Son parcours semble sinueux. Vital Kamerhe cultive l’art de serpenter avec une certaine aisance entre l’opposition et la majorité au pouvoir, sans avoir l’air de se fixer. Mais, « ce n’est qu’une impression », de l’avis de cet observateur de l’arène politique nationale, qui dissimule maladroitement son penchant pour le député le mieux élu de la ville de Bukavu, le 2ème de toute la RD Congo après Moïse Katumbi au Katanga aux législatives 2006. Certes, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, depuis les « années Kamerhe », qui avaient vu l’ancien patron de la campagne présidentielle du candidat Joseph Kabila et secrétaire général du PPRD plastronner au bureau de la chambre basse du parlement, tout en caressant secrètement l’ambition de grimper, grimper, toujours plus haut. Impossible sans s’exposer à quelques risques politiques. Et à une chute plus ou moins vertigineuse.
Le 25 mars 2009, Vital Kamerhe est démissionné de la présidence du bureau de l’Assemblée Nationale et ne s’en cache pas. Au cours d’une des plénières les plus brèves qu’ait jamais connu députés et téléspectateurs, l’élu de Bukavu explique que son parti politique, le PPRD, lui a demandé par écrit de démissionner sans délais. Deux affaires étaient passées par là, les désormais célèbres contrats chinois et l’intervention des troupes rwandaises en RD Congo aux côtés des Fardc pour mettre un terme aux exactions des FDLR sur le territoire national. Dans l’une et l’autre affaire, la position du speaker AMP (Alliance de la Majorité Présidentielle) avait paru … contraire à celle de la famille politique. Les contrats chinois, VK avait quasiment contribué à leur torpillage à l’hémicycle en téléguidant un torpillage en règle en sous-mains, avaient rapporté des sources dans sa famille politique. Dans l’autre, l’alors secrétaire général de l’AMP avait publiquement pris le contre-pied de l’autorité morale de la famille en dénonçant la présence de l’APR sur le sol rd congolais.
Ambitions
Ce n’était pas assez, néanmoins, pour décourager cet acteur politique qui jacte sans accents toutes les langues nationales du pays et beaucoup d’autres encore. Fort de son aura – l’homme est un excellent arrangeur de foules – VK croit pouvoir foncer droit sur la présidentielle 2011, et annonce sa candidature. Naturellement, il échoue et doit se contenter de la 3ème place, après Etienne Tshisekedi. A défaut du sommet de l’Etat, VK se contentera du sommet de l’opposition politique, donc. Tout au moins, tant que le vieil opposant rd congolais, Etienne Tshisekedi, longtemps retenu en Belgique pour raisons sanitaires, ne remontre pas le bout du nez. En attendant ces échéances compétitives plus ou moins menaçantes pour lui, Kamerhe plante ses banderilles dans l’arène politique nationale. On doit à l’homme qui est devenu entretemps président de son propre parti politique, l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), 3 jours de manifestations violentes à Kinshasa et dans agglomérations du pays. Cela se passe les 19, 20 et 22 janvier 2015. Des affrontements entre forces de l’ordre et manifestants sont signalés. Des pillages des biens privés, particulièrement des commerces tenus par des ressortissants … chinois. Et 27 morts et d’importants dégâts matériels, selon le gouvernemental. Suffisamment pour que VK, qui prétendait s’opposer à la modification de la constitution et de la loi électorale, qui favoriserait la prolongation du bail de Joseph Kabila à la tête de la RD Congo au-delà du mois de novembre 2016, conforte sa stature d’opposant radical. C’était le prix à payer pour se débarrasser de l’image de « candidat du pouvoir » qui lui colle à la peau malgré ses ambitions affichées pour la magistrature suprême et le boycott des concertations convoquées par Joseph Kabila au Palais du Peuple en 2013.
Tentatives
Depuis lors, VK n’a eu de cesse de tenter d’agglomérer ce que la RD Congo compte d’opposants autour de sa personne en multipliant et démultipliant la création de plateformes politiques. Sans beaucoup de réussite, jusqu’à ce que ses affaires se gâtent dès fin 2015, lorsque son ancien collègue au PPRD, Moïse Katumbi Chapwe, quitte le parti présidentiel au mois de septembre et se proclame opposant trois mois plus tard, le 3 janvier 2016. Le richissime ex gouverneur ne semble pas vouloir se placer en ordre logique dans les rangs de l’opposition. Le 13 janvier 2015, il annonce de manière tonitruante devant les caméras de France 24 son projet d’organiser des primaires au sein de l’opposition en prévision de la prochaine présidentielle. Le projet présente l’inconvénient de reléguer VK, déjà candidat de l’opposition à la présidentielle 2011, au rang de simple candidat à la présidence de … l’opposition politique. L’élu de Bukavu réagit en critiquant l’initiative katumbiste, qu’il qualifie de prématurée. Elle ne servira qu’à affaiblir davantage l’opposition, lance-t-il. C’était une déclaration de guerre contre le futur patron et candidat à la présidentielle du G7.
L’UNC paiera l’« insoumission » à « Monsieur tiroir-caisse » (c’est le surnom accolé à Moïse Katumbi par ses détracteurs en raison de sa propension à acheter les consciences) par une saignée sans pareilles des cadres du parti. Claudel Lubaya (désormais à la tête de son propre parti politique), Jean-Bertrand Ewanga Is’Ewanga (ancien secrétaire général du parti), Sam Bokolombe, Odette Babandowa … la liste n’est pas exhaustive, ont dû quitter la barque UNC. Et migré vers le Rassop/katumbiste, naturellement. Pour couronner ces infortunes, Etienne Tshisekedi wa Mulumba, le leader de l’UDPS déjà candidat lui aussi à la présidentielle 2011, s’est mis dans l’idée depuis avril 2016 de regagner le bercail. Fin juillet 2016, le lider maximo, ainsi que le surnommaient ses partisans, a rappliqué à Kinshasa, non sans mettre, aussitôt foulé le sol national, un soin particulier à décliner les avances d’un Kamerhe soucieux de recoller les morceaux de l’opposition en s’y accrochant autant que faire se peut. Nenni.
Modération
Il faut donc jouer la carte de la modération. Le dialogue dit de la Cité de l’Union Africaine modéré par le Togolais Edem Kodjo lui en donne l’occasion. L’homme qui appelait, une année plus tôt, à barrer la route à un mandat supplémentaire à Joseph Kabila décide de prendre part aux assises destinées à baliser la voie vers des élections apaisées … au-delà de 2016 ! Fort de galons d’opposant radical arborées depuis les émeutes de janvier 2015, VK apporte quelque crédibilité aux assises qui se tiennent au Mont Ngaliema, entre le camp militaire qui héberge les troupes de la Garde Républicaine et l’Etat-Major Général des Forces Armées de la RD Congo (FARDC). Le patron de l’UNC, visiblement requinqué, est même cité parmi les possibles 1ers ministres du gouvernement à composer au terme des pourparlers. Suffisant pour prêter sa voix et user de sa persuasion pour vanter et louer la tenue des scrutins électoraux après novembre 2016, date de la fin constitutionnelle du second et dernier mandat présidentielle de Joseph Kabila. « On ne va pas brûler la maison RD Congo pour quelques mois de plus », avait lancé l’opposant radical conséquemment redevenu conciliant.
Seulement, l’UDPS Samy Badibanga Ntita a été préféré à VK pour diriger le gouvernement au terme du dialogue de la Cité de l’OUA. Même si le patron de l’UNC s’en est tiré avec un certain nombre de strapontins ministériels, dont le stratégique portefeuille du budget. Ce n’était sans doute pas tout à fait à la mesure des ambitions d’un ancien candidat à la présidentielle. A l’ouverture des assises du centre interdiocésain de Kinshasa, modérées par les évêques de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), VK accourt, sans vraiment en escompter autant qu’à la Cité de l’UA, quelques mois plus tôt. Chez les calotins, tout le monde est là, en ce compris l’UDPS et Etienne Tshisekedi en personne, mais aussi ses adversaires de la nouvelle opposition katumbiste.
Déçu ?
VK affecte de jouer à la neutraliste et à l’opposition constructive. Sauf lorsqu’il s’agit d’en faire rabattre à Martin Fayulu qui semble vouloir s’accaparer de la place laissée vacante par l’UNC dans les rangs des radicaux. Le décès d’Etienne Tshisekedi début février 2017 à Bruxelles, après avoir été unanimement désigné président du Conseil National de Suivi de l’Accord et du Processus Electoral (CNSA), lui offre une opportunité inouïe. Tout en prenant part au gouvernement Bruno Tshibala, l’UNC convoite désormais le poste laissé vacant par le défunt leader de l’UDPS. De cela, Vital Kamerhe ne se cache point. Dès mars 2017, l’opposition signataire de l’Accord de la Cité de l’UA, dont il est un des porte-étendards, se prononce pour la présidence de la nouvelle institution d’appui à la démocratie. Le 18 mai dernier, l’UNC a annoncé de manière quasi officielle la candidature de VK au poste. Le patron de l’UNC s’est même laissé aller à menacer à tout boycotter si la présidence du CNSA ne lui était pas attribuée, expédiant quelques vilains coups de sabots à Joseph Olenghankoy à Joseph Olenghankoy, le président du conseil des sages de l’aile du Rassop qui participe au gouvernement d’union nationale.
CNSA
Mais cela ne suffit sans doute pas aux yeux de l’ancien speaker de l’Assemblée nationale. Sa dernière pique, VK l’adresse à son successeur au secrétariat général du PPRD et au bureau de la chambre basse du parlement, Aubin Minaku, ainsi qu’à Léon Kengo wa Dondo. Les deux patrons des chambres parlementaires sont chargés de convoquer les parties prenantes au dialogue du centre interdiocésain de Kinshasa aux fins de désigner leurs représentants au CNSA. Kamerhe n’est pas d’accord. Un tel schéma amenuisant drastiquement ses chances de devenir président du CNSA. « L’accord ne reconnaît pas à Minaku et Kengo le pouvoir de convoquer les composantes », a-t-il déclaré, lundi 3 juillet 2017, à la presse à Kinshasa. Au nom du respect de l’Accord de la Saint Sylvestre, argue-t-il.
J.N.