Rien n’y a fait. Même pas le concours d’une communauté internationale représentée en RD Congo par la Mission onusienne, qui s’est avérée pour la circonstance rangée sans complexe dans les rangs de l’opposition politique rd congolaise. Le meeting du RasOp (Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement) prévu samedi 5 novembre 2016 en face du stade des Martyrs de la Pentecôte ne s’est pas tenu. Moins de deux mois après les débordements d’une manifestation convoquée par la même opposition radicale, qui a culminé en pillages et actes de vandalisme ayant provoqué morts d’hommes – une trentaine d’après les sources officielles, une cinquantaine selon l’Onu, et une centaine selon les instigateurs des troubles des 19 et 20 septembre dernier – la mairie de la capitale avait décidé la suspension, jusqu’à nouvel ordre (janvier prochain) de toute manifestation politique. La décision avait été prise le 22 septembre dernier, soit 48 heures après les tumultes meurtriers enregistrés dans la capitale rd congolaise. Lundi 31 octobre 2016, Clément Bafiba Zomba, l’adjoint du PPRD André Kimubuta à la mairie de Kinshasa, avait rendu public un communiqué confirmant la décision de l’Hôtel de Ville, « pour garantir les conditions de tranquillité et de sérénité nécessaires à la vie de communauté, à la tolérance, à la consolidation des valeurs citoyennes et démocratiques … ». Mais rien n’y a fait : les radicaux de l’opposition, soutenus en écho par une certaine communauté internationale et des médias périphériques à sa solde, entendaient ne pas faire droit à cette injonction d’ordre public. Et ne s’y sont pas conformés, en fait.
Vendredi 4 novembre, contre tout entendement, le Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme (BCNUDH) s’est fendu d’un communiqué appelant l’Hôtel de Ville de Kinshasa à annuler sa décision d’interdiction de toute manifestation politique, au nom des droits de l’homme. Une véritable tentative de substitution à l’autorité établie dans un Etat membre, par le biais d’une substitution du droit international à quelque droit national que ce soit : « Le droit international n’autorise pas ce genre d’interdiction à manifester. Chaque restriction des libertés doit être limitée dans le temps et justifiée. On ne peut pas juste interdire aux gens de manifester comme ça, donc nous disons à la RDC que le pays viole le droit international », a déclaré Mainia Kiai, un avocat Kényan employé par le BCNUDH, cité par RFI vendredi dernier. Avant d’ajouter, un tantinet paternaliste : « C’est avec ce genre d’interdictions que l’on devient une dictature et nous ne voulons pas que la RDC, qui est l’un des plus grands pays d’Afrique, ne devienne une dictature, a-t-il poursuivi. Il y a eu des progrès, une certaine stabilité après des années tumultueuses, il est donc encore plus important de préserver les libertés démocratiques de la population durant cette période pré-électorale. » Du sophisme pur, selon bon nombre d’observateurs de l’arène politique à l’évidence « trop internationalisée » de la RD Congo. Mais qui se dénude au premier coup de vent par ses accointances manifestes avec une frange de la classe politique du pays de Patrice Emery Lumumba. Le même jour, une organisation dite de la société civile, l’Association Congolaise pour le Droit à la Justice (ACAJ) connue pour la similitude systématique de ses positions avec celles des radicaux anti-Kabila, claironnait sur tous les toits que selon « L’article 26 de la Constitution impose une seule obligation aux organisateurs, qui est d’informer l’autorité compétente de la manifestation et de son itinéraire. La loi ajoute que la responsabilité et l’obligation d’encadrer la manifestation ou la réunion publique revient exclusivement à cette autorité ».
Tout ce beau monde oubliait, ou faisait semblant d’oublier, qu’en RD Congo, comme un peu partout à travers le monde, les manifestations publiques sont en fait soumises au respect de lois particulières à chaque Etat, qui en déterminent les conditions, notamment, la préservation de l’ordre public. En appui aux autorités de la ville-province de Kinshasa, un communiqué du gouvernement central signé par son porte parole Lambert Mende l’a bien rappelé dans la soirée de vendredi. Il était assorti d’un rappel à l’ordre qui dissimulait mal son nom : « Le Gouvernement souhaite que ses partenaires institutionnels comme le Bureau Conjoint des Nations Unies pour les Droits de l’Homme s’efforcent de contribuer à la stabilisation du pays par le renforcement de l’autorité de l’Etat en s’abstenant d’entretenir toute sorte de confusion quant à ce ».
Le meeting des Tshisekedistes-Katumbistes a donc été maintenu, et le bras de fer engagé. Samedi novembre, Kinshasa a plus que montré ses biceps en déployant d’impressionnants moyens dissuasifs. A Limete, à la hauteur de la 10ème rue sur le Petit Boulevard, les forces de l’ordre avaient pris, sans grand’peine, possession du siège de l’UDPS, dont les combattants généralement agglutinés là à longueur de journées avaient été vidés sans ménagements. Tandis que des véhicules de la police, bondés d’éléments armés jusqu’aux dents sillonnaient le boulevard Lumumba et les environs. Des témoins ont rapporté aux Maximum qu’à Masina et Kimbanseke, les deux communes populeuses du district de la Tshangu, policiers et militaires effectuaient les mêmes rondes dissuasives après avoir investi les points réputés chauds de cette zone dite rouge de la capitale.
Le lieu prévu pour le meeting n’a pas été épargné par les forces de l’ordre. Ainsi que l’annonçait le Colonel Mwanamputu, porte-parole de la police aux médias la veille de l’événement, le lieu de meeting sur le boulevard du Triomphal avait été isolé dès les premières heures du jour. Et la circulation sur cette importante artère préservée. L’équipe chargée d’installer la tribune et le podium à l’intention du lider maximo de l’UDPS Etienne Tshisekedi avait été chassée de l’endroit, s’est plaint Jean-Marc Kabund, le SG du parti de la 10ème rue, Limete, cité par la VOA. C’est à peine si quelques inciviques, des shégués en fait, se sont faits évacuer par une petite escouade d’agents de police vers 11 h 00. Pour cela, la force publique n’avait même pas eu besoin d’user de gaz lacrymogènes habituels. Sur les lieux, deux parties de football se déroulaient tranquillement, qui se sont prolongées jusque vers la fin de l’après-midi. Il faut dire que sur le boulevard Sendwe qui mène droit sur le Triomphal, à hauteur de la rivière Kalamu, des jeeps de l’armée bondés de militaires en battle-dress à la mine plutôt patibulaire n’incitait guère à la rigolade, même udpsienne.
Au finish donc, force aura été du côté de la loi, samedi dernier. Les organisateurs du meeting s’en seront rendus compte à leurs dépens : cette fois-là, le pouvoir n’était pas dans la rue. Pas encore.
J.N.