En qualifiant Edem Kodjo de Kabiliste, le président du comité des Sages (sic !) de «Rassemblement» a peut-être commis la faute de trop ! Celle de dissuader désormais Africains, Américains, Asiatiques, Européens et Océaniens d’accepter le rôle de médiateurs ou de facilitateurs dans les crises congolaises récurrentes. L’Histoire de ces 26 dernières années renseigne que pour avoir tenté de rapprocher les positions tranchées du Pouvoir et de la frange radicale de l’Opposition incarnée par le lider maximo, tous les étrangers qui se sont succédé à Kinshasa ont été qualifiés de mobutistes sous le maréchal et de kabilistes sous Mzee ou sous le Raïs. La liste comprend sénégalais, algérien, botswanais, belge, malien, ghanéen, sud-africain, congo-brazzavillois et même américains…
Ainsi, dans le cadre des Accords du Palais de Marbre II, le sénégalais Abdoulaye Wade fut traité de mobutiste. Il s’en était tellement frustré qu’il nous balançât la phrase devenue célèbre selon laquelle «les Zaïrois n’ont de culture politique». Vingt-cinq ans après, nous avons du mal à nous en débarrasser.
Dans la foulée des mêmes accords, vint l’algérien Lakdhar Brahimi, traité lui aussi de mobutiste par la même frange radicale de l’Opposition.
Pendant la Cns, et principalement au lendemain de l’élection d’Etienne Tshisekedi au poste de Premier ministre, la troïka occidentale avait failli se retrouver avec le même qualificatif pour avoir osé demander au lider maximo d’ouvrir le gouvernement à des «vertébrés». Il se raconte que fâché d’avoir été consulté après Mobutu et Monsengwo alors qu’il était l’unique détenteur de la légitime populaire (!), il reçut cette délégation les pieds sur le guéridon. D’où la «passe» faite à Léon Kengo dans le cadre des Accords du Palais du Peuple, alias 3ème voie.
Conséquence : à partir de 1994, la communauté internationale se désintéressa du dossier zaïrois, préparant subtilement et insidieusement l’avènement de l’Afdl.
Comme pour lécher la vomissure
A la faveur de la guerre du 2 août 1998, le pays renoua avec les émissaires. En application de l’Accord de Lusaka signé en 1999, fut désigné médiateur ou facilitateur Sire Ketumile Masire, chef d’Etat honoraire du Botswana. Récusé par Mzee Laurent-Désiré Kabila qui le trouvait trop proche des thèses occidentales, il ne fut cependant jamais été qualifié de tshisekediste, quand bien même Etienne Tshisekedi et les siens lui étaient favorables.
Il a fallu attendre l’avènement de Joseph Kabila pour réactiver sa médiation. Lors du premier round du Dialogue intercongolais, à Addis-Abeba, en octobre 2001, toutes les parties se rendirent compte des difficultés de communication qu’il avait, lui l’anglophone, avec des Congolais francophones. C’est alors que les Nations Unies désignèrent le sénégalais (encore) Moustapha Niasse pour l’accompagner au deuxième round (Sun City I) en 2002 et au troisième round (Sun City II) en 2003.
L’application de l’Accord global et inclusif (issu du troisième round réclamé par l’Udps et le Rcd en rejet de l’Accord de Sun City) fut laborieuse en ce qu’Etienne Tshisekedi refusa de s’impliquer dans le schéma 1+4. Les missions de bons offices entreprises auprès du président de l’Udps par le Ciat (Comité international d’accompagnement de la transition) sous les auspices de la Monuc vont se révéler vaines.
Un premier kabiliste du Raïs occidental sera vite désigné : le belge Louis Michel. Et d’autres kabilistes du Raïs africains seront vite identifiés : le malien Konaré et le ghanéen Rwalings venus en mission de bons offices dans le cadre du second tour de la présidentielle de 2006.
Aujourd’hui, c’est au tour du togolais Edem Kodjo d’être traité de kabiliste.
Et comme pour lécher la vomissure, voici la classe politique en manque de culture politique en appeler au retour du malien Konaré, à défaut du botswanais Ketumile.
A cette liste, on peut ajouter des chefs d’Etat congo-brazzavillois Denis Sassou N’Guesso et sud-africainThabo Mbeki à avoir essuyé des rebuffades de la part de la même frange radicale de l’Opposition.
Il détruit tout ce que les autres construisent
Avec la facilité inouïe que nous avons de discréditer les étrangers qui ont jusque-là tenté de nous aider à résoudre les problèmes que nous nous créons, quel est cet africain, cet européen, cet américain, cet asiatique ou cet océanien qui se porterait encore candidat à la facilitation ou à la médiation ? Même les Etats-Unis, que «Rassemblement» veut absolument impliquer dans le Groupe de soutien à la facilitation, pourraient ne pas se laisser entraîner dans le guet-apens ! Après tout, ils ont eu d’autres «kabilistes» au sein de la Monusco : William Swing et Roger Meece. Leur tort est d’avoir soutenu le processus électoral en 2006 et en 2011 ayant permis à Joseph Kabila et à sa famille politique de constituer la Majorité issue des urnes.
Ne parlons même pas des nationaux. De 1990 à ce jour, qui n’a pas été qualifié de mobutiste ? Nguz ? Mungul Diaka ? Kengo ? C. Kamitatu ? Iléo ? Kanza ? Lihau ? Kibassa ? Mbwankiem ? Gisanga ? Birindwa ? Et qui n’a pas été qualifié de kabiliste ? Kamerhe ? Etumba ? Malu-Malu ? Ruberwa ? Z’Ahidi ? Olenghankoy ? Endundo ? Gizenga ? Muzito ? Nzanga ? Mbusa ? Kyungu ? Lutundula ? Lumbi ? O. Kamitatu ? Malu-Malu ? Ngoy Mulunda ? Nkisi Kombo, Tshibangu ? Badibanga ? Luhaka ? Mwamba ? Kambinga ? Katumbi ?
L’intérêt de cette réflexion – mieux de cette interpellation – est que le qualificatif «mobutiste» et «kabiliste» est assumé par Etienne Tshisekedi pendant qu’il n’applique pas le qualificatif «tshisekediste» à aucun des siens…
La raison est simple à deviner : le lider maximo ne construit rien !
Il détruit tout ce que les autres construisent.
A commencer par l’Udps après le Mpr, l’Union sacrée, l’Usor, l’Usoral, l’Usoras, l’Ufad, l’Asd. Comme pour dire que «Rassemblement» n’échappera pas à la fatalité…
Le Maximum avec Omer Nsongo die Lema