Dans sa livraison du 11 juillet 2017, nos confrères du quotidien français Le Monde ont cru faire sensation en publiant une information faisant état de l’acquisition par « deux proches du Président Joseph Kabila » d’un yacht de luxe. Le bateau, qualifié de mystérieux par nos confrères, aurait selon eux « engouffré 25 millions d’euros » de frais de rénovation. La pseudo révélation d’un des plus grands quotidiens paraissant en France avait, de toute évidence, un objectif plus politique d’informatif, comme le révèle l’accueil que la classe politique lui a réservé en RD Congo. Si dans la Majorité Présidentielle au pouvoir à Kinshasa un silence dégoûté a été observé sur l’affaire du Yacht de luxe attribué « aux proches » de Joseph Kabila, dans l’opposition radicale en panne de stratégies de raccourci pour la capture du « top job », on s’en délecte. A l’exemple du porte-parole de Moïse Katumbi, l’ARC Olivier Kamitatu Etsu, qui a sauté sur l’occasion pour dénoncer aussitôt « la dilapidation de l’argent du contribuable rd congolais ». C’est le BABA du lynchage par médias mondiaux interposés : une dénonciation médiatique portant sur des faits non avérés – une exploitation politique de ce qui peut s’avérer calomnieux, et le tour est joué : « Kabila et ses proches dilapident l’argent des Congolais en acquisitions de luxe » est l’insinuation inoculée dans l’opinion publique, ici. A un moment plutôt opportunément choisi : lorsque la situation économique du pays traverse des vagues caractérisées par la décote du Franc Congolais face aux devises internationales et sa cohorte de problèmes sociaux. Le tour de diabolisation est ainsi joué…
Pourtant, l’affaire du yacht attribué à Joseph Kabila et à ses proches ne pouvait pas résister pas à une analyse professionnelle la plus élémentaire. Comme la plupart de ces « révélations » qui pleuvent ces derniers temps sur le jeune Chef de l’Etat et les pouvoirs publics de la RD Congo. Pour nombre d’analystes, jamais la toute puissante presse dite mondiale n’a paru aussi ridiculement manipulable et prompte à pondre (ou vendre c’est selon) des « fake news ». « Même des journaux aussi sérieux que « Le Monde » peuvent donc verser dans autant de bassesse », se plaint ce cadre d’une entreprise kinoise. Et il n’a pas tout à fait tort.
25 Millions d’euros ?
Le Monde aurait voulu faire du sensationnalisme qu’il ne s’y serait pas pris autrement. D’un organe de presse réputé pour sa rigueur, on se serait attendu à plus de déontologie, tout de même. Si le titre de l’article du quotidien français assure bel et bien que le bateau de luxe amarré dans un port sud-africain dans l’attente de clients a coûté la bagatelle somme de 25 millions d’euros, le lecteur découvre au fil de la lecture qu’il s’agit d’une sorte d’hypothèse insuffisamment avérée. Le Yacht, un ancien navire de guerre entièrement rénové : « … aurait coûté près 25 millions d’euros, selon un ancien employé de La Rochelle qui préfère conserver l’anonymat ». La dénonciation sur laquelle Olivier Kamitatu a sauté comme un gamin affamé sur un gâteau la semaine dernière est plus que légère : non seulement le coût de la rénovation n’est pas certain, mais il est l’œuvre d’un obscur employé de la Rochelle. « Un peu comme si un maçon racontait à des collègues autour d’un pot après une journée de dur labeur combien son patron possédait de dollars dans un compte numéroté aux Bahamas», commente un chroniqueur économique à la rédaction du Maximum.
Déni de droit à la propriété
Les enquêteurs du Monde omme est censée rester confidentielle, comme devait l’être le nom du maître de l’ouvrage » ! Et c’est parti, le lecteur est emporté par un récit où le mystère le dispute à la vérité et à la réalité : tout est mis en prose pour noyer les rares évidences qui crèvent les yeux autour des opérations d’acquisitions et de rénovation du bateau de luxe rebaptisé Enigma XK. « Le véritable propriétaire du yacht se dissimule derrière une cascade de sociétés offshore … » avance Le Monde, sans pour autant pouvoir dissimuler le fait qu’il est bel et bien connu. Puisqu’il s’agit de l’entreprise Afritec SA, également présente en RD Congo depuis la nuit des temps, quasiment. « Les paiements des salaires peuvent s’effectuer en liquide et que MW Afritec SA possède bien le navire » révèlent les feuilles d’engagements d’ouvriers qui ont rénové l’unité navigante. De secret, il n’y en a donc point à ce niveau, manifestement. Mais il faut coûte que coûte entourer l’affaire de mystère, comme pour mieux l’assaisonner d’invraisemblances et de non-dits. Les auteurs font parler une autre de leurs sources sur cette affaire, encore un ancien matelot non autrement identifié, mais un matelot tout de même, qui renseigne que « ce sont des Congolais qui venaient surveiller le chantier. Ils payaient tout et signaient nos contrats (…) En même temps, on nous a fait comprendre qu’il ne fallait pas que nous disions travailler pour des Congolais », lui font ils dire. L’information est, on peut s’en rendre compte, capitale dans le cadre de cette affaire du yacht de luxe. Parce qu’elle confirme qu’il appartient à une personne –physique ou morale – ressortissant de la RD Congo. Mais elle est impossible à vérifier par d’autres sources que les auteurs de l’article. Contrairement à celle qui identifie, sur la base de feuilles d’engagement et de paies des matelots, le maître de l’ouvrage.
Des proches de Kabila ?
Mais c’est bien par cette brèche des confidences supposées du matelot fantomatique que Le Monde glisse et fonde une affirmation qui demeure loin d’être avérée : « De ces mystères, le bateau a hérité d’un surnom, « le Yacht du président » », écrivent-ils. Seulement, le rapport entre Joseph Kabila et Afritec SA demeure plus que tiré par les cheveux. Nos confrères s’en rendent manifestement compte et foncent : Afritec serait « proche du Chef de l’Etat de la RD Congo » parce qu’en décembre 2016, une enquête de Bloomberg décrivait Joseph Kabila comme un véritable oligarque, avec une fortune estimée à plus d’un milliards d’euros. Même si, ici, certains s’en souviennent aisément : pour condamner et finalement lâcher leur « ami » d’alors, Mobutu Sese Seko, les Occidentaux l’avaient présenté comme un dictateur assis sur un pactole de cinq milliards de dollars dissimulés en Suisse alors qu’il laissait les Zaïrois crever de faim. La pilule passe moins bien aujourd’hui, d’autant plus que les récupérateurs de la fortune de l’ancien dictateur n’avaient vu que dalle… Les allégations du Monde selon lesquelles Afritel SA = Joseph Kabila ne semblent fondées sur aucune preuve factuelle avérée. Les journalistes du quotidien français l’assurent eux-mêmes : l’entreprise appartiendrait à un certain Alain Wan, ressortissant congolais qui aurait hérité de ses propres parents d’une société de BTP et de construction navale créée en 1984 (MW Afritec, SPRL). L’entrepreneur se serait associé avec un ami d’enfance, Marc Piedboeuf, pour développer son business familial. C’est encore Le Monde qui le reconnaît, et il n’est pas le seul. Les concernés, Alain Wan et Marc Piedboeuf, l’assurent aussi et vont plus loin pour tordre le cou à la malveillance et à la calomnie qui entourent cet article : « Nous étions présents au Congo avant M. Kabila et nous y serons encore après lui. L’existence de notre groupe et de nos sociétés n’est pas tributaire ni n’agit pour le compte de M. Kabila », se défendent-ils dans un courrier. Ils affirment en outre être les propriétaires exclusifs de l’Enigma XK, le yacht amarré au Cap : « Le président [Kabila] n’a aucun lien avec ce bateau », ont-ils conclu.
Peine perdue
Mais rien n’y a fait. Depuis 2010, lorsqu’elle s’est approchée du pouvoir, MW Afritec aurait vu son chiffre d’affaires multiplié par 50, accusent nos confrères. Comme si c’était un crime pour une entreprise commerciale de faire des bénéfices, et comme si Afritec était la seule entreprise dans ce cas. « On peut s’étonner de voir ceux-là même qui accusent le régime Kabila d’avoir instauré un très mauvais climat des affaires et d’avoir tout cédé aux asiatiques aux dépens des partenaires traditionnels que sont les occidentaux s’émouvoir soudain de la multiplication du chiffre d’affaires d’une entreprise détenue par des Occidentaux », fait observer ce diplomate africain, d’un air ironique. La source du Monde ? Un certain Jean-Jacques « Lumumba ». Le même qui avait mérité sa carte de réfugié politique en Belgique en faisant sensation il y a quelques mois en accusant faussement la CENI d’avoir commis des détournements des fonds logés à la BGFI, une établissement bancaire qui l’employait et avec lequel il avait eu maille à partir. La pseudo-révélation ressassée par tout ce que la France et la Belgique comptent de quotidiens avait fait … un flop sensationnel. Mais les bénéfices de cette fiction ont été engrangés par le malin Jean-Jacques « Lumumba » qui, lui, s’en était plutôt bien tiré : les néolibéraux au pouvoir en Belgique pour lesquels Kabila est devenu une véritable bête noire ont mis la main à la poche pour l’aider à exfiltrer toute sa famille, sous le prétexte qu’elle était « menacée à Kinshasa » comme « lanceur d’alerte » (sic !). Ce dont rêve tous les jeunes gens de son âge en RD Congo. C’est ce fils d’une petite-nièce de Patrice Lumumba, qui n’est donc pas un Lumumba selon la coutume chez les atetela, ethnie d’origine du Héros National assassiné par… des Belges en 1961, qui est donc la « source » du Monde et des quotidiens européens. L’affaire du yacht de luxe, c’est comme l’affaire de la BGFI. Un pétard mouillé qui vogue comme le précédent dans les eaux boueuses du lynchage médiatique d’un pouvoir honni par quelques milieux belges et occidentaux nostalgiques et néocolonialistes. C’est clair comme de l’eau de roche.
J.N.