A plus ou moins 8 mois de la fin des opérations préélectorales de nettoyage et de reconstitution d’un fichier électoral fiable, ça discute encore entre les acteurs politiques, sous l’égide des évêques de la Conférence Nationale Episcopale (CENCO), cette fois-ci. Une initiative du Président de la République qui, comme à son habitude, court toujours derrière davantage de consensus, depuis la dernière guerre d’agression contre la RD Congo, en fait. Après la Cité de l’OUA, d’où une partie de la classe politique (opposition, majorité) et de la société civile s’est offert un accord politique en vue de la préparation des scrutins électoraux d’ici à 2018, au mieux, c’est le tour du Centre catholique interdiocésain, un édifice enfoui au milieu de tours administratives dans la commune de la Gombe, qui abrite de nouvelles discussions. Sur les mêmes sujets : gestion de la période charnière d’ici aux élections (transition ?) ; processus électoral ; le respect de la constitution ; la forme de l’accord à intervenir au terme des pourparlers ; mesures de décrispation.
Les radicaux au menu
Les prélats catholiques chargés de la mission de bons offices semblent avoir décroché le gros en réussissant à ramener les radicaux tshisekedistes-katumbistes à la table des négociations, après qu’ils aient boudé les assises de la Cité de l’OUA qui se sont clôturées le 18 octobre 2016. Les travaux des pourparlers du Centre interdiocésain ouverts jeudi 8 décembre 2016 ont été suspendus pour reprendre ce mardi 13 décembre au même endroit. Dès le départ, il apparaît que leurs excellences, qui comptent parmi ceux qui ont refusé de parapher l’accord du 18 octobre au motif qu’il n’était pas suffisamment inclusif, doivent faire face aux mêmes problèmes. Aussitôt les travaux ouverts jeudi dernier, l’une des principales composantes du front de refus, le Front pour le respect de la constitution piloté par le MLC de Jean-Pierre Bemba, a claqué la porte. Motif : le Rassemblement tshisekediste-katumbiste avait triché sur son quota représentatif en ne lui accordant que deux places sur les cinq qui lui sont dus, selon les engagements pris avec les évêques. Tout le week-end dernier, on attendait que droit soit fait à la requête du MLC et cie. Et il serait fait que les prélats n’en n’auraient pas fini de régler la nébuleuse question de l’inclusivité dans un pays qui compte la bagatelle de 400 partis politiques au minimum. Selon la presse paraissant dans la capitale, une autre frange de l’opposition, l’opposition dite républicaine de Léon Kengo wa Dondo, revendiquait aussi sa participation aux pourparlers des prélats. Ou encore certains acteurs politiques de l’est rd congolais, comme l’ancien roitelet du Grand Nord Kivu, Antipas Mbusa Nyamuisi qui dans un tweet déplorait non sans quelque pertinence le fait qu’aucun délégué des régions meurtries du Kivu et de l’Ituri n’ait été retenu aux mêmes pourparlers. Rien que cette question de l’impossible inclusivité politique parfaite en RD Congo devrait suffisamment accaparer les pourparlers facilités par les catho. Et les ramener aux évidences déjà attestées par les précédentes négociations politiques sur les mêmes sujets : il est impossible de satisfaire tout le monde.
A boire et à manger
Sur les principales questions à débattre dès ce mardi 13 décembre aussi, il y aura à boire et à manger, comme on dit. Et surtout d’âpres empoignades. Rien que sur la durée des travaux, prévus pour s’étendre sur quelque 5 jours, ça devrait batailler ferme, une frange importante de l’opposition tenant coûte que coûte à clôturer les travaux avant la date voulue fatidique du 19 décembre 2016. Que dire des travaux en commissions où se discuteront les questions relatives à la durée de la période charnière d’ici aux prochaines élections (et à leur dénomination) ; aux mesures de décrispation que d’aucuns voudraient réduire la cessation des poursuites à l’encontre d’un certain nombre d’acteurs politiques ; au respect de la constitution, que chaque camp interprète selon son agenda politique ?
Les pourparlers du Centre interdiocésain pourraient, à l’évidence, s’étendre plus que prévu. Et parmi les acteurs sociaux politiques, il en est qui, au milieu de l’enthousiasme suscité par le succès de la démarche des prélats catholiques, s’en inquiètent.
Les autres confessions religieuses
Vendredi 9 décembre 2016, soit 24 heures après l’ouverture des assises du Centre interdiocésain, les chefs des confessions religieuses autres que l’église catholique romaine ont rendu public un communiqué qui ne manque pas d’intérêts. Mgr Marini Bodho (Eglise du Christ au Congo), Ali Mwinui Mkuu (communauté islamique), Elebe Kapalay (église kimbanguiste), Kankienza Mwana Mboo (églises de réveil), Simon Nzinga Maluta (églises indépendantes), Colonel Lucien Lamartinière (Armée du Salut), Fumunzanza Gimwanga (église orthodoxe), ne désapprouvent pas la mission des bons offices entreprise par leurs collègues catholiques en fait. Dans la mesure où elle est susceptible d’élargir le consensus déjà obtenu au dialogue de la Cité de l’OUA, dont ils soutiennent mordicus les résultats. Non pas pour quelque raison politique particulière, se défendent-ils, mais parce qu’en subordonnant l’avenir politique de la RD Congo à l’organisation prochaines d’élections qui permettront aux citoyens d’arbitrer le combat politique, l’accord politique intervenu le 18 octobre dernier traduit un élan fondé sur l’attachement aux vertus de la dignité de l’homme.
Pour les chefs des confessions religieuses, priorité devrait donc être accordée au processus électoral, et particulièrement, aux opérations préélectorales en cours, dont la première étape prend fin en juillet 2017. Outre qu’ils peuvent en retarder l’exécution selon le timing arrêté par la CENI, les pourparlers du Centre Interdiocésain présentent la menace de tout faire reprendre à zéro, conformément à une sorte de tradition oppositionnelle en RD Congo. Même s’ils ne l’expriment dans les mêmes termes, les chefs des confessions religieuses n’en pensent pas moins ainsi et mettent en garde contre les « … manœuvres qui ne relèvent nullement du souci de répondre aux préoccupations de la population … ».
Ne pas gaspiller du temps
Il faut donc songer à ne pas perdre du temps, en rapport au chronogramme électoral déjà acquis, selon Mgr Marini Bodho et ses collègues chefs religieux. Gagner du temps, dans cet entendement, c’est poursuivre sur la même lancée et éviter de faire table rase des progrès déjà accomplis. Notamment, ne pas prêter le flanc aux tentatives de recommencement de toutes sortes, surtout celles qui affecteraient la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). « Parties prenantes au processus historique du choix des animateurs relevant de leur composante, les chefs des confessions religieuses informent l’opinion nationale qu’ils réitèrent leur confiance aux délégués de la société civile au sein de la centrale électorale, désignés conformément à la loi en vigueur et dont les compétences et le management sont reconnus unanimement », préviennent Mgr Marini Bodho et ses collègues.
J.N.