En RD Congo, les décennies se suivent puis finissent lamentablement par se ressembler depuis la mise à mort du Héros national Patrice Emery Lumumba et des idéaux démocratiques et indépendantistes qu’incarnaient le premier Premier ministre élu de l’histoire du pays. 19 ans après la chute du Maréchal Mobutu Sese Seko, défait après 32 ans de règne sans partage par la rébellion armée conduite par Mzee Laurent-Désiré Kabila, des acteurs politiques de l’opposition radicale s’affairent fébrilement à fragiliser l’Etat et ses institutions avec l’appui de puissances étrangères, dans l’espoir de tout recommencer au profit de leurs propres ambitions. Tel semble être l’équation qui, depuis toujours, ruine tout espoir d’un réel décollage et du développement de ce pays qui est devenu, à cause de la répétition de cette pratique déstabilisatrice récurrente un véritable « géant aux pieds d’argile ».
Ces dernières semaines refait surface le mythe du départ du pouvoir du Président de la République, Joseph Kabila Kabange, élu en 2006 puis en 2011, sans autre forme de procédure démocratique que la volonté d’un quarteron d’acteurs d’une partie de l’opposition politique, soutenus ou manipulés (c’est selon) par de puissants intérêts étrangers.
A la faveur d’une rencontre dans une capitale européenne, Moïse Katumbi Chapwe, Félix Tshisekedi et Sindika Dokolo fils d’un dignitaire des années Mobutu et gendre du bientôt ex. président de l’Angola, ont ainsi embouché le refrain d’une transition sans Kabila en RD Congo, carrément. Certes, les observateurs de la scène politique savaient l’ancien gouverneur de l’ex province du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe, obsédé par l’envie de capturer la présidence de la République comme il s’adjugeait les carrés miniers du Katanga au temps de son mandat à la tête de la riche province cuprifère. Même si l’ambition de cet ancien « mécano-vendeur de poisson au Katanga », détenteur d’à peine un diplôme d’Etat des humanités pédagogiques obtenu dans un obscur établissement d’enseignement secondaire au Katanga et qui n’était devenu gouverneur de province que grâce à l’entregent de son ami, le défunt Augustin Katumba Mwanke, paraissait pour le moins démesurée.
La bande à Félix
Du fils Tshisekedi, Félix Tshilombo, on sait aussi qu’il ne rêve, lui aussi, que d’hériter de la primature longtemps convoitée par son défunt père, à défaut de devenir, lui aussi président de la République, en dépit d’un bagage intellectuel et d’une expérience des affaires publiques plutôt limités dans un délai très court.
Il reste que c’est de Sindika Dokolo, ci-devant fils d’un homme d’affaires ruiné par le cynisme de la dictature mobutiste, réfugié en Angola où il a épousé Isabel Dos Santos, la fille du Chef de l’Etat de ce pays voisin de la RD Congo, que vient la surprise. Sur son site Twitter, le jeune collectionneur d’œuvre d’art, fils du défunt Dokolo Sanu et d’une suédoise, s’est jeté dans la marre aux caïmans en déclarant sans ambages qu’il n’y aurait jamais d’élections crédibles avec Joseph Kabila à la tête du pays.
La rengaine n’est guère originale en RD Congo. Sous le Maréchal Mobutu dans les années ’90, l’opposition radicale avait déjà fait valoir cette idée pour s’opposer à toute tentative d’organisation des élections pendant qu’un « dictateur honni » était aux affaires. Tout en négociant en sous-mains avec lui pour partager le pouvoir dictatorial dénoncé à cor et à cri. Les nominations à répétitions de 1er ministres issus des rangs de l’opposition politique dite radicale, dont un certain … Etienne Tshisekedi, c’étaient autant de tentatives pour associer les contestataires de l’ordre établi à la gestion du pouvoir par Mobutu Sese Seko. Mais l’histoire a démontré que ni les élections ni le départ du dictateur ne furent obtenus en 7 ans de transition politique en RD Congo. On le sait donc depuis mai 1997, le Maréchal Motutu, ce sont plutôt la maladie (un foudroyant cancer de la prostate) et une opposition armée animée par Mzee Laurent-Désiré Kabila qui l’ont fait partir du pouvoir. Mais aussi, que le pays en a payé le lourd tribut en termes d’une insécurité généralisée, d’affrontements armés fratricides et même d’occupation et de pillage par des forces armées étrangères dont il peine encore à se tirer aujourd’hui…
Mythe fondateur
19 ans après, c’est un remake plat de ce mythe fondé sur la peur d’affronter un adversaire politique au pouvoir qui est proposé aux rd congolais par de jeunes acteurs politiques sortis de douillets cocons paternels il y a peu. Mais aussi par de plus expérimentés qu’eux, comme ces évêques catholiques réunis sous le label de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO). Parce qu’en RD Congo, les évêques catholiques ont pris le parti d’œuvrer contre la tenue d’élections avec Joseph Kabila à la tête du pays. Il n’y a pas un autre sens à donner à l’appel à mettre le pays sens dessus sens dessous lancé par les têtes couronnées de l’église catholique romaine le 23 juin dernier.
Pourtant, un peu de lucidité permet de se rendre compte que l’idée des élections sans un appareil d’Etat reste … un mythe derrière lequel on chercherait en vain un seul exemple dans la vie des nations modernes ou le plus petit avantage pour le peuple de la RD Congo.
D’abord, parce que si pour certains dans la classe politique, des élections crédibles ne sont pas possibles avec Joseph Kabila élu en 2011 à la tête du pays, on ne voit pas en quoi les mêmes élections le seraient avec un Moïse Katumbi, un Félix Tshilombo Tshisekedi ou un Sindika Dokolo ne disposant d’aucun mandat même échu à la tête de l’Etat : il existera toujours une partie de la classe politique pour ne pas croire en la crédibilité d’élections organisées sans sa participation au pouvoir. La seule façon de rompre ce cercle réellement vicieux artificiel de la « crédibilité politique » des élections consiste à associer la plus grande partie d’acteurs politique à leur organisation et d’aller de l’avant. Il n’y a pas trente-six manières pour ce faire et espérer départager des acteurs politiques convaincus, à tort ou à raison, qu’ils ne gagneront jamais des élections s’ils ne les organisaient pas eux-mêmes ou s’ils ne participaient pas à leur organisation.
Vide pour soi …
Ensuite, le mythe des élections sans Kabila induit l’instauration d’un vide au sommet de l’Etat lourd de conséquences sur le plan sécuritaire, particulièrement. Un vide que la Constitution de la RD Congo a exclu ‘expressis verbis’ à lire son article 70 alinéa dans sa lettre et son esprit. Un article 70 de la constitution que des prétendus défenseurs acharnés du « respect de la constitution » balayent curieusement d’un revers de la main. La RD Congo sans le chef de son armée nationale, c’est le chaos généralisé tant redouté qui s’installerait à travers l’étendue du territoire national. Les victimes d’une telle situation sécuritaire ne sont pas ceux qui de leurs salons climatisés à Kinshasa, Bruxelles ou Luanda embouchent le refrain des élections sans Chef de l’Etat à la tête du pays, mais bien la pauvre population au nom de laquelle ils prétendent parler au nom d’on ne sait quel mandat et à laquelle ils promettent monts et merveilles.
Sans compter qu’il n’y a pas lieu de compter sur l’actuel Chef de l’Etat pour prêter le flanc à un départ du pouvoir qui ne respecte pas les normes constitutionnelles auxquelles il a dit et redit qu’il restait attaché. Joseph Kabila se rendrait coupable de haute trahison s’il lui arrivait de quitter le pouvoir avant l’installation d’un nouveau Président de la République. C’est ce que lui commande l’article 70 de la constitution. Il n’y a donc pas lieu de compter sur lui là-dessus, sans doute.
Le mythe des élections à organiser sans Joseph Kabila à la tête du pays n’est donc que pur sophisme de la part des partisans du chaos en RDC.
J.N.
REMAKE DES ANNEES MOBUTU : Le mythe d’une « transition sans Kabila »
