Ça a bougé ferme dans la classe politique, lundi 26 septembre 2016 à Kinshasa. Sauf là où l’on s’y attendait, à la Cité de l’OUA dans la commune de Ngaliema où se tiennent les assises du dialogue politique proprement dit. Selon les informations parvenues au Maximum, seuls les opposants ont sollicité de rassemblement au lieu habituellement réservé aux travaux du dialogue. Des assises qu’ils ont désertées depuis les manifestations de leurs collègues de l’opposition radicale, lundi et mardi derniers, qui ont provoqué la mort d’au moins 32 personnes. Selon les explications de Vital Kamerhe, le co-modérateur du dialogue pour le compte de l’opposition, c’est pour observer le deuil que sa composante se faisait discrète. Il semble qu’il y ait plus que cela, en réalité. Parce qu’au début du week-end dernier, la facilitation a fait part de l’élaboration par ses soins d’un draft d’accord politique à signer par les parties prenantes au dialogue. Le document a été transmis à la majorité présidentielle, à l’opposition politique et à la société civile. Etaient attendus depuis le week-end donc, les amendements des parties au dialogue, suivis des discussions avant l’adoption du texte qui consacrera la fin du dialogue politique proprement dit, avant que ne débute la délicate période entre la fin du mandat constitutionnel du président Joseph Kabila et les élections, combinées, de son successeur ainsi que des députés nationaux, provinciaux, sénateurs et gouverneurs des 26 provinces congolaises.
Dilemme
S’il est quasiment acquis que Joseph Kabila demeurera à la tête de la RD Congo jusqu’à son remplacement par le nouveau président de la République qui sera élu, conformément à l’article 70, deuxième alinéa de la constitution ; et que la période de transition à venir sera dirigée par un nouveau premier ministre dont on ne sait s’il sera toujours de la majorité ou proviendra de la majorité parlementaire, de sérieux problèmes juridiques et sémantiques se posent, qui cristalliseront les débats de la prochaine plénière du dialogue. Selon une source bien renseignée, tout dépendra de la définition qui sera donnée de la période qui va suivre la fin du dialogue politique en cours. Si on s’en tient aux articles 69 et 70 de la constitution en vigueur qui s’appuient sur le principe de la continuité de l’Etat en attendant de nouvelles institutions choisies par les électeurs, le premier ministre à nommer par le Chef de l’Etat devra, soit provenir de la majorité, soit, étant de l’opposition, renoncer d’une manière ou d’une autre à sa qualité d’opposant par le simple fait d’accepter de faire partie d’un gouvernement d’union nationale formé par Joseph Kabila, leader de la majorité, pour assurer l’organisation des prochaines élections. Si, par contre, le laps de temps entre la fin du mandat présidentiel et les élections est défini comme une période de transition, le premier ministre à nommer pourra être un opposant, à la condition toutefois que la constitution, qui ne prévoit pas de période de transition avant les prochaines élections, soit modifiée. Ou « interprétée » tacitement par les uns et les autres.
Durée de la transition
Reste également à régler la question de la durée de cette période de continuité des institutions ou de transition (c’est selon) qui dépend de la durée de la réalisation des préalables aux élections en vue. Ainsi que de régler le problème du dernier « préalable » jeté dans le panier par l’opposition qui exige du président Joseph Kabila qu’il s’engage par écrit à ne pas briguer un troisième mandat consécutif. Un préalable pour lequel les anti-kabilistes semblent avoir mis dans leur escarcelle l’église catholique rd congolaise, très en froid, c’est le moins que l’on puisse dire, avec le protestant luthérien Joseph Kabila. Des sources attribuent la visite au Vatican du quatrième président Kabila à cette sourde hostilité d’une grande partie de l’establishment catholique rd congolais qui a du mal à conserver la réserve et la neutralité de rigueur pour une confession religieuse dans les joutes politiciennes.
Sur ce dernier point, il y a lieu de douter que la famille politique du Chef de l’Etat cède face à ce qui ressemble à une sorte de caprice d’enfant gâté. A la majorité présidentielle, on estime non sans quelque raison qu’en affirmant que Joseph Kabila se soumettra à la constitution (qu’il ne la modifiera pas, en tout état de cause), la majorité présidentielle est on peut plus claire : son autorité morale n’énervera pas les dispositions de la Loi des lois qui limitent à deux les mandats du président de la République. La modification du texte constitutionnel n’étant pas inscrite au programme des travaux du dialogue, il n’y a donc pas lieu d’exiger de Joseph Kabila de se prononcer intuitu personae sur la question. « Cela équivaut à demander à Joseph Kabila de se coucher devant les oukases de l’opposition », commente un délégué de la majorité présidentielle interrogé lundi 26 septembre 2016 au téléphone.
Jusqu’au moment où Le Maximum mettait sous presse, les tractations allaient bon train, néanmoins. Les derniers conciliabules aussi. Si les opposants se sont réunis à la Cité de l’OUA, la majorité présidentielle s’est, elle aussi, retrouvée en début d’après-midi dans lieu voulu discret à la périphérie du centre des affaires, à la Gombe. Presqu’au même moment où Edem Kodjo, le Facilitateur international du dialogue politique rd congolais, conférait avec les ambassadeurs et chefs de missions diplomatiques dans son QG du Pullman Hôtel Kinshasa. Les sources du Maximum renseignent que Vital Kamerhe s’est, lui aussi, instamment rendu chez le Facilitateur avec lequel il a conféré durant plusieurs minutes. Des concessions seront inévitables de part et d’autre. Joseph Kabila a intérêt à sauvegarder la crédibilité de son initiative du dialogue politique en s’ouvrant à certaines préoccupations de ceux de l’opposition qui en ont permis la concrétisation tandis que Vital Kamerhe et ses amis, dont on a vu les limites de l’emprise sur les membres de leur famille politique qui a mis la capitale à feu et à sang, saccageant même les sièges de leurs formations politiques par représailles fratricides ont besoin de Kabila qui, en plus de contrôler de manière incontestable les bras séculiers de l’Etat que sont les forces de défense et de sécurité qui ont mis en déroute les casseurs proches de l’opposition et imposé un calme précaire lorsque l’opposition radicale a engagé un bras de fer en prenant les kinois littéralement en otage, dispose de la précieuse signature sans laquelle un premier ministre ou des ministres ne peuvent être désignés, respect de la constitution et continuité de l’Etat obligent. Même si rien n’a filtré des entretiens entre les uns et les autres jusqu’en fin d’après-midi.
J.N.