Il n’est pas question de confier à des binationaux des fonctions régaliennes, comme le poste de Premier ministre, de ministre de la Défense, ou de ministre des Affaires étrangères. Ça n’est pas une recommandation officielle mais une réflexion largement partagée par quelque 400 francs-maçons, il y a peu, à Douala.
Les loges, ça n’est pas un scoop, sont aussi puissantes et influentes que l’Eglise catholique romaine en Afrique, et leurs intérêts s’enchevêtrent et se coalisent souvent. Tenez, la Résolution 2149 du Conseil de sécurité de l’ONU sur la République Centrafricaine s’est fondée sur la Déclaration des francs-maçons lors d’une énième REHFRAM, une sorte de réunion au sommet des «frères » du continent, à en croire Michel Langa, initiateur de la loge Fraternité centrafricaine. Aussi, des termes comme pupitre, obédience, nous viennent en réalité des vocabulaires des «frères», tout comme le vestimentaire multicolore dont on s’enamoure aujourd’hui (à titre d’exemple, chemise mauve et cravate jaune, robe verte et blouse rouge, etc.). Il est des acteurs politiques ou des hommes d’affaires à Kinshasa qui ne cachent plus leur appartenance à telle ou telle loge, à l’image de Kitenge Yesu, un acteur politique en vue à l’époque de la dictature mobutienne, qui refait imperturbablement surface depuis peu. Dans un ouvrage, Confession, Albert Kalonji le Mulopwe confie avoir tenté de convaincre en vain Etienne Tshisekedi d’intégrer la Rose-Croix. Il n’y a trouvé aucun intérêt, selon l’ancien
Empereur sécessionniste.
Pourtant, en R-dC, la question de la double-nationalité a dernièrement rejailli à la faveur de la nomination de Samy Badibanga au poste du Premier ministre. L’ex-député UDPS était en effet porteur de la nationalité belge alors que la constitution r-dcongolaise est intraitable en la matière : la nationalité r-dcongolaise est une et exclusive. DBD a dû, de la manière la plus officielle, renoncer à sa nationalité belge … après coup. Et pourtant, ils sont nombreux au sein de la classe politique qui devraient effectuer leur «coming out» avec obligation de renoncement. Autant dans la majorité que dans la constellation de l’opposition dont le Rassemblement des forces politiques et de la société civile acquises au changement. Voilà pratiquement 10 ans depuis que l’alors député, José Makila Sumanda, avait obtenu de l’ex-speaker de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, un moratoire de 3 mois pour que quiconque, au sein de la Chambre, est porteur de toute autre nationalité que la r-dcongolaise y renonce. Simple coup d’épée dans l’eau. Les « Belges », les «Français», les «Etasuniens» et autres « Chinois » du Parlement ont continué à siéger sans être inquiétés. Alors que la question de la congolité avait suscité des passions lors de la campagne électorale de 2006. L’ancien conseiller en matière de Sécurité du Maréchal Mobutu, Honoré Gbanda, en avait fait son fonds de commerce, invitant même certains candidats à la présidentielle à se soumettre à des tests ADN. Du temps du Zaïre, l’on parlait déjà des «chauves et souris». Et l’actuel président du Sénat, Léon Kengo Wa Dondo, trois fois Premier ministre (anciennement Premier commissaire d’Etat) avait été singulièrement ciblé dans la classe politique. L’opinion se souviendra encore d’un certain Mayay Nkumu, qui avait clairement demandé à Kengo, né Lobisch, de se choisir une et seule patrie. (…)
Ambiguïté stigmatisée
L’ambigüité de cette double appartenance a été mise en lumière lors de la crise ivoirienne avec le rapatriement en France de certains binationaux au plus fort de la crise, a soutenu «un frère » camerounais, avocat de renom lors des 24ème REHFRAM de Douala présidées par la Grande loge unie du Cameroun, GLUC, sous le thème: «Face à la montée de l’intolérance et de la violence, francs-maçons d’Afrique et de Madagascar, quels sont nos devoirs envers notre continent ?». Parmi les autres sujets traités, l’enfermement dans leur tour d’ivoire de la plupart des présidents francs-maçons qui n’écoutent pas leur peuple. «Le frère » Bozize , il sied de le rappeler, avait fait le frais d’une «fatwa » de ses confrères. Et pour le grand Orient de France, Daniel Keller, les grands défis de l’Afrique que sont la santé publique, l’éducation, le développement durable, la paix civile et la résolution des conflits pour de vraies réconciliations nationales. Dans ce contexte, a-t-il soutenu, « on ne peut plus se contenter de débats à huis clos, confinés dans l’atmosphère compassée de nos temples». Et si la période de la Transition ou de cohabitation, c’est selon, était l’occasion de faire un who’s who sans complaisance de la classe politique r-d congolaise ?
NKM
FRANCS MAçONS AFRICAINS : Ils sont contre la gestion des ministères de souveraineté par des « chauves-souris »
