Bruxelles, précisément la Basilique de Koekelberg, a de nouveau et avec ferveur, rendu hommage à Etienne Tshisekedi, le leader de l’UDPS décédé le 1er février dernier dans la capitale Belge. Le corps du défunt, gardé dans une modeste morgue du quartier populaire bruxellois d’Ixelles (Matonge) dénommé « Poussière d’étoiles », a ainsi reçu l’hommage de nombreux rd congolais de la diaspora, selon des témoins sur place. Parmi eux, Moïse Katumbi Chapwe, l’ex. gouverneur de l’ex. province du Katanga, rentré dans l’opposition et qui s’est proclamé candidat à la prochaine présidentielle. Mais sans doute aussi, une importante délégation familiale forte d’au moins 6 membres conduite par Mgr Gérard Mulumba, le jeune frère de l’illustre disparu. Elle a gagné la capitale belge dans la nuit de mercredi à jeudi 9 février 2017, après avoir discuté avec le gouvernement des modalités de rapatriement du corps du président du conseil des sages du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, une plateforme créée il y a un peu moins d’un an pour s’assurer la défenestration de Joseph Kabila du pouvoir en RD Congo.
Offre gouvernementale rejetée
A Kinshasa, le gouvernement instruit par le Président de la République, avait pris l’engagement de couvrir toutes les charges relatives à l’organisation des obsèques d’Etienne Tshisekedi, selon un communiqué signé de Lambert Mende, son porte-parole et ministre de la communication et médias. En même temps qu’il annonçait une batterie de dispositions pratiques pour l’organisation des funérailles, dont la mise en place d’une commission spéciale chargée de l’organisation présidée par le vice-premier ministre et ministre de l’intérieur, la mise à disposition d’un avion spécial chargé de ramener au pays dépouille et membres de la famille du défunt, des titres de voyage pour l’ensemble des membres de la famille et les cadres de l’UDPS délégués en Belgique pour ramener le corps. En attendant que le Gouverneur de la ville-province de Kinshasa convienne avec la famille du cimetière où reposera pour l’éternité Etienne Tshisekedi wa Mulumba. Des propositions rejetées par une partie de la famille du défunt et une autre de son parti politique, à en juger par les réactions qui ont suivi l’annonce gouvernementale.
Si, comme convenu, une partie de la famille d’Etienne Tshisekedi s’est bien rendue à Bruxelles dès mercredi soir via Brazzaville au Congo d’en face avec les moyens gouvernementaux, une autre, représentant une tendance de l’UDPS et du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement a rejeté l’offre gouvernementale. Bruyamment. Et posé des préalables qui, s’ils font l’affaire d’acteurs politiques qui n’ont pas renoncé à en découdre avec leurs adversaires au pouvoir à Kinshasa, ont répandu un sentiment de gêne manifeste dans l’opinion. Au cours d’un point de presse, mercredi 8 février, le secrétaire général katumbiste du parti du sphinx de Limete, Jean-Marc Kabund, a annoncé que ce sont les familles politique et biologique du défunt qui coordonnent les funérailles d’Etienne Tshisekedi ; que l’UDPS n’était pas intéressée par l’offre des titres de voyage à sa délégation parce que malveillante et ostentatoire ; mais surtout, que pour le parti du défunt, « … le seul cadre politico-juridique qui devra régir l’espace politique congolais est l’Accord de la Saint Sylvestre ». Qui dont selon cette entente, doit être mis urgemment en œuvre en conformité avec le vœu populaire « … qui estime que seul un gouvernement mis sur pied en application de cet accord a le doit d’accompagne le deuil de notre Cher Président ». Marc Kabund et l’UDPS posent deux préalables sans lesquels le corps d’Etienne Tshisekedi demeurerait à Bruxelles : « 1. La fixation du lieu et de la forme de l’enterrement. L’érection d’u mausolée au centre-ville de Kinshasa où sera gardé pour l’éternité le corps du Père de la Démocratie. 2. La prise en charge de tous les frais liés aux obsèques par l’Etat congolais à travers le gouvernement de large Union Nationale en vue ». En fait, un véritable coup d’Etat au nom du rapatriement du corps d’un acteur politique décédé à 84 ans, si illustre fût-il, à perpétrer à travers le remplacement de la constitution par un accord politique, celui de la Saint Sylvestre, obtenu par l’entregent des évêques catholiques de la RD Congo.
Félix 1er ou rien
A l’Udps, exit donc Valentin Mubake Numbi, le Chef de la délégation du parti udpésien aux négociations du Centre interdiocésain de Kinshasa, qui annonçait le rapatriement du corps du défunt au plus tôt vendredi prochain. L’homme, connu pour sa fidélité au ‘lider maximo’ autant que pour son aversion contre les ingérences de la famille biologique du chef dans les affaires du parti aura sans doute sa dernière partition. Chez les Tshisekedi, tous ne jurent plus que sur la nomination de son fils, Félix Tshisekedi, à la primature.
C’est ce que Mgr Gérard Mulumba, le frère cadet du défunt, a affirmé à nos confrères de « Jeune Afrique » : « A Kinshasa, les gens ne sont pas prêts à accepter des obsèques avec ce gouvernement. C’est ce que tout le monde dit et c’est ce que j’ai indiqué aux autorités pour que les obsèques se passent au mieux », explique-t-il. Comme s’il avait préalablement organisé une consultation populaire sur la question. Même son de cloche de Bruxelles où le fils aîné d’Etienne Tshisekedi, Jean-Claude, 57 ans, a assuré au quotidien français Le Monde, évoquant la politisation du rapatriement du corps paternel que « On le gardera s’il le faut. On pourrait même l’enterrer ici plutôt que de le garder comme un bagage. Mais ce n’est pas le souhait du peuple. La balle est dans le camp du pouvoir ». Par peuple, il faut naturellement entendre les supporters d’Etienne Tshisekedi et les combattants de l’UDPS, un peu hâtivement assimilé à l’ensemble des Congolais qui peuplent la RD Congo. Le raccourci est grossissant à l’évidence, mais c’est le cadet des soucis démocratiques udpésiens depuis l’ère Mobutu.
Katumbi se rappelle à la mémoire de l’opinion
Sur la longue liste des personnes qui marchandent le rapatriement du corps du président du Conseil des sages du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement et de l’UDPS, les Tshisekedi ne sont pas seuls. A Kinshasa, la plupart d’acteurs politiques de petite envergure qui doivent leur survie à l’exploitation du label tshisekediste ou udpésien embouchent, eux aussi, le refrain de l’urgence de la nomination de Félix Tshisekedi à la primature. Cela va de candidats malheureux aux dernières législatives comme Jean-Pierre Lisanga Bonganga, aux élus de justesse comme Martin Fayulu en passant par les François Mwamba Tshishimbi, l’ex. secrétaire général du MLC passé à la majorité avant de regagner le bercail tribal. Mais aussi, Moïse Katumbi Chapwe.
L’ancien gouverneur de la riche province du Katanga, qui a maille à partir avec la justice rd congolaise dans une affaire d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat et une autre, plus vulgaire, de spoliation parcellaire, entend lui aussi profiter de l’aubaine funéraire. L’homme qui a engagé et plus ou moins indirectement entraîné « le vieux » dans le combat politique qui l’a conduit au décès, selon certains sympathisants de l’UDPS dont le groupe de pionniers de ce parti politique, annonce son retour en RD Congo. Au cours d’un culte d’actions de grâce, jeudi 9 février 2017 à Bruxelles, Moïse Katumbi a rendu publique son intention d’accompagner le corps d’Etienne Tshisekedi pour l’enterrement. « C’est une grande perte pour nous et je vais accompagner le corps pour l’enterrement au Congo. Le plus important c’est d’honorer le vieux. C’est un monument que nous venons de perdre. Il a sacrifié sa vie pour la démocratie dans notre pays », a indiqué l’ex. gouverneur de l’ex. province du Katanga à nos confrères d’ACTUALITE.CD. A l’évidence, ici aussi, un ballon d’essai destiné à jauger la réaction de la justice rd congolaise qui l’a déjà condamné et l’attend, ferme, pour instruire l’affaire de l’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat. Mais sans doute aussi un va-tout, le dernier pour cet homme qui aura tout investi dans la force populaire que représentait le sphinx de Limete, qui emporte outre-tombe tout le soutien dont le néo-opposant avait besoin pour maintenir la tête sur l’eau.
J.N.
ETIENNE TSHISEKEDI : Marchandages sur le mort, Katumbi aussi
