Ce n’est pas l’Accord du 31 décembre 2016 qui constitue la source de légitimité pour la période préélectorale et électorale. C’est plutôt la Constitution. Au demeurant, au point II.1. du Chapitre I relatif au Respect de la Constitution, l’Accord stipule clairement que : «les parties prenantes s’engagent à respecter dans son intégralité la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée en 2011 et les Lois de la République».
Dans ses conclusions du 6 mars 2017, l’Union européenne signe et persiste : elle tente une fois de plus de faire avaler aux Congolais de grosses couleuvres par rapport à la source de légitimité et de légalité pour les Institutions animant la «petite Transition». Elle salue, en effet, «l’accord du 31 décembre 2016 qui représente la seule voie pour asseoir la légitimité nécessaire aux institutions qui devraient gérer la transition, y compris celle de la présidence». Elle soutient même que «Cet accord prévoit entre autre le maintien en fonction du Président pour autant qu’un Premier Ministre présenté par l’opposition soit nommé et que toutes les institutions soient assurées par intérim jusqu’à la fin de l’année». Ce qui est faux et archifaux. Dans son communiqué du 9 mars 2017, le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement (RaSop) en fait autant en soulignant que «République»…
Pourtant, les Etats-Unis, l’Union européenne et le RaSop le savent pertinemment bien : en prenant l’engagement de respecter l’Accord politique global et inclusif du Centre Interdiocésain du 31 décembre 2016 est actuellement l’unique source de légitimité des dirigeants de toutes les institutions politiques de la République Démocratique du Congo, en ce compris le Président de la Constitution dans son intégralité, les signataires de l’Accord ont confirmé le fait que la source de légitimité et de légalité des Institutions à mandat électif réside dans la Loi fondamentale approuvée par le souverain primaire, et non dans un bout de papier signé par des acteurs politiques dont certains se sont déclarés eux-mêmes fin mandat depuis le 19 décembre 2016 à minuit.
Au demeurant, dans la longue histoire des Dialogues politiques organisés pour la RDC depuis 1960, aucun accord ne s’est substitué à la Constitution. Pour ne prendre que ceux conclus entre 1990 et 2013, ils ont soit respecté la Constitution en vigueur (Accords du Palais de Marbre I et II en 1991, Compromis politique global en 1992, et plus près de nous, Concertations nationales de 2013), soit conduit à l’adoption d’une nouvelle Constitution (Accords du Palais du Peuple en 1994 et Accord global et inclusif en 2002).
Avec ses articles 70, 103, 105 et 197, la Constitution actuelle a le double mérite d’éviter l’avènement de tout vide juridique et s’appliquer mutatis mutandis.
Ce que la Constitution ne dit pas et dit…
Sauf alors fait du prince, ni les Etats-Unis, ni l’Ue, ni le «Rassemblement» ne peuvent nier l’existence, dans la Constitution congolaise, des dispositions prorogatives applicables aux Institutions à mandat électif, en l’occurrence le Président de la République, l’Assemblée nationale, le Sénat et les Assemblées provinciales.
Dans ce contexte, aucun constitutionnaliste – congolais ou étranger – ne peut faire dire à la Loi fondamentale congolaise ce qu’elle ne dit pas. Ainsi :
– à l’alinéa 2 de l’article 70 relatif au Président de la République, la Constitution ne dit nullement : «A la fin de son mandat, le Président de la République NE reste PAS en fonction». Elle dit plutôt : «A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu».
– à l’alinéa 2 de l’article 103 relatif au Député national, la Constitution ne dit nullement : «Le mandat de député national commence à la validation des pouvoirs par l’Assemblée nationale et N’expire PAS à l’installation de la nouvelle Assemblée». Elle dit plutôt : «Le mandat de député national commence à la validation des pouvoirs par l’Assemblée nationale et expire à l’installation de la nouvelle Assemblée».
– à l’alinéa 2 de l’article 105 relatif au Sénateur, la Constitution ne dit nullement : «Le mandat de sénateur commence à la validation des pouvoirs par le Sénat N’expire PAS à l’installation du nouveau Sénat». Elle dit plutôt : «Le sénateur est élu pour un mandat de cinq ans. Il est rééligible. Le mandat de sénateur commence à la validation des pouvoirs par le Sénat et expire à l’installation du nouveau Sénat».
– et à son alinéa 6 de l’article 197 relatif aux députés provinciaux, la Constitution ne dit nullement : «Sans préjudices des autres dispositions de la présente Constitution, les dispositions des articles 100, 101, 102, 103, 107, 108, 109 et 110 NE sont PAS applicables, mutatis mutandis, aux Assemblées provinciales et à leurs membres». Elle dit plutôt : «Sans préjudices des autres dispositions de la présente Constitution, les dispositions des articles 100, 101, 102, 103, 107, 108, 109 et 110 sont applicables, mutatis mutandis, aux Assemblées provinciales et à leurs membres».
Si on part de la logique selon laquelle au plus tard le 19 décembre 2016 à minuit, le Président de la République, le Député, le Sénateur et le Député provincial sont tous fin mandat, c’est qu’à cette date précise, il y a un nouveau Président de la République, une nouvelle Assemblée nationale, un nouveau Sénat et une nouvelle Assemblée provinciale.
Par ailleurs, la Constitution confie la charge de l’interprétation de la Constitution à la Cour constitutionnelle. L’article 160 reconnaît à celle-ci la charge «du contrôle de constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi». L’article 161 la rend compétente pour connaître «des recours en interprétation de la Constitution sur saisine du Président de la République, du Gouvernement, du Président du Sénat, du Président de l’Assemblée nationale, d’un dixième des membres de chacune des Chambres parlementaires, des gouverneurs de province et des présidents des Assemblées provinciales ». Et le célébrissime article 168 ajoute : «Les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers. Tout acte déclaré non conforme à la Constitution est nul de plein droit ».
A moins de mépriser le Congolais
C’est ici l’occasion de préciser les choses : la Constitution du 18 février 2006 n’est pas du Président Joseph Kabila. C’est la Constitution de la RDC. Sinon, il faut la changer. Et vite. Or, ceux qui prétendent qu’elle est taillée pour le Chef de l’Etat sont les premiers à plaider pour son maintien en l’état …
Là cependant n’est pas la préoccupation majeure. Celle-ci consiste à déterminer lequel des actes dénommés «Constitution» et «Compromis politique global et inclusif du centre interdiocésain» (véritable dénomination de l’Accord du 31 décembre 2011) est source de légitimité et de légalité en RDC pendant la période préélectorale et électorale.
Il vient d’être démontré ci-dessus que les parties prenantes se sont engagées à respecter la Constitution. Mieux, elles ont reconnu au Chapitre III relatif aux Institutions et à leur fonctionnement pendant cette période les dispositions prorogatives fixées aux articles 70, 103, 105 et 197.
Comment, dès lors, comprendre que l’axe Washington-Bruxelles-Strasbourg ainsi que le «Rassemblement» en viennent à retirer de la Constitution congolaise (dont ils recommandent en même temps le respect par toutes les parties congolaises concernées) la légitimité et la légalité dont elle est dotée pour les refiler à un Accord politique.
A moins de mépriser le Congolais, rien ne peut expliquer cette attitude !
Oui, rien. Après tout, même pour la mise en place du «Conseil national de suivi de l’accord», en abrégé Cnsa, les parties prenantes ont prévu le recours à l’article 222 relatif Institutions d’appui à la démocratie. Les constitutionnalistes du «Rassemblement» connaissent parfaitement le mécanisme d’adoption d’une loi organique. Si donc l’Accord du 31 décembre 2016 était source de légitimité et de légalité, ils se seraient bien passés de la Constitution.
… l’Accord n’a pas abrogé la Constitution
Cerise sur le gâteau, et juste pour boucler la boucle : à supposer que le 19 décembre 2016 à minuit, toutes les institutions à mandat électif soient effectivement réputées sans légitimité et sans légalité comme le soutiennent ces « constitutionnalistes », et puisque l’Accord de la Saint Sylvestre n’a été signé que le 31 décembre 2016, de quel mandat jouissaient-ils, eux-mêmes, et leurs collègues parlementaires et députés provinciaux entre ces deux dates ? Retenons ces faits éloquents :
– au 20 décembre 2016, aucun opposant institutionnel n’a démissionné pour se conformer à l’hypothèse de fin de mandat ;
– le 22 décembre 2016, bon nombre d’opposants institutionnels – dont les Genvaliens – ont participé à la plénière d’investiture du Gouvernement Samy Badibanga ;
– en décembre 2016, ils sont passés à la questure !
En agissant comme ils l’ont fait, ils savaient, eux, qu’ils tenaient leur légitimité et leur légalité de la Constitution. Simplement parce que l’Accord ne l’a pas abrogée.
Au regard de ce qui précède, aucun esprit lucide ne peut comprendre l’acharnement des Etats-Unis, de l’Union européenne et du «Rassemblement» à vouloir imposer aux Congolais le contraire de l’évidence.
S’ils ont été induits en erreur, ils savent à qui demander des comptes.
Omer Nsongo die Lema avec Le Maximum