Le terrorisme au Kasaï, connu sous l’appellation de « phénomène Kamwina Nsapu », qui dure depuis plus d’un an maintenant semblait relever des seules préoccupations du pouvoir en place. Parce que c’est à lui que revient l’obligation d’assurer la sécurité des citoyens et de leurs biens, entre autres. Mais aussi parce que, quelque part, les acteurs socio-politiques rd congolais ont cru bénéficier d’un malin plaisir en voyant la majorité présidentielle au pouvoir en RD Congo depuis 2011 s’empêtrer dans un inextricable conflit politique au terme du second et dernier mandat de son autorité morale, le Président Joseph Kabila.
Mais les choses apparaissent un peu plus complexes que cela. Et l’opposition extrémiste qui en a fait les choux gras paraît rattrapée par ses turpitudes habituelles, depuis notamment que de l’institution chargée d’organiser les élections s’élèvent des voix qui attirent pertinemment l’attention sur les conséquences prévisibles des randonnées tueuses de jeunes drogués du Kasaï Central.
Profitant d’une intervention à l’occasion du 9ème congrès de l’Union Nationale de la Presse du Congo (UNPC) tenu au Centre Catholique Nganda de Kinshasa du 4 au 5 mai 2017, le président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), a comme à son habitude, brossé à l’intention des journalistes l’état des lieux du processus électoral en cours. Evoquant les contraintes liées aux opérations d’enrôlement et de révision du fichier électoral, Corneille Nangaa a, naturellement évoqué la situation sécuritaire dans les deux provinces du Kasaï Central et du Kasaï, indiquant qu’elle imposait deux alternatives : surseoir à l’opération d’enrôlement dans les régions concernées et, en conséquence, tenir les élections partout ailleurs où la chose est faisable sauf dans lesdites provinces ; ou attendre que le retour de la paix pour y poursuivre les opérations préélectorales, pour des raisons de solidarité nationale.
« Au nom de la solidarité nationale il faut qu’il y ait la paix dans cette partie du pays, et qu’on enrôle avec équité comme on l’a fait ailleurs. Si il n’y a pas de paix et que ça prend beaucoup de temps, il y a deux options. La première option est qu’on a clôturé partout, on ne sait pas enrôler au Kasai, on va aux élections sans le Kasai. Les gens insistent sur décembre alors qu’ils ne voient pas ce paramètre. Si on tient à le faire en décembre, nous allons, mais sans le Kasai. Ou alors nous poussons les choses pour qu’on stabilise ce coin et que nous enrôlions pour avoir un fichier national. Mais là ce ne va nécessiter un peu de temps, ça ne sera pas en décembre », a en substance expliqué le patron de la centrale électorale rd congolaise. Tout en émettant le vœu de voir la situation revenir au calme dans cette partie du pays et d’y procéder à l’enrôlement des électeurs, comme partout ailleurs à travers le territoire national.
La nocivité des insurgés Kamwina Nsapu, c’était donc cela aussi : priver des millions des rd congolais résidant dans les deux provinces Kasaënnes affectées par ce phénomène de voix au chapitre dans le choix de leurs futurs dirigeants. En plus d’être déstabilisant pour des centaines de milliers de foyers innocents, l’insurrection kasaïenne s’avère démocraticide au plus haut point. Et c’est le moment que choisissent les élites locales pour donner piteusement de la voix, alors qu’ils semblaient soutenir le mouvement en sourdine jusque-là.
Réagissant à la déclaration de l’organe technique et légal qu’est la CENI pour les scrutins en RD Congo, André Claudel Lubaya, récemment placé à la tête du parti politique paternel, lui aussi, s’insurge contre ce qui apparaît pourtant comme une hypothèse de technicien. Vendredi dernier, l’ancien gouverneur de l’ex Kasai Occidental a entrepris de dénoncer l’une des deux hypothèses avancées par de Corneille Nangaa, qu’il présente comme une décision. En commençant par déplorer le silence du Président Kabila sur la question, quoiqu’il n’ait jamais arrêté de clamer sur tous les toits l’illégalité de son pouvoir à l’interne. Lubaya reproche au Chef de l’Etat de se taire par rapport à une décision « aux conséquences incalculables, distillée par la Centrale électorale et faisant de la radiation éventuelle du peuple kasaïen du registre national des populations congolaises ». Le gouvernement en place, qui lui non plus n’a jamais mérité le moindre ménagement de la part des radicaux de l’opposition parmi lesquelles se recrute le patron de l’UDA Originel, pêcherait par son silence sur la question.
C’est le désarroi, manifestement, chez certains leaders kasaïens. Interrogé par Le Maximum, un notable de la même province déplore l’inconséquence de ceux qu’il appelle « ses frères de l’opposition ». « Ni le Président de la République ni le gouvernement le droit d’interférer dans le fonctionnement de la CENI, une institution d’appui à la démocratie réputée indépendante », explique-t-il. Avant de conclure qu’il est absurde de reprocher à Joseph Kabila de respecter cette indépendance. Encore, déplore-t-il, que les radicaux de l’opposition donnent l’impression de vouloir à la fois une chose et son contraire : « ils passent leur temps à dénoncer une prétendue illégalité des institutions tout en y recourant à la moindre difficulté à résoudre. Ils auraient condamné l’insurrection au lieu de l’encourager par leur silence qu’on n’en serait pas là », estime cet interlocuteur de nos rédactions qui a requis l’anonymat.
J.N.