Le 31 mai 2016, la BCC a repris la gestion de la BIAC en difficulté en la mettant sous la gestion d’un Comité d’Administration Provisoire, promettant au passage de trouver une solution : soit un repreneur, soit un redressement de la banque ou, finalement, une liquidation, afin de pouvoir rembourser plus de 400,000 épargnants en détresse. 6 mois après, l’impasse demeure et affecte tout le circuit bancaire r-dcongolais qui aligne 19 banques.
Toutes les banques commerciales de la place ont une situation financière volatile, a laissé entendre le prof Michel Somwe, ancien de la BCC, qui a vaticiné depuis deux ans la crise à la BIAC. Mais le président de l’ACB, Association congolaise des banques, M. Tshibwabwa, rappelle à la mémoire collective la très célèbre fable de la Fontaine, « La cigale et la fourmi ». Pour M.Tshibwabwa, «l’épargne est l’alpha et l’oméga du développement ». A ce jour, l’épargne représente quelque 3,7 milliards de dollars. Il sied de rappeler que la RDC a célébré, le 31 octobre, pour la sixième fois la journée internationale de l’épargne sous le thème «Epargner pour mon avenir, oui c’est possible ». Mais où garder son argent ? La question vaut son pesant d’or. Non pas seulement du fait de la météo politique qui annonce plutôt de probables longs jours maussades mais surtout à la suite de la crise de liquidités qui secoue derechef l’une de grandes institutions de micro-finances. Alors que le séisme qui plane toujours sur la BIAC et la FIBANK laisse redouter des répliques à effet domino. Le système financier de la RDC a paradoxalement des acteurs puissamment redoutables (groupes d’intérêt, propriétaires, intermédiaires cachés) capables de faire échec à une décision mûrement réfléchie de l’autorité de contrôle, en clair, de la Banque centrale du Congo, BCC…, fait comprendre, dans son ouvrage, «Risques bancaires et dispositifs prudentiels de gestion en RDC », paru en avril 2016 aux éditions l’Harmattan, M. Emile Mudiangani Ilunga.
Risques et crise.
Certes à travers le monde, toutes les activités d’emprunts et des prêts font face à des risques (risque de crédit, risque de marché, risque de liquidité, risques opérationnels, risque-pays… risque de change et le risque de taux d’inflation lesquels ont été relativement maîtrisés au regard de la stabilité relative du cadre macroéconomique de ces dernières années en RDC). Mais le tendon d’Achille du système bancaire r-dcongolais demeure le risque d’anti-sélection qui relève, en effet, de l’asymétrie de l’information. «La personne physique ou morale qui vient emprunter ne dit pas toujours la vérité sur l’affection du prêt sollicité. Le Fonds de promotion de l’industrie, FPI, appelé à se transformer en une banque d’affaires, a longtemps été victime de l’asymétrie de l’information», fait comprendre le prof. Michel Somwe, ancien DG de la Banque des crédits agricoles et ex-cadre de la Banque centrale du Congo, BCC, en charge des banques commerciales en difficultés. Selon le rapport d’une commission d’enquête parlementaire (disponible depuis fin décembre 2015 mais non encore traité à l’Assemblée nationale), 70% des projets financés par le FPI entre 2008 et 2014, n’ont pas, en effet, été réalisés et/ou sont tout simplement fictifs. Dans de telles supercheries, la connivence entre l’institution financière et l’emprunteur est, dans la plupart de cas, établie. L’on se rappellera, par exemple, qu’aux accusations de mauvaise gestion, les anciens responsables de la BIAC imputent à l’Etat des prêts non remboursés qui titilleraient les 30 millions de dollars.
«Prendre la mesure de sa véritable situation financière».
« Les dépôts constituant des fonds des tiers, l’exigence première dans le chef des banques demeure l’assurance, à l’endroit des clients, de la sécurité, de la disponibilité et de l’accessibilité à leurs fonds en cas de besoin », note le prof Kabuya. «L’asymétrie de l’information est source du risque d’anti-sélection et d’aléa moral entre les banques et les emprunteurs. Ce risque résulte de la relation principal-agent des banques à l’égard des propriétaires. Mais il est aussi un risque de type relation « principal-agent » inversée qui s’observe de plus en plus dans notre paysage. Il serait plus exact de le qualifier de « rapports incestueux » entre propriétaires et dirigeants de banque », relève M. Kabuya, professeur d’économie bancaire à l’Unikin et à l’UPC. « Détenir des actifs financiers correspond à posséder des créances réalisables à l’avenir. C’est le cas lorsque vous détenez une part dans une entreprise ou que vous êtes titulaire d’un dépôt bancaire. Cependant, sachant que l’avenir est par essence incertain, nous pouvons en déduire qu’il en est de même de toute créance, elle est subordonnée aux événements non encore réalisés. Cet état de fait ne poserait aucun problème si les mêmes informations utiles à l’appréciation de la valeur probable et future des actifs financiers étaient accessibles à tous. Malheureusement, c’est rarement le cas, la règle est généralement celle d’une asymétrie de l’information», regrette Eric Mboma, DG de Standard Bank RDC. Qui renchérit « (…) il s’ensuit une réelle opacité du bilan des banques dans la mesure où une part importante des actifs bancaires comprend les prêts dont la réelle valeur n’est pas directement observable par des néophytes. Il est donc très difficile pour les non-initiés d’évaluer avec précision la valeur réelle des actifs et donc de prendre la mesure de sa véritable situation financière».
Pold LEVI Maweja