Chez les évêques catholiques de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), ça ne semble pas aller comme dans le meilleur des mondes. Entre la nouvelle génération des évêques, pour la plupart plus ou moins jeunes, et l’ancienne. Les rapports semblent quelque peu crispés, ainsi que s’en aperçoivent les observateurs depuis le 25 décembre dernier, avec la sortie médiatique de Laurent Cardinal Monsengwo Pansinya Archevêque de Kinshasa, l’incontournable. L’ancien président de la Conférence Nationale Souveraine ( !) puis du Haut conseil de la République – Parlement de transition sous la dictature mobutiste, plusieurs fois président de la même CENCO, a en effet profité de la fête chrétienne de Noël pour s’en prendre vertement à une des parties aux pourparlers dirigés par deux de ses cadets, les archevêques de Kisangani et de Mbandaka – Bikoro au Centre interdiocésain de Kinshasa. Le Cardinal Monsengwo a délivré une homélie d’une agressivité surprenante, totalement contraire au message conciliant et d’espoir de ses confrères de la CENCO, qui venaient de réussir à désamorcer la bombe sociale qui couvait depuis quelques mois en annonçant la signature prochaine d’un accord politique entre les protagonistes. « Le fait de prendre le pouvoir par les armes ne justifie pas qu’on ne puisse le quitter que par les armes », a déclaré le Cardinal Monsengwo du haut de sa chaire, et devant une assistance tétanisée qui s’est contentée de boire le calice jusqu’à la lie car on ne se rend pas à l’église pour répliquer aux officiants. « Qui tue par l’épée périra par l’épée » a poursuivi le presqu’octogénaire primat de l’Eglise catholique congolaise d’un ton menaçant, avant de prendre sans ambages la défense de jeunes anarchistes des groupes dits « citoyens » (Lucha, Filimbi, etc.) dont les organisations, c’est connu, sont financées par des puissances étrangères dans le but d’influer sur le cours de la vie politique dans le pays dont ils ne reconnaissent aucune institution.
Homélie combattante
Une homélie de combat ou de combattant donc, qui est tombée comme un cheveu dans la soupe parce qu’au Centre interdiocésain, les collègues du Cardinal Monsengwo au sein de la CENCO, soutenus par le Vatican, œuvraient à une sortie pacifique de la crise politique rd congolaise. Mais combat contre qui ? Pas seulement contre Joseph Kabila, apparemment. Le Cardinal Monsengwo aurait voulu torpiller les travaux du Centre interdiocésain et en compromettre l’issue qu’il ne s’y serait pas pris autrement, estiment certains observateurs qui se sont confiés au Maximum. Et qui, désormais, se rappellent que déjà à la cérémonie d’ouverture des travaux du Centre interdiocésain, le 8 décembre dernier, la place réservée au Cardinal-archevêque de Kinshasa aux côtés du Nonce Apostolique était restée désespérément vide. Sans la moindre excuse, renseignent des sources qui se disent bien renseignées.
Les conclusions, à vérifier, coulent comme de source : il s’observe comme une sorte de conflit de génération parmi leurs excellences les archevêques et les évêques. La vieille génération, emmenée par Laurent Cardinal Monsengwo (77 ans) ne verrait pas d’un œil très bienveillant l’ascension, un peu trop rapide à leurs yeux, de la nouvelle génération des calottes sacrées.
Deux décennies entre les générations
Au moins deux décennies séparent les nouveaux patrons de la CENCO, nés autour des années des indépendances africaines, à leurs aînés comme le Cardinal Monsengwo, que la retraite attend dans quelques trois ans.
L’Archevêque de Kisangani, Mgr Marcel Utembi, l’actuel président de la CENCO, n’a vu le jour qu’en 1959 et n’a été ordonné prêtre qu’en 1984, avant d’être élevé à la dignité épiscopale en 2008 puis d’être nommé archevêque de Kisangani par le Pape François un an plus tard, en 2009. Son adjoint, Mgr Fridolin Ambongo, est d’un an moins âgé que lui, parce qu’il a vu le jour en 1960. Archevêque de Mbandaka Bikoro depuis quelques jours seulement, ce prêtre capucin depuis dès l’âge de 28 ans est connu pour son activisme politique. En 2016, c’est en fait Fridolin Ambongo qui avait été pressenti président de la CENCO, mais ses collègues lui ont finalement préféré Marcel Utembi, un peu moins politiquement marqué à leurs yeux, rapportent nos confrères du journal catholique « La Croix ».
Ce qui n’empêche pas le tandem clérical de nouveaux prélats de voler de succès en succès, de leurs propres ailes, en quelques sortes.
Mi-octobre 2016, ils ont claqué la porte du dialogue politique de la Cité de l’OUA au motif qu’il n’était pas assez inclusif. L’affaire marche, puisque le 8 décembre, les deux prélats ouvraient solennellement, à la satisfaction de tous les protagonistes congolais et de la communauté internationale, les pourparlers dits de la dernière chance entre les signataires de l’accord politique de la Cité de l’OUA et les réfractaires au même accord. Le Vatican leur apporte son soutien. Le 18 décembre, Marcel Utembi et Fridolin Ambongo sont honorés par sa Sainteté le Pape François qui, en plus de la promesse de se rendre en RD Congo, les reçoit en audience spéciale et leur réitère son soutien. C’est énorme en si peu de temps. Et pas de nature à plaire à tout le monde, surtout à ceux qui se sont confortablement installés dans un tête-à-tête avec la curie romaine et le Souverain pontife.
Ceci expliquerait-il cela ?
J.N.
LA DIATRIBE DE NOËL DU CARDINAL MONSENGWO : Conflit de générations à la CENCO ?
