De nouvelles discussions entre acteurs politiques de la RD Congo se sont ouvertes jeudi 8 décembre 2016 à Kinshasa, un mois et demi à peu près après que le dialogue politique national ait clôt ses travaux sur un accord politique salué par une grande partie de la communauté internationale en octobre dernier. Conduites sous les auspices des évêques catholiques, les nouvelles assises placent les uns en face des autres, les parties prenantes au dialogue de la Cité de l’OUA et les réfracteurs au même dialogue réunis sous la bannière du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement.
Néocolonialisme
Mais on ne peut guère s’y tromper. Au Centre interdiocésain de Kinshasa s’affrontent en réalité les partisans de solutions africaines aux problèmes du continent et les partisans des solutions occidentales aux mêmes problèmes. C’est l’histoire qui se répète, en fait, de l’avis de moult observateurs. Comme à l’aube des indépendances africaines dans la décennie ’60, les Occidentaux ruent sur les brancards face aux tentatives de s’émanciper des peuples dominés de la planète. Car, estime-t-on, aujourd’hui comme dans les années ’60, c’est aussi la souveraineté des Etats africains, véritables vaches-à-lait d’Etats occidentaux, qui est en jeu. Un journal allemand vient de jeter un véritable pavé dans la marre sur le sujet en révélant que jusqu’aujourd’hui, l’Afrique dite francophone par exemple, procure la bagatelle de 660 milliards USD à la France à travers le Franc CFA. La Deutsche Wirtschafts Nachrichen, un journal économique, révèle que « Dans les années 50 et 60, la France a décidé que ses anciennes colonies d’Afrique pouvaient devenir indépendantes. Bien que le gouvernement de Paris a accepté les déclarations d’indépendance formelles, elle a appelé les pays africains à signer un « pacte » dont la substance revient à poursuivre la colonisation. Ils ont convenu d’y introduire une monnaie de type coloniale, le Franc CFA («Franc pour la Communauté Française en Afrique »), maintenir les écoles françaises ainsi que le système militaire, et d’établir le français comme langue officielle de tous ces pays. Le Franc CFA, dénomination de la monnaie commune de 14 pays africains membres de la zone Franc constitue en fait un frein à l’émergence de ces pays. Il a été créé en 1945, date où la France a ratifié les accords de Bretton Woods et procédé à la mise en œuvre de sa première déclaration de parité au fonds monétaires international (FMI). Au départ, il avait pour dénomination le « Franc des Colonies Françaises d’Afrique » ».
Les discussions du Centre interdiocésain ne sont rien d’autre qu’une tentative de remise en question de l’accord politique intervenu entre la majorité présidentielle, la société civile, et une partie de l’opposition rd congolaise. Le principal péché de cet accord réside dans le fait d’avoir opté pour une période préparatoire des prochaines élections co-dirigée par le Président de la République sortant, Joseph Kabila, et un premier ministre issu des rangs de l’opposition. Contrairement aux agendas occidentaux sur l’avenir politique de la RD Congo, qui préfèrent se débarrasser d’un Chef d’Etat dont l’indépendantisme n’est plus à démontrer. L’Occident en crise financière ne pardonne pas à l’héritier de Laurent-Désiré Kabila de s’être tourné vers le concurrent Chinois pour résoudre ses problèmes économiques et de reconstruction. Comme de plus en plus de ses pairs africains, en fait.
L’auxiliaire catholique
Pour arriver à leurs fins, les Occidentaux se servent, comme sous la colonisation, de l’auxiliaire catholique. Le dialogue politique rd congolais, les évêques catholiques ont toujours rêvé de le conduire, et c’est sans doute malgré eux que l’OUA s’est chargé de le pourvoir d’un facilitateur, le Togolais Edem Kodjo. Même si c’est le Chef de l’Etat rd congolais, Joseph Kabila qui leur a offert d’entreprendre des démarches en vue d’élargir l’adhésion à l’accord politique intervenu en octobre dernier, les prélats catholiques qui avaient fragilisé les travaux de la Cité de l’OUA en les quittant sous des motifs partisans ne demandaient sûrement pas mieux que de gérer ces affaires politiciennes. Comme on pouvait s’y attendre, d’un peu partout en Europe se sont élevées des voix pour soutenir l’initiative cléricale, contre l’autre, l’africaine, qui ne faisait pas leurs comptes. Parce qu’elle permettait de ramener à l’avant-plan leurs propres agendas politiques en RD Congo, que professe l’opposition radicale réunie sous la bannière du Rassemblement des forces acquises au changement, une plate-forme politique montée à la hâte sous la houlette des libéraux au pouvoir en Belgique il y a près seulement un semestre. L’objectif étant de réduire, coûte que coûte, la marge de manœuvres du Chef de l’Etat en place, et d’empêcher que lui-même ou un représentant de sa famille politique ne conserve le pouvoir au terme des prochaines élections.
Engagements inconstitutionnels
Les discussions du Centre interdiocésain tourneront, on le sait depuis que les évêques ont rendu publiques les revendications des radicaux de l’opposition, les tenants d’une période préparatoire aux élections à tenir en 2018, dirigée par le Président de la République élu en 2011 et un premier ministre issu de l’opposition, à ceux qui veulent à tous prix réduire à peau de chagrin les pouvoirs de l’actuel Chef de l’Etat au profit d’un premier ministre radical en vue d’élections à tenir d’ici 2017 au plus tard. Cerise sur le gâteau ? Occidentaux et leurs affidés radicaux exigent de l’actuel Président de la République qu’il prenne l’engagement solennel et écrit qu’il ne briguera pas un troisième mandat, une obsession viscérale occidentale, malheureusement très peu constitutionnelle. La loi des lois rd congolaise, adoptée par referendum en 2006, prévoit certes que le Président de la République ne peut postuler à trois mandats consécutifs. Mais elle ne l’oblige nulle part à se livrer aux exercices scripturaires auxquelles d’aucuns voudraient le soumettre.
Les discussions du Centre interdiocésain, c’est pour bétonner la voie de sortie d’un Chef de l’Etat honni des Occidentaux. Peu probable qu’elles y parviennent.
J.N.