des banques commerciales. Le fisc escompte, au bas mot, 48.9 milliards de FC sur l’impôt sur les prestations des services de toute nature fournies par des personnes physiques ou morales non établies en RD Congo. Longtemps tournée en bourrique, le fisc envisage de procéder purement et simplement à des recouvrements forcés, des saisies mobilières et immobilières ainsi que des comptes bancaires. Le succès d’une telle opération ne saurait être garanti sans la collaboration des banques commerciales de la place.
Luzolo reprocherait à RawBank, BCDC, ECOBANK, Standard Bank d’avoir aidé les sociétés pétrolières Cobil, Total et Engen à transférer à l’aide des licences d’importation des fonds de près de 105 millions de dollars (104.171.993,23 USD) à l’extérieur du pays sans contrepartie de marchandises. Il sied par ailleurs de noter que les trois entreprises pétrolières n’ont pas versé leurs dividendes 2016 à l’Etat, soit 293.394.495 FC pour Cobil, 835.618.956 FC pour Total-RD Congo et 1.460.635.156FC pour Engen
Complicités des mandataires de l’Etat.
Toutefois, des sources qui ont eu accès au rapport Luzolo attestent que certains hauts cadres de la DGI collaboreraient sinon auraient collaboré à la commission de certains forfaits contre le fisc. Le nom de l’ancien DG, Dieudonné Lokadi Moga, du Directeur des grandes entreprises, M. Mbuyu et du receveur principal Mbambi Munuki, seraient cités dans le rapport du Luzolo. Le Monsieur «Mains propres du Chef de l’Etat» les accuserait d’être en intelligence avec le patron de MinoCongo, Kansou Saeb, dans des opérations de minorations des frais d’impôts au détriment du trésor public. Le rapport avance le montant colossal de 226.525.602.628,11 FC.
Il sied de rappeler que Luzolo Bambi avait tenté de mettre au frais le puissant patron de Minocongo, mais le Libanais, sur ukase venu d’en-haut, a-t-on appris, a été remis en liberté en l’espace de quelques heures. Et pourtant, l’ancien ministre de la Justice, auteur du concept «Kuluna en cravate», accuse notamment la société Minocongo d’avoir transféré, au moyen de licences d’importation modèle «IB» à travers Byblos Bank, la somme de 54,6 millions de dollars.
Quant à la Rawbank, elle aurait couvert, selon le rapport de Luzolo Bambi, des opérations de péculat des hauts responsables de la RVA, Régie des voies aériennes. Le rapport cite nommément le DG, Bilenge Abdalah, ainsi que son directeur financier, Mwamba Sabiti, qui de s’être tapés 48,2 millions de dollars et d’avoir hypothéqué «toutes les recettes de la RVA à la RawBank en signant un contrat de gré à gré qui leur permet, sous couvert d’une gestion opaque de l’IDF -go pass-, de retirer des sommes colossales auprès de la RawBank sans justifications». Dans sa correspondance, M. Luzolo Bambi disait compter sur le «sens élevé du patriotisme et de justice» du Procureur général de République pour «aider le chef de l’Etat à combattre la fraude fiscale et douanière, la fuite des capitaux et le non-rapatriement des devises».
ABIJA BENAJA