Le week-end dernier encore, alors que les négociations directes calaient à l’étape du partage des responsabilités au sein du Conseil National de Suivi de l’Accord (CNSA) de la Saint Sylvestre, les évêques catholiques qui assurent la facilitation avaient brandi la menace d’appliquer leur fameux plan B. Une menace, carrément, que leurs excellences avaient suspendu théoriquement sur la tête de tous les acteurs politiques en pourparlers au Centre interdiocésain dès l’ouverture des travaux peu avant la mi-décembre 2016, mais qui vise en réalité la seule composante Majorité présidentielle et son autorité morale Joseph Kabila Kabange. En cas d’échec, ce dernier serait dénoncé comme le responsable de l’échec des pourparlers. Publiquement et avec à la clé les fameuses « sanctions ciblées » pouvant atteindre ses proches, sinon lui-même de la part de l’Occident plus impérial que jamais. C’était la première acception du fameux plan B, mais elle semble avoir évolué, par le fait des facilitateurs eux-mêmes, mais aussi d’autres forces politiques intéressées à l’évolution de la situation politique en RD Congo et de l’avènement aux USA de Donald John Trump, un président moins interventionniste à la Maison Blanche, ce que les prélats font semblant d’ignorer jusque-là.
Du plan B clérical, il est donc de plus en plus question. C’est à peine si ces princes de l’Eglise catholique n’abandonnaient pas leur non moins fameuse espérance en la foi (et aux hommes, créés à l’image de Dieu) au profit de cette perspective plus proche, humainement et temporellement. Dans l’opinion rd congolaise, ce plan B est assimilé à une mise sous tutelle de la RD Congo par certains pays européens, américains et les Nations-Unies. Cela se passe comme si, les évêques de la CENCO, lassés des atermoiements des politiques, auraient pris de leur propre gré, l’initiative de placer leur pays sous une tutelle internationale hybride inédite. Une perspective à l’évidence invraisemblable, parce qu’une confession religieuse, catholique romaine fusse-t-elle, n’a jamais reçu pareil pouvoir exorbitant nulle part dans un Etat laïc. Mais il reste que les évêques de la CENCO n’ont rien fait pour tempérer les interprétations en tous sens de cette menace qui tourne au rite dominical. Bien au contraire.
La foi dans le plan B clérical, c’est-à-dire dans un pouvoir des évêques qui déborderait du cadre de la mission de facilitation d’inspiration et d’origine présidentielle, est née de l’internationalisation de la mission par les missionnaires.
Tout est parti de ce voyage express à Rome, chez le Pape François, où les évêques de la CENCO se sont rendus en décembre dernier, quérir à fois bénédiction et soutien. De Sa Sainteté le Pape mais aussi des puissances occidentales qui s’étaient montrées si hostiles à l’accord, un peu trop afro-africain à leurs yeux, de la Cité de l’OUA, obtenu le 18 octobre 2016. Les messages occidentaux de soutien et d’encouragement à profusion qui ont accompagné la facilitation des pourparlers du Centre interdiocésain, c’était quasiment une mission supplémentaire voire, différente de celle reçue par les évêques de RDC du président Joseph Kabila. En atteste, si besoin en était encore, les salves de félicitations qui ponctuèrent la signature de l’Accord politique global du centre interdiocésain, arraché tard dans la nuit du 31 décembre 2016. Un accord dont la différence d’avec celui du 18 octobre dernier résidait dans les concessions supplémentaires arrachées au camp Kabila : les parties prenantes aux pourparlers « … s’engagent à n’entreprendre ni soutenir aucune initiative de révision et de changement de la Constitution » (Chap II, al 1) ; « En rapport avec la préoccupation sur le troisième mandat pour le Président de la République, Joseph KABILA, les parties prenantes actent sa déclaration solennelle devant le Parlement réuni en Congrès en date du 15/11/2016 (…). Ainsi ayant accompli deux mandats, il ne peut donc en briguer un troisième ».
Traduction : pas de modification constitutionnelle susceptible de permettre à Joseph Kabila de s’offrir un bail légal supplémentaire à la tête de la RD Congo ; pas de referendum même d’initiative populaire qui pourrait concourir aux mêmes objectifs : la facilitation de la CENCO a été soutenue à bras le corps par l’opposition radicale rd congolaise et ses mentors occidentaux, parce qu’elle semblait avoir poussé le Président de la République en fonction vers la porte de sortie plus que ne l’aurait assuré le précédent accord du 18 octobre à la Cité de l’OUA, donc. Ce qui, naturellement, déborde du cadre de la mission confiée aux prélats de l’église catholique romaine par Joseph Kabila. Parce qu’on ne peut sensément admettre que le Président de la République eût chargé les évêques de la mission d’assurer son auto-éjection hic et nunc. Non, tout de même. A la limite, il est plutôt loisible de concevoir qu’arrivé au terme de son second et dernier mandat constitutionnel, Joseph Kabila ait sollicité un rapprochement des vues en vue d’accomplir l’essentiel pour la nation : organiser les élections dans les meilleures conditions possibles pour tous, lui-même et sa famille politique compris. Le glissement entre les deux préoccupations, celle du Président de la République et celle des prélats qui enchante tant l’opposition et les Occidentaux, est de taille : les priorités se déplacent de l’organisation des élections pour assurer l’accession au pouvoir vers l’accession au pouvoir pour organiser d’hypothétiques élections … à venir.
Dans ces conditions, le plan B clérical ne peut représenter que l’alternative applicable au cas où il s’avérait que le Président de la République en fonction n’était pas suffisamment poussé vers la sortie par la grâce négociatrice des évêques. C’est un plan qui consistera à l’y pousser plus encore, de gré ou de force. Le plan B des évêques de la CENCO, c’est le purgatoire ou l’enfer, pour des tireurs de ficelles à l’extérieur de la RD Congo et leurs affidés de certaines familles politiques en présence au Centre interdiocésain. Pour la bonne et simple raison qu’avec Joseph Kabila, les évêques n’ont jamais convenu d’appliquer quelque plan que ce soit en dehors de la mission de faciliter le rapprochement entre acteurs politiques congolais.
J.N.