Mieux vaut prévenir que guérir. Un important dispositif policier fait face à la permanence de l’UDPS, ex-village Bercy, entre les Xème et XIème Rue Limeté résidentiel. Ici, on s’amuse plutôt à nommer cette partie du quartier «Limeté présidentiel » en référence au lider maximo, Etienne Tshisekedi, qui a longtemps revendiqué sa victoire lors de la présidentielle de 2011. C’est la campagne pour le départ de Joseph Kabila le 19 décembre courant qui l’exige. Comment vivre avec Tshisekedi, comme voisin. Reportage.
L’ambiance est plutôt à la sérénité pour le grand bonheur des voisins immédiats de Ya Tshitshi. Pourvu que ça dure. C’est la prière réitérée encore en ce premier dimanche du mois de décembre, foi de Trésorine, adepte d’une église située non loin de la passerelle de la VIIIème Rue. Point d’escarmouches entre la police et les combattants depuis les arrestations de quelques jeunes combattants, il y a quelques semaines, se félicitent des habitants des environs du siège de l’UDPS, situé à trois minutes de marche de la résidence d’Etienne Tshisekedi. Sur l’avenue Pétunias, une barricade montée de bric et de broc par des combattants de l’UDPS entrave la liberté de mouvements des personnes et de leurs biens devant la résidence de Ya Tshitshi. C’est une situation qui date depuis des années, la barrière était déjà là lors des troubles consécutives à l’élection de 2011, se rappelle Nadine, la trentaine, professionnelle de la presse. «En 2012, lorsque Tshisekedi est revenu d’Europe, une bataille rangée entre policiers et combattants UDPS avait subitement éclaté à l’entrée de la Xème Rue. Ce jour-là, c’était un dimanche, vers midi, j’étais sortie pour acheter des bananes plantains…je suis revenue chez moi, sur avenue Zinnias, le jour suivant vers 19heures grâce à un policier qui m’a escortée». Depuis, notre consœur a choisi de quitter un voisinage aussi déménageur, présidentiel fût-il. Après les événements des 19 et 20 septembre 2016, nombreux départs ont été signalés, rapporte cet agent immobilier (commissionnaire) singulièrement sur l’avenue Pétunias.
Des déménagements en cascade.
«Il y a une maison constituée d’un salon, d’une grande chambre avec douche et une cuisinette, juste pour 120 dollars sur l’avenue…mais tous les candidats locataires par nous contactés déclinent l’offre comme si l’appartement nichait en plein cimetière… », déplore le commissionnaire. Un cadre d’une unité brassicole de la place qui louait quasiment en diagonale de Ya Tshitshi s’en est aussi allé. Les Lignes aériennes congolaises, LAC, entreprise en dissolution, peinent à trouver preneur pour sa villa située sur avenue Pétunias. Pour mémoire, la villa 279, résidence Tshisekedi, revenait aussi à l’ex-Air-Zaïre. L’opposant historique r-dcongolais a soutenu, du temps de la CNS, Conférence nationale souveraine, l’avoir achetée à son départ de la compagnie où il a assumé les fonctions de PDG dans les années soixante-dix. Le voisin immédiat de Tshisekedi, c’est une école des arts et métiers, ECAM. «Un établissement des têtes brûlées, l’on croirait qu’à chaque année scolaire, les élèves sont contaminés par un tenace virus de têtutesse et de vagabondage », confie Mamou, vendeuse de pains du coin. En 2012, un groupe d’écolières de sixième année des humanités, aussi légèrement vêtu que possible, a été interpellé par la police commise à la mise en résidence surveillée de Tshisekedi. Les filles opposèrent une opiniâtre résistance si bien qu’un lieutenant avait dû s’interposer pour les ramener au calme. Certes, jamais les combattants de l’UDPS ne s’en sont pris à l’établissement scolaire, mais les enseignements sont par moments perturbés du fait des activités politiques du voisin. «Même les petits commerces, le train-train quotidien se trouvent bouleversés en un laps de temps…Ce n’est jamais certain d’aller et revenir chez soi. Mais on fait avec », confie Sosthène (nom d’apparat), habitant Salvias, une avenue après de Chez Ya Tshitshi.
Des SMS préventifs.
« En tout cas, pour vivre ici, il faut avoir un endroit sûr où l’on peut se réfugier d’urgence, au cas où la situation dégénérait », renchérit-elle. « Etre voisin de Tshisekedi vous exige aussi du sang froid, ne pas paniquer au moindre coup de feu…Il faut aussi être un peu athlétique », expliquant en sautillant, Maurice, écharpe aux couleurs (vert, jaune et noir) de son équipe favorite, l’AS VClub de Kinshasa. «C’est aussi l’équipe du vieux », dit-il en parlant de Tshisekedi. Puis cette confidence, Ya Tshitshi s’adonne à une petite promenade, question de se dégourdir les jambes, dans le quartier, vers le crépuscule, les jours où il décrète une ville morte. «Tout le monde est on ne peut plus physique par ici, il faut arriver à sauter un caniveau d’un coup, apprendre à grimper un mur… zala na mbangu, Félix Wazekwa qui habite trois avenues avant le vieux ne l’a pas chanté par hasard», reprend Prisca. «Aussi, ajoute-t-elle, il faut avoir son téléphone toujours bien chargé, sans défaut ni d’écoute ni de micro…Et des texto préalablement écrits et soigneusement conservés. C’est des sms du genre, ouvrez la porte, j’arrive. Ne restez pas au coin. Reviens vite. Mieux vaut passer nuit là-bas… Dégage tout ce que tu as dans tes poches. Débarrasse-toi de la casquette et du t-shirt…». Et Maman Anne de poursuivre, « Je suis allée personnellement à l’école de mes enfants pour demander qu’ils aient au moins un téléphone. La directrice .me l’a accordé. Elle en a compris la nécessité ». Pour cet ancien officier des anciennes forces armées zaïroises, «Ce qu’il faut, particulièrement pour les jeunes, c’est d’éviter des attroupements inutiles, des discussions à haute-voix comme s’il s’agissait des disputes…et obtempérer aux ordres des agents de la paix ». C’est un calme plutôt lourd qui plane sur les environs de la résidence de Tshisekedi ce dimanche pluvieux du 4 décembre. Nombre des passants sur la Xème Rue (Zinnias) sont d’accord là-dessus. Un calme précurseur d’un ouragan, redoutent d’aucuns. Pour les autres, après la pluie des tensions politiques, vient le beau temps…Il fera beau pour ceux qui le veulent le 19 décembre et après.
NADINE KINGOMBE