Du 16 février dernier, date du dernier appel à l’observation d’une ville morte par une partie de l’opposition politique, au 23 août 2016, un peu plus de 6 bons mois se sont écoulés. Qui ne font pas perdre de vue que la dernière fois que les opposants ont invité les kinois à demeurer cloitrés chez eux, l’affaire a lamentablement échoué. Sans pour autant décourager les initiateurs de ce type d’appel dont le succès est aujourd’hui plus qu’hier, pourtant sujet à caution.
Au terme d’une réunion du comité des sages du Rassemblement des Forces Acquises au Changement, dimanche 21 août à Kinshasa, Etienne Tshisekedi a personnellement appelé les populations kinoises en particulier et rd congolaises en général, à observer une journée ville morte. Pour contrer l’ouverture des travaux préparatoires au dialogue politique national convoqué par la facilitation nommée par l’Union Africaine. Mais à Kinshasa, tous, y compris bon nombre d’acteurs politiques de l’opposition ne sont pas persuadés du bien-fondé d’une opération que d’aucuns jugent prématurée et mal préparée. Mais il faut s’y faire, se dit-on en prenant son mal en patience : le lider maximo a parlé. Seulement, il s’agit d’un leader qui semble de plus en plus poussé à l’action par des tireurs de ficelles autre que lui-même, les membres de son parti politique, ou encore ses amis de la vieille opposition politique kinoise. Ici, tout le monde ne voit pas du même œil l’obstination à refuser le dialogue, ni, encore moins, la manie de verser tête baissée dans une alliance politique dont on ignore qui tirera les dividendes, lorsqu’il y en aura.
Le nouvel appel à l’observation d’une journée ville morte bénéficie, certes, du concours du vieil opposant dont le retour à Kinshasa en juillet dernier a prouvé qu’il gardait encore de la popularité parmi les kinois. Mais il intervient comme au milieu d’une cacophonie impossible à taire parmi les opposants eux-mêmes. Et devrait se heurter à d’autres forces centrifuges que l’on a peut-être tort de minimiser.
A commencer par le poids de la majorité au pouvoir, qui dispose elle aussi de nombreux militants à Kinshasa et en provinces, en de tenir fermement les leviers du pouvoir d’Etat qui lui accordent une marge de manœuvre indéniable.
Les manifestations politiques publiques de juillet dernier à Kinshasa l’ont démontré : la majorité présidentielle n’entend plus laisser le monopole de la rue et de la mobilisation à l’opposition. Le coup d’essai du Stade Tata Raphaël de Kinshasa, rempli tel un œuf au-dedans comme au-dehors, est encore frais dans les mémoires. Dans les conditions normales, tout le monde peut en appeler avec succès aux kinois, y compris à ne pas se terrer chez soi pour rien. Ajouter à cela des faits de pouvoir comme les facilitations aux déplacements, la sécurisation des biens privés, et l’affaire est dans la poche. Se dispenser de rêver n’est nocif, à cet égard.
Le plus grand écueil à l’observation d’une journée ville morte reste cependant tout à fait objectif. A Kinshasa en particulier et en RD Congo en général, près de 70 % de la population se désintéresse des problèmes politiques. Marches de protestation, villes mortes, la plus grande partie de la dizaine de millions de kinois n’a qu’en faire en réalité, ainsi que le révélait une enquête de « Le Point et Partenaires » en juillet 2015. 30 % de kinois ne peuvent « tuer » la capitale que s’ils usent de moyens de pressions illégaux, s’ils font peur à ceux qui n’ont pour préoccupation que leur survie quotidienne. Sans peur de l’insécurité, pas de ville morte qui tienne la route à Kin.
J.N.