Il se présentait encore il y a moins d’un trimestre sous les oripeaux d’une sorte de bienfaiteur désintéressé, uniquement préoccupé par la détresse de ses demi-frères rd congolais. Sindika Dokolo, le fils né d’une mère suédoise du défunt propriétaire de Banque de Kinshasa, Augustin Dokolo, n’aura pas tenu bien longtemps dans le rôle. Avant de dévoiler ses vraies lubies : l’ambition politique et une forte aversion contre le pouvoir en place à Kinshasa, qu’il a décidé de combattre. En ces temps de crise sur ces terres voisines de son pays d’adoption, l’Angola de Dos Santos dont il a épousé la fille, une des plus dames du contient selon la presse spécialisée, l’affaire peut s’avérer payante.
Vendredi 11 août à Londres, le jeune Sindika s’est résolument jeté à l’eau en créant ce qu’il présente encore comme un mouvement citoyen et apolitique, « Congolais lèves-toi ». « Nous avons donc décidé de créer le Mouvement des Congolais débout afin de diffuser massivement une juste pensée et soutenir toute action citoyenne, patriotique et pacifique dans le but du respect strict et sans condition de notre constitution en son article 64 dans l’intérêt national et dont le peuple est le seul bénéficiaire», avance-t-il. Sans être une parole prophétique, la dénomination du nouveau « mouvement citoyen » se veut manifestement proche de la nébuleuse religieuse qui attire tant les rd congolais. Parce qu’elle s’inspire du dernier appel au jihad lancé par les princes de l’église catholique romaine début juin dernier au terme d’une assemblée cléricale très politique.
Mouvement citoyen ?
Mais ils ne doivent pas se compter en millions, ceux qui croient en la citoyenneté du gendre du Chef de l’Etat angolais Eduardo Dos Santos. Parce que d’organisations citoyennes en Afrique en général et en RD Congo en particulier, de moins en moins de personnes y croient, tant il est laborieux de les distinguer des partis politiques tout court. Et Sindika, beaucoup l’ont vu venir. Parmi ses dernières prestations médiatisées, l’opinion se souvient sans doute encore de cette rencontre avec Moïse Katumbi, le richissime ancien gouverneur des riches terres katangaises, qui se présente lui aussi comme un farouche opposant au régime en place. Ou encore de ces déclarations emportées exclusivement orientées contre les tenants du pouvoir à Kinshasa. « La citoyenneté peut aussi être positive, inciter les compatriotes à plus d’ardeur au travail, par exemple. Cela ne devrait pas exclusivement consister à s’opposer au pouvoir politique », estime cet étudiant en sciences politiques de l’Université de Kinshasa. Et encore …
Fin avril dernier, le fils Dokolo volait au secours des réfugiés rd congolais qui ont fui les affres du phénomène Kamwina Nsapu dans les provinces kasaiennes vers l’Angola, son pays d’adoption par alliance. Le don à ses demi-frères en détresse fut médiatisé au point de reléguer à l’arrière-plan ses bénéficiaires : c’étaient 200 tonnes de riz emmené dans des containers estampillés d’un énorme portrait de ce « bienfaiteur » supplémentaire (en plus du Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés, déjà actif). Il était assorti d’un commentaire pathétique posté sur les réseaux sociaux : « Je suis choqué et meurtri de voir la barbarie que certains des réfugiés en provenance du Cogo ont subie », tweete Sindika Dokolo, promettant d’ajouter des produits pharmaceutiques à la nourriture.
Bienfaisance intéressée
Seulement, la bienfaisance ne semble pas aussi innocente qu’elle en donne l’air. Dans les provinces angolaises riveraines des régions kasaiennes dévastées par les Kamwina Nsapu (opposés à Kinshasa), bon nombre de réfugiés sont d’expression luba-lulua. Leur crédulité, qui n’a rien à voir avec la citoyenneté, peut servir. C’est dans leurs rangs qu’ont été recueillis les témoignages des enquêteurs sur les exactions dans la région de Tshikapa, qui accusent les forces régulières d’avoir visés des terroristes dont l’âge varie entre 8 et 15 ans …, selon un récent rapport onusien. En RD Congo, le don aux réfugiés kasaiens a aussi eu le don de réveiller des souvenirs. Notamment ces images insoutenables des compatriotes, des femmes rd congolaises refoulées au mépris de la législation internationale en la matière, violées et violentées par les forces régulières angolaises, il y a quelques années. « Personne n’avait vu ni entendu le gendre du Président Dos Santos voler au secours de ses compatriotes », fait observer ce Ndjilois ont au moins un frère et une sœur avaient été totalement dépouillés de leurs avoirs avant de se faire expulser. Sur ce chapitre des souvenirs, plus ironique est ce commentaire d’un cadre d’une entreprise pétrolière qui déclare dans un sourire qu’il « … espère que l’époux d’Isabel Dos Santos aidera à retourner vers Mwanda au Kongo Central les pipelines avec lesquels Luanda pompe le pétrole rd congolais aux larges de l’Océan ».
Longtemps présenté comme un riche collectionneur d’œuvres d’art, Sindika Dokolo n’est pas dépourvu d’atouts pour séduire l’opinion et la classe politique dans son pays d’origine. En ces temps de crise économique, beaucoup en RD Congo rêvent du « Moïse » qui les sortira de l’océan de misères d’un coup de canne. En cette matière, le fils Dokolo n’est d’ailleurs pas le premier, avant lui, Soriano Katebe Katoto, et Moïse Katumbi Chapwe ont pu exploiter la crédulité de leurs compatriotes et cristalliser les espoirs. Mais il n’est sans doute point de besoin de se parer d’oripeaux de citoyenneté pour ce faire.
Ambitions politiques
Sindika Dokolo était cité avec insistance depuis quelques années dans les milieux politiques à Kinshasa. Précisément, depuis qu’un transfuge de la rébellion du Mouvement de Libération du Congo de Jean-Pierre Bemba Gombo, Olivier Kamitatu Etsu, a créé son propre parti politique. L’Alliance pour le Renouveau du Congo (ARC, 2 élus nationaux en 2006) se dote d’un siège très en vue au bord du Boulevard Triomphal à Kinshasa et fait courir les premières rumeurs sur le fils Dokolo. Ce siège acquis à un emplacement aussi stratégique est l’œuvre de Sindika, rapportent des sources. Qui donnent Olivier Kamitatu comme disposant d’entrées solides au sein du pouvoir angolais grâce à ce gendre de Dos Santo. Seulement, le fils Kamitatu Cléophas, un pionnier de l’indépendance décédé le 12 octobre 2008 en Afrique du Sud, quitte la Majorité Présidentielle à laquelle il avait adhéré quelques années auparavant pour convoler en noces intéressées avec un autre homme richissime d’affaire, Moïse Katumbi et son G7. Une alliance qui avait le don d’éclipser prématurément Sindika, dont on parlait de moins en moins, jusqu’au premier trimestre 2017.
Les ambitions politiques de l’homme d’affaires de 45 ans ne datent donc pas d’hier.
J.N.
SYNDROME DE L’OPPOSANT RICHE ET SAUVEUR : SINDIKA DOKOLO, un nouveau « Moïse » congolais est le 11 août à Londres
