Il est de ces coïncidences qui n’ont rien de fortuit. Telle celle qui consiste de rendre publiques des sanctions à l’encontre des officiels rd congolais au lendemain même de l’opérationnalisation de la dernière aire programmée par la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) pour l’identification et l’enrôlement des électeurs. A Bruxelles – siège de l’Union européenne – on sait ce que représente l’étape de Kinshasa plus que toutes les autres à l’intérieur du pays : la capitale de la RD Congo, mégapole de plus 10 millions d’âmes, est aussi connue pour être très frondeuse. La réussite des opérations de révision du fichier électorale dans la ville-province scellerait le succès de l’ensemble du processus électoral. On en veut pour preuve l’appel tardif lancé par l’Udps à ses combattants à se faire enrôler, alors que depuis le 31 juillet 2016 – date du lancement de ces opérations – ce parti-phare de l’opposition extrémiste se montrait encore peu disposé à se lancer dans la course.
Même s’il a pu paraître évident que l’Accord politique du 31 décembre 2016 avait pour enjeu premier et principal le processus électoral, il reste qu’en décidant de mesures punitives à l’égard de certains officiels et en les étendant à d’autres, l’Union européenne réchauffe la tendance observée chez les radicaux du Rassop Katumbi qui privilégient l’affaiblissement de leurs rivaux politiques de la Majorité présidentielle aux préoccupations électoralistes.
A l’exception de Lambert Mende et de Kalev Mutond, l’Union européenne accuse les 7 autres responsables rd congolais frappés par ses sanctions d’avoir «contribue donc, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme en RDC» Les sanctions prises se fondent donc sur les questions sécuritaires (Adf, Bakata Katanga, Bdk et Kamwina Nsapu) et politiques (élections et médias).
Du champagne pour les groupes armés
L’impression qui se dégage d’emblée est que les pouvoirs publics rd congolais n’ont jamais eu en face d’eux que des victimes ! Ainsi, la rébellion ougandsaise de l’Adf (à la base de tueries de civils innocents et de l’insécurité dans le Nord Kivu), les Bakata Katanga (qui opéraient dans l’ex-Katanga), le Bundu dia Kongo (qui a récemment provoqué morts d’hommes à Kinshasa et au Kongo Central) et les Kamwina Nsapu (qui écument l’espace kasaïen et est responsable de la mort d’au moins 20 chefs coutumiers, selon les dernières informations en date) ne seraient que des victimes innocentes devant leur bourreau : l’Etat congolais…
En d’autres termes, dans l’entendement de l’UE, tous les groupes armés étrangers et nationaux qui tuent, blessent et pillent au Congo ont droit à la protection. A la limite, à une réaction qui se limite à leur préservation de la part des forces de sécurité
Il n’est meilleure illustration de ce principe que nul n’ose crier trop haut que l’incapacité notoire de la Monusco à éliminer les forces négatives à l’Est du pays, et ces sanctions prises contre quiconque s’attèle à la tâche de ramener la paix perturbée en RD Congo. Les groupes armés comme les rwandais des ex-Far et les milices Interahamwe (Fdlr aujourd’hui), l’Adf, la Lra, l’Unrf II, la Funa, le Fdd, Wnbf, le Nalu et l’Unita, cités au chapitre 9 de l’Accord de Lusaka peuvent donc sabrer le champagne. Les Occidentaux leur assurent protection, gîte (la RD Congo) et couverts (les minerais locaux, le bois, etc).
Soutien et encouragement au Rassop
En ce qui concerne les questions politiques, il est intéressant de rappeler que l’Accord du 31 décembre 2016 résulte de la médiation initiée par le Président Joseph Kabila et confiée aux évêques catholiques réunis au sein de la Conférence Nationale Episcopale du Congo (CENCO). Après que le Rassemblement des forces politiques et sociales eût boudé le Dialogue facilité par l’Union africaine sur recommandation, pourtant, du Conseil de sécurité de l’Onu à travers la Résolution 2277.
Au point 3 de son communiqué de presse n°582/16 du 17 octobre 2016 relatif aux «Conclusions du Conseil sur la République démocratique du Congo», elle a notamment stipulé que «Le dialogue facilité par l’Union africaine à Kinshasa, et soutenu par l’UE en tant que membre du groupe de soutien, doit ouvrir la voie à une nouvelle phase d’un processus politique plus inclusif au cours des semaines à venir…’».
Mieux, dans le même communiqué, cette fois au point 8, elle a rappelé «les efforts significatifs qu’elle a consentis ces dernières années pour accompagner le pays » et confirmé «sa disponibilité à les intensifier en réitérant sa demande du 2 juin 2016 au gouvernement d’initier dans les plus brefs délais Conseil de l’UE un dialogue politique au plus haut niveau, conformément à l’article 8 de l’Accord de Cotonou».
Bruxelles ou Strasbourg sont-ils est en mesure, aujourd’hui, d’expliquer pourquoi et comment dans la Résolution 2348 rien n’est dit sur ce dialogue ?
Ce n’est pas tout. Du 14 au 26 septembre 2016, les partenaires extérieurs ont fait des déclarations encourageant le Dialogue de la Cité de l’Union africaine. C’est ainsi que :
– le 14 septembre, Thoms Pierrello a déclare qu’il : «il est préférable que les gens se présentent, exposent leurs points de vue et observent ce qui se passera ensuite. Etre présent est la meilleure façon de contester le statu quo, d’acquérir de l’influence, et de trouver le meilleur accord».
– le 16 septembre, J. Kirby a ajouté que : «Les États-Unis soutiennent le dialogue inclusif dans la poursuite d’un consensus dans la poursuite d’un plan qui privilégie les élections présidentielles dès que techniquement possible pour assurer une transition pacifique du pouvoir politique».
– le même jour, de Didier Reynders, un communiqué de son cabinet a noté qu’il a «évoqué la situation politique en République Démocratique du Congo (RDC) et le dialogue qui est en cours, en insistant pour que cela aboutisse à un accord inclusif, fixant des échéances claires et selon des modalités permettant d’organiser les scrutins le plus rapidement possible».
– le 19 septembre, J. Kirby est revenu à la charge en assurant que : «Les événements d’aujourd’hui soulignent la nécessité d’un processus de dialogue véritablement inclusif visant à parvenir à un consensus sur la tenue d’élections présidentielles dès que techniquement réalisable et garantissant la première transition démocratique du pays au pouvoir».
– A la même date, le Quai d’Orsay a estimé «nécessaire que le calendrier soit connu au plus vite et que le report de l’élection soit aussi court que possible».
– le 21 septembre, le Conseil de sécurité a souligné «l’importance cruciale de la tenue d’une élection présidentielle pacifique, crédible, transparente, dans les délais opportuns et dans le respect de la constitution».
– le 24 septembre, le Groupe de soutien au Dialogue (Ua, Onu, Ue, Oif, Sadc, Cigrl) a réaffirmé son «soutien au dialogue national en cours, soulignant en même temps la nécessité d’assurer l’inclusivité la plus large possible parce que cette inclusivité est un gage de stabilité et un gage de succès».
– et le 26 septembre, le groupe d’ambassadeurs de l’Ue, du Canada et des Etats-Unis accrédités en RDC a considéré que «L’importance pour cette délégation, qui représente bien la communauté internationale, c’est qu’on puisse s’assurer d’avoir un consensus le plus large possible qui puisse mener à la tenue d’élections crédibles et transparentes dans les meilleurs délais et dans le respect à la fois de la Constitution et de la volonté de la population ». Il a même félicité «le facilitateur pour le travail réalisé sur la colline » avant de l’encourager «à mener à bout ce travail», insistant toutefois sur l’inclusivité.
Au regard de ce qui précède, le constat à faire est que l’Ue, à l’instar du Conseil de sécurité de l’Onu, a choisi de soutenir le Rassop et de l’entêter sur la voie insurrectionnelle qu’elle caresse depuis sa création.
Le Rassop a planifié un soulèvement
Or, c’est quoi, le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changment ? C’est la plateforme qui a décidé de mettre les gens dans la rue un certain 19 septembre 2016 pour contraindre la CENI à convoquer le corps électoral au motif de respect des délais constitutionnels. Les animateurs de la plateforme savaient pourtant bien que la Centrale électorale venait de lancer le 31 juillet 2016, par Gbadolite, les opérations d’identification et d’enrôlement des électeurs en vue justement de la reconstitution du fichier électoral. Ils savaient que la CENI était dans l’impossibilité technique de disposer d’un fichier électoral consolidable et d’un corps électoral convocable.
En réalité, le Rassop entretenait un autre schéma. Et ce schéma qu’un de ses animateurs, Martin Fayulu, révélera dans une interview à «Jeune Afrique» le même 19 septembre 2016 alors que la ville commençait à brûler. Intitulée «RDC- Martin Fayulu : ‘Le peuple congolais veut emboîter le pas au peuple burkinabè’» et mise en ligne à 20h28, cette interview livre deux réponses intéressantes.
A la question de l’hebdomadaire de savoir pourquoi le recours à la rue alors que les pourparlers venaient de commencer à l’Hôtel Béatrice, l’élu de Kinshasa répond : «Nous avons choisi le respect de la Constitution. D’autant qu’il est du devoir de tout Congolais de faire échec à M. Kabila qui veut demeurer au pouvoir en violation la Loi fondamentale. Que Kabila ne se leurre pas : nous irons jusqu’au bout. Déjà, à partir du 20 septembre, nous ne reconnaîtrons plus les membres de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) parce qu’ils ont montré qu’ils étaient incompétents, sinon des partisans et inféodés à Kabila… ».
A l’observation du même média sur les prisonniers libérés par le Gouvernement, Fayulu rétorque, parlant du Président de la République que : «Nous n’allons pas laisser Kabila s’éterniser au pouvoir. Le peuple congolais veut emboîter le pas au peuple burkinabé qui s’est libéré des affres de Blaise Compaoré».
Les 19 et 20 septembre 2016, le Rassop avait, en vérité, planifié un soulèvement. Exactement comme le 19 janvier 2015, lorsque la «Dynamique de l’opposition », avait enjoint les parents de ne pas envoyer les enfants à l’école, les commerçants de ne pas ouvrir leurs boutiques et les personnes âgées de ne pas sortir au motif que le «peuple» devait prendre d’assaut le Parlement prêt à adopter un nouveau projet de loi électorale.
Le bilan de ces journées folles sera si effarant que Washington, pour la première fois, va ouvertement appeler dans son communiqué du 21 novembre 2016 «la coalition du Rassemblement sous la direction d’Etienne Tshisekedi à faire des propositions constructives et pratiques et à s’abstenir de rhétorique incendiaire ou des actions incompatibles avec les normes démocratiques».
Apparences trompeuses
Oui, la question revient : c’est quoi, le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement ? C’est une plateforme qui a obtenu par l’Accord du 31 décembre 2016 la grâce de survivre. Car, le respect de la Constitution recommandée constamment par l’Union européenne et même par les Etats-Unis veut aussi dire respect des dispositions prorogatives que sont les alinéas 2 de l’article 70 pour le Président de la République, de l’article 103 pour le Député national, de l’article 105 pour le Sénateur et l’alinéa 6 de l’article 197 pour le Député provincial.
Le Rassop a beau réussir l’exploit d’avoir amené le Conseil de sécurité de l’Onu à ignorer par sa résolution 2277 le Dialogue de la Cité de l’Ua et à consacrer cet accord comme «source de légitimité des Institutions de la Transition», la réalité est que cette plateforme a fonctionné (et continue d’ailleurs de fonctionner) sans statuts ni règlement intérieur.
Personne de raisonnable de ne peut accuser la Majorité Présidentielle ou le Pouvoir de l’avoir atomisée. Elle n’a pas su gérer le problème interne de la succession d’Etienne Tshisekedi, devenant de ce fait le facteur de blocage même de l’application dudit Accord.
En plus, des faits probants démontrent que le Rassop a empêché l’aboutissement du Dialogue Mp-Udps en 2015 et 2016 ainsi que celui de la Cité de l’Ua en 2016. Pourquoi faciliterait-il l’Accord de la Saint Sylvestre, 3ème initiative de Kabila ?
Les apparences sont bien trompeuses, et l’Union européenne est censée le savoir.
La preuve est qu’en prenant l’exemple de Lambert Mende, accusé d’avoir «adopté un décret limitant la possibilité pour des médias étrangers de diffuser en RDC», l’Ue sait de quel média s’agit-il. La Voa, la Bbc, la Dw et la Rtbf fonctionnent librement. La Rfi a été invitée à régulariser sa situation, et elle ne le fait pas. Considérer le ministre de la Communication et Médias comme «responsable d’avoir fait obstacle à une solution consensuelle et pacifique en vue de la tenue d’élections en RDC, notamment par des actes de violence, de répression ou d’incitation à la violence, ou des actions portant atteinte à l’Etat de droit» n’a pas de sens. Aucun esprit cartésien ne peut avaliser cette thèse.
Autre exemple : l’allusion faite à l’implication des Bakata Katanga dans les actes de violence commis dans l’espace kasaïen. Bruxelles – métropole coloniale – sait ce que représente une telle information dans les relations tumultueuses katango-kasaiennes. Des Katangais tuant, blessant et pillant des Kasaïens, c’est d’une extrême gravité !
Autre exemple : le fait d’ignorer les efforts politiques et sociaux entrepris par le vice-premier ministre en charge de l’Intérieur et Sécurité dans la gestion de l’affaire Kamwina Nsapu. Pas plus tard que le 22 mai 2017, au sortir de l’audience qui venait de lui accorder Emmanuel Shadary, le nouveau chef Kamwina Nsapu en la personne de Jacques Ntumba a remercié au nom de sa famille le ministre «pour sa sagesse et sa méthodologie qui ont abouti au retour d’un climat de paix entre sa juridiction et le gouvernement congolais». Mettant en garde «ceux qui, au Congo comme à l’étranger, continuent à utiliser le nom de son frère Kamuina Nsapu pour perpétrer des crimes», il les a carrément qualifiés de «bandits».
Résultat : l’Union européenne vient de gratifier des bandits !
Dès lors, toute l’argumentation développée pour justifier les sanctions à l’encontre de Boshab, Kyungu, Kande, Mazembe, Mende, Muhindo, Ruhorimbere, Ramazani et Kalev est politiquement motivée. On sent la main rd congolaise dans la mesure où elle reprend presque mot à mot les communiqués du «Rassemblement/aile Limete».
Assurément, les personnalités concernées vont le démontrer dans un cadre mieux organisé. Le Gouvernement, par la voix du VPM Léonard She Okitundu, a dénoncé «des instructions voire des injonctions données aux autorités de la RDC». Après tout, qui a mené les enquêtes ? Pour quoi, pour qui, quand, comment et où ?
Dans tous les cas, la main noire rd congolaise qui s’est offerte pour cet exercice doit réaliser qu’elle fait semer à l’Union européenne non pas du bon grain, mais de l’ivraie.
Et l’ivraie, on la brûle…
Omer Nsongo die Lema avec Le Maximum