Lutte pour le Changement (Lucha), un mouvement de jeunes dit « citoyen » né il y a quelques années à l’Est de la RD Congo, a tenté d’organiser une manifestation publique contre la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et Joseph Kabila, qu’elle accuse de vouloir se pérenniser au pouvoir. Avec les mêmes slogans que ceux de la frange la plus extrémiste de l’opposition politique, la Lucha entendait intimer à la centrale électorale l’ordre de tenir les scrutins à fin décembre prochain au plus tard, contrairement aux estimations de son président, Corneille Nangaa Yobeluo, qui a assuré ne plus pouvoir tenir ces délais au cours d’une rencontre d’évaluation avec l’Organisation Internationale de la Francophonie. « Nous leur reprochons aussi le fait qu’ils ont une mauvaise foi, ils ne veulent pas organiser les élections. Raison pour laquelle nous leur mettons la pression qu’ils organisent les élections au plus tard le en décembre 2017 », a expliqué le 31 juillet 2017 à la presse un certain Félix Musikiya, déclarant exprimer le point de vue de tous ses collègues du mouvement.
Plusieurs villes du pays
En dehors de Kinshasa la capitale, où était prévue une marche qui devait partir du Stade des Martyrs de la Pentecôte vers le siège de la CENI au Boulevard du 30 juin, via le Rond-Point des Huileries, des manifestations analogues étaient programmées à Goma, Bukavu, Butembo, Lubumbashi. Elles ont été partout dispersées, parfois sans ménagement par la police, parce que les organisateurs se sont crus dispensés de requérir la collaboration des forces de l’ordre et d’indiquer les itinéraires à emprunter aux autorités municipales, a expliqué le porte-parole de la police, Pierrot-Rombaut Mwanamputu.
Annoncée à grand renfort de publicité dans les médias proches de l’opposition et les réseaux sociaux, la manifestation de la Lucha avait reçu le soutien de certains partis et regroupements politiques de l’opposition. « Je lance un appel pour l’ensemble du pays. Je demande aux membres de l’UNC et à toute la population du Sud-Kivu de rappeler à la CENI que c’est la date annoncée de la fin de l’enrôlement et que la population doit rappeler à la CENI, si elle devenue amnésique, que les élections doivent se tenir au plus tard le 31 décembre », a déclaré l’UNC Vital Kamerhe à la presse. L’élu de Bukavu en 2006, et candidat malheureux à la présidentielle de 2011 ne se souvenait plus, de toute évidence, de ses récentes déclarations pathétiques au sujet des échéances électorales lors des dialogues de la Cité de l’Union africaine et du Centre interdiocésain de Kinshasa. Pressenti 1er ministre du gouvernement d’union nationale issu des accords dits de la cité de l’UA au mois d’août 2016, le même Kamerhe avait dit et répété sur tous les tons qu’on devait absolument éviter de « brûler la maison RD Congo pour quelques mois de retard ». La CENI et les experts internationaux qui l’assistent estimant unanimement à l’époque que des élections crédibles ne pouvaient se tenir avant avril 2018 au plus tôt.
Soutien des opposants
Kamerhe n’est pas le seul à avoir accordé son soutien à la Lucha. Eve Bazaïba, Secrétaire générale du Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba Gombo et Moïse Katumbi, le candidat déclaré du G7 à la présidentielle, ont aussi apporté leur concours à la manifestation contre la CENI. « Cet homme (Joseph Kabila ndlr) est seul ; nous sommes 80 millions », a-t-il écrit dans un communiqué rendu public à cet effet, précisant qu’il s’inscrivait « totalement et sans réserve dans la ligne adoptée par le ‘Rassemblement’ », au terme de son dernier conclave à Kinshasa.
Rien de citoyen donc dans les manifestations organisées par ce regroupement qui s’est fait connaître de l’opinion par l’organisation d’activités financées par les chancelleries occidentales et autres organisations soutenues par le milliardaire américano-hongrois déstabilisateur des Etats africains Georges Soros qui s’évertuent à influer sur le cours politique des pays du continent. « On n’a jamais entendu Lucha manifester pour le respect des emblèmes du pays, par exemple », fait observer un politologue de l’université de Kinshasa, qui ne croit pas si bien dire. La citoyenneté de ces nouveaux mouvements paraît, en effet, plutôt circonscrite à l’intérieur des valeurs et des intérêts soutenus par les occidentaux, qu’ils veulent imposer dans certains pays : les droits de l’homme (au détriment des droits de la société, chers à une Afrique qui n’en finit pas de naître des cendres de la colonisation), un certain entendement de la démocratie, etc.
L’appel à manifester contre la CENI l’illustre : selon la constitution en vigueur en RD Congo, cet institution d’appui à la démocratie est réputée indépendante. Mais elle ne semble pas l’être, à l’entendement de l’opposition et de certaines puissances occidentales qui lui imposent calendriers et autres échéances électorales. Le mouvement dit citoyen est, en réalité, une organisation politique qui ne dit pas son nom.
J.N.