En RD Congo, les fameuses sanctions de la communauté internationale contre … Kinshasa et les personnalités proches du pouvoir planaient depuis plusieurs mois lorsque la première salve est tombée. Jeudi 23 juin 2016, le département du trésor US annonçait qu’un officier de police, le Général Célestin Kanyama, patron de la police de Kinshasa, faisait l’objet de sanctions portant sur le gel des avoirs dont on sait aujourd’hui qu’il n’en a aucun au pays de l’oncle Sam et l’interdiction de séjour dans ce paradis terrestre que seraient devenus les USA, entre autres. Motif de cette sentence prise outre Atlantique sans que l’accusé ait bénéficié du moindre bénéfice des droits de la défense s’il échet : des troupes aux ordres du Commissaire provincial de la police nationale du Congo seraient « responsables » de la mort d’une vingtaine de personnes exécutées sommairement et de la disparition d’une quarantaine d’autres non autrement identifiées lors de manifestations politiques en janvier 2015 ainsi que lors de l’opération de traque des bandits urbains communément appelés « kuluna » fin 2013 début 2014.
Pour nombre d’observateurs et une grande partie de l’opinion à Kinshasa, la décision américaine est inique et arbitraire à plus d’un égard et les réactions des autorités ont fusé de toutes parts, dénonçant l’illégitimité de sanctions d’un gouvernement étranger contre un fonctionnaire d’un Etat indépendant, notamment. Lambert Mende Omalanga, le ministre de la communication et porte-parole du Gouvernement de la RD Congo, a dénoncé une tentative de substitution de souveraineté. Tandis que l’ambassadeur Kikaya Bin Karubi, conseiller diplomatique de Joseph Kabila, dépêché en mission de protestation aux Usa, assurait que les décisions américaines contre le Général Célestin Kanyama étaient de nul effet, d’autant plus que l’incriminé ne dispose pas d’avoirs à l’étranger, surtout pas aux Etats-Unis d’Amérique.
Sanctions absurdes
Seules certaines organisations dites non gouvernementales se sont bruyamment réjouies des sanctions du département du Trésor US contre le Général Célestin Kanyama. Jean-Claude Katende de l’Asadho, une Ong de défense des droits de l’homme proche de l’opposition politique en RD Congo, s’est réjoui de ce qu’il considère comme l’aboutissement des plaidoyers menés par les organisations de la société civile congolaise : «Il est important de considérer le rôle joué par Monsieur Célestin Kanyana dans l’opération Likofi mais aussi lors des événements survenus en janvier 2015 », a-t-il déclaré à la presse.
« Plaidoyers menés par les organisations de la société civile congolaise » ? Ci-git toute l’iniquité qui entoure la décision prise contre cet officier de police, un fonctionnaire, en fait, qui donc dépend strictement de sa hiérarchie et ne dispose d’aucune liberté de décision. Tout Général qu’il est, Célestin Kanyama reste un exécutant. L’action entreprise contre sa personne est mal dirigée, comme diraient les juristes. Et à Kinshasa, ils sont chaque jour plus nombreux, ceux qui savent que les fameux « plaidoyers » menés par les organisations de la société civile congolaise, à coup de prébendes d’organisations internationales qui poursuivent des objectifs de déstabilisation d’Etats souverains, visent les pouvoirs politiques qui déplaisent, en réalité. De cela, Jean-Claude Katende ne s’en cache point : le Général Kanyama « se défendra pour présenter les autres personnes ayant donné des ordres pour arriver à cela », assure le plus sérieusement du monde ce prétendu défenseur des droits humains pourtant demeuré aveugle et muet sur les exactions subies par des paisibles citadins kinois du fait de la terreur répandue dans les quartiers périphériques de la capitale congolaise par les Kuluna. C’est l’opération « Likofi » (coup de poing) dirigée par le Général Kanyama, entre autres, qui avait mis fin au calvaire des habitants de la mégapole rd congolaise.
Sanctions mal dirigées
Les sanctions américaines contre le Général apparaissent donc comme l’arbre qui dissimule, maladroitement, la forêt. Une jungle, en fait, cette forêt dans laquelle le plus fort tente d’imposer sa loi : interrogé jeudi 23 juin dernier, Thomas Perriello, le tonitruant envoyé spécial de l’administration Obama pour la région des Grands Lacs, applaudissait sans fards les mesures prises par le département du trésor de son pays qui, selon lui, viseraient à « décourager celles des autorités qui feraient obstacle aux expressions des libertés démocratiques ». C’est-à-dire, des libertés de s’insurger, essentiellement, étant donné que les autres libertés, celles qui devraient être protégées par la police par exemple, semblent être les parents pauvres des préoccupations de ces nouveaux « rois de la jungle ». Pas besoin d’être savant pour dessiner les contours des sanctions contre le Général empêcheur de perturber en rond la quiétude dans un pays dont le gouvernement a osé défier la toute puissance Amérique en diversifiant ses partenariats économiques, notamment avec la Chine : les sanctions US sont une prime aux émeutiers de tous bords. Elles visent la déstabilisation du pouvoir détenu par la majorité présidentielle kabiliste en RD Congo par la violence des petits malfrats sans foi ni lois qui écumaient les rues de Kinshasa et s’inscrivent dans un schéma insurrectionnel pour accéder au pouvoir d’Etat, en incitant des officiers de police ou de l’armée à la désobéissance par crainte de sanctions internationales. C’est en cela qu’elles révoltent au plus haut point un nombre croissant d’hommes et de femmes en RD Congo. A l’exemple de cette ASBL (Association Sans But Lucratif) dénommée Café Kinois, qui a décidé l’organisation d’une marche de soutien au Général Célestin Kanyama. « Nous protestons contre la mesure impérialiste prise par le gouvernement d’un pays aussi souverain comme le nôtre à quelques jours de la célébration du cinquante sixième anniversaire de notre indépendance », s’expliquent les organisateurs qui ont dûment sollicité les autorisations requises pour ce faire.
Tissu de calomnies
Mesure impérialiste américaine ? Il y a bien plus que cela dans la décision du département du trésor US, qui empeste le parti-pris à des milliers de km à la ronde. Pour la bonne et simple raison que les accusations sur lesquelles elles se fondent sont rien moins que discutables. A commencer par ce bilan d’une quarantaine de morts lors des émeutes convoquées par l’opposition politique les 19, 20, et 21 janvier 2015, qui est celui avancé par l’opposition et un certain nombre d’Ong nationales et internationales de même obédience, sans le moindre début de preuve. Une organisation aussi neutre et crédible que la Monusco, qui dispose de moyens de vérification et d’actions qui dépassent parfois ceux de l’Etat rd congolais, n’a jamais fait état d’autant de décès. Ni, encore moins, les représentants de la presse internationale qui avaient couvert avec intérêt et sur le terrain les manifestations « démocratiques » de début 2015. Les chiffres les plus sûrs sur ces événements sont finalement ceux du gouvernement qui font état de 27 morts sur l’ensemble du territoire national, dont 2 policiers. Pour faire porter le chapeau de 40 morts au Général Kanyama, il fallait à la fois prouver qu’il y a bien eu 40 morts, et que les décès enregistrés ont été causés par les balles tirés par les éléments placés sous ses ordres. C’est loin, très loin d’être le cas. Encore faut-il établir quelles sont les devoirs d’un responsable de la sécurité dans une mégapole comme Kinshasa lorsque se déclenchent des émeutes qui menacent la quiétude de quelque 10 millions de personnes ainsi que les activités et intérêts économiques dans un pays qui émerge laborieusement du fond du gouffre où l’avaient plongé plusieurs années d’instabilité politique. Encadrer et accompagner les pillards leurs butins sur la tête jusqu’à leurs repaires ?
Victime des défenseurs des Kuluna
L’affaire de la cinquantaine de Kuluna qui auraient été tués sommairement ou forcés à disparaître est, elle aussi, une couleuvre impossible à avaler pour la plupart des gens à Kinshasa. Ces bandits à mains armés qui sévissaient depuis 2006 ont brillé par une cruauté sans pareille dans l’histoire de la criminalité urbaine en RD Congo. A Kinshasa, le souvenir de cette femme enceinte tuée à coups de machette dans les parages de Lemba-Foire est encore frais dans les mémoires. Tout autant que celui de ces agents de police, dont au moins un a perdu sa main, tranchée net par un coup de machette alors qu’il retournait tranquillement chez lui dans la commune de Kasavubu après avoir accompagné sa fiancée aux petites heures du matin. Les rapports d’Ong de défense des droits de l’homme, les mêmes qui oeuvrent à la fragilisation de toute autorité de l’Etat à laquelle elles ont tendance à se substituer grâce à des subsides reçues de nébuleuses « partenaires » occidentaux, avancent des chiffres précis assorties de preuves indécises : pas d’identité de fameux morts ni de lieux de sépulture, seulement quelques témoignages dont le nombre n’égale pas celui des morts dénoncés, du reste. Encore que sur ce dossier aussi, il y ait lieu de se demander en quoi consistent les devoirs de l’autorité de police chargée de la sécurité des personnes : à documenter le nombre de kuluna et autres enfants de la rue et à rédiger des rapports descriptifs qui ont la vertu d’entretenir le statu quo sécuritaire dont se nourrissent les prétendues Ong de défense des droits de l’homme ?
Kanyama, « Esprit de mort » ?
Les sanctions américaines contre un (simple ?) fonctionnaire de la police en RD Congo, le Général Célestin Kanyama, sont venues couronner une réputation particulièrement salée et sulfureuse. Surnommé « Esprit de mort » par le kinois lambda, Kanyama Cichiku est réputé pour sa stricte rigueur dans l’accomplissement des devoirs de sa tâche que les malfrats ont vite fait d’apparenter à de la cruauté. Les derniers événements marquant dans la capitale n’ont pas amélioré l’image que la rue se fait du Général : aux obsèques de la chanteuse chrétienne, Marie Misamu, au Stade des Martyrs, le Général passe pour cet homme qui a ravi le corps de la défunte à ses fans avant de l’emmener à une allure de fou sur la route de N’Sele vers le cimetière Entre Ciel et Terre où elle a été inhumé en présence d’une assistance réduite. On rappelle encore qu’à l’occasion du retour de la sélection nationale de football après le sacre continental arraché à Kigali au Rwanda, le Général Kanyama a privé le public kinois et les Léopards de bain de foules et de réjouissances méritées. Des crimes de lèse-majesté pour le kinois lambda, plutôt friand de réjouissances publiques à répétition, mais qui ignorent tout des incidences sécuritaires qui entourent ces manifestations publiques, selon un expert ès criminologie de l’Université de Kinshasa, interrogé par Le Maximum.
Empêcheur de perturber en rond
Les obsèques de Marie Misamu, organisées les 28 et 29 janvier 2016 au Stade des Martyrs de la Pentecôte, furent un dangereux fourre-tout où se côtoyaient voleurs à la tire, chapardeurs de téléphones portables, marchands, vendeurs et revendeurs de tout et rien, ainsi que des admirateurs et admiratrices de la cantatrice décédée le 17 janvier, quelque 10 jours plus tôt. Les lieux étaient tout ce qu’on veut sauf sûrs, rapporte au Maximum un agent de police affecté à la surveillance de la chapelle ardente installée devant la sortie Boulevard Triomphal du Stade. Pire, le 29 janvier, jour prévu pour l’enlèvement et l’inhumation du corps de la défunte, la police a reçu des informations faisant état de menaces de séquestration de corps par les jeunes du quartier Ndjili sur la route du cimetière. « Les voisins de la chanteuse entendaient récupérer le corps de leur sœur pour organiser leurs obsèques », et attendaient le cortège funèbre à la hauteur des Eucalyptus sur le boulevard Lumumba. C’est pour couper l’herbe sous les pieds à ceux qui, au lieu des obsèques au Stade des Martyrs ne voulaient pas qu’ils se terminent, aussi bien qu’à ceux qui attendaient à Ndjili que le Général Kanyama prit sur lui d’emporter le corps, explique-t-on. Mesures excessives ? Non, se défendent les experts interrogés : le Général est payé pour qu’il n’y ait pas de dérapages, blessés, morts d’hommes et autres à l’occasion de manifestations publiques. Lorsqu’il y en a, il est sanctionnable.
Ce sont les mêmes préoccupations sécuritaires qui ont commandé l’abrègement des réjouissances populaires spontanées au retour des Léopards de Kigali le 9 février 2016. La fête sportive était manifestement menacée de récupération politicienne et des actes de violence prémédités programmés. Des témoins rapportent que rien sur le parcours des fauves de l’aéroport international de N’Djili au quartier Kingasani dans la commune de Kimbanseke, des casses ont été enregistrés, des inciviques ayant caillassés des véhicules, dont la voiture d’un journaliste au seul motif qu’elle arborait la vignette de la Radio Télévision Nationale Congolaise (RTNC) perçue comme une radio du pouvoir par les sympathisants des partis politiques de l’opposition. A cette occasion aussi, la police a dû prévenir d’inévitables dégâts en faisant accélérer la vitesse du cortège, en attendant l’organisation de réjouissances mieux encadrées. « Il y aurait eu 2, 3, 5 ou 10 morts, que le Général Kanyama aurait été taxé d’incapable », commente encore auprès du Maximum cet expert ès criminologie. Pour se faire une opinion du Général honni, parfois à tort, il faut donc aussi s’imaginer ce qui serait advenu du point de vue du maintien de l’ordre public et de la sécurité des personnes s’il n’avait pas été là, donc. Force est de constater, que cela plaise ou non, que jusque-là le gars s’en tire plutôt sans trop de casses. Et il y a de quoi.
Parcours impressionnant
Natif de la ville de Kananga où il a effectué des humanités pédagogiques, Célestin Kanyama Cishiku est un officier au parcours assez impressionnant. L’homme est un ex. Faz sorti de la 20ème promotion de l’Ecole de formation d’officiers de Kananga (EFO). Il a intégré la 7ème promotion de l’Ecole de formation et d’application des troupes blindées (EFATBL) à Mbanza-Ngungu au Kongo Central, et la 182ème promotion du Centre d’Entraînement des Troupes Aéroportées (CETA) à Kinshasa, avant que l’Etat-major de la gendarmerie ne l’envoie se perfectionner à l’école de gendarmerie de Matete (14ème promotion) où il suit des cours de criminologie. Officier de police judiciaire à compétence général, Célestin Kanyama est affecté, notamment, à Masina où il dirige le commissariat de police dénommé « Mbwa mabe » (Chien Méchant). A la création de la Police Nationale Congolaise après la conquête de Kinshasa par les troupes de l’AFDL de Laurent-Désiré Kabila, Célestin Kanyama est chargé des fonctions de chef de bureau aux exercices physiques et sportifs, avant d’être promu adjoint aux opérations au commissariat provincial, instructeur des policiers communaux (Lingwala, Barumbu, Gombe, Kintambo).
L’ascension de Célestin Kanyama commence avec sa nomination en qualité de commandant du district de la Lukunga, en même temps qu’il dispense des cours d’OPJ et de Maintien de l’ordre à l’école de formation des OPJ à Barumbu. C’est que dans l’entretemps, Kanyama a entrepris et achevé des études de droit à l’université de Kinshasa, couronné par un mémoire de licence portant sur « Les Hypothèques légales et forcées en droit congolais de l’Ohada » (Dir. Pr Kenge Ngomba Tshilombayi). Quelques jours avant d’être « couronné » par le département du Trésor US, le Général Kanyama, qui poursuit parallèlement à ses charges officielles une carrière scientifique, a défendu, plutôt avec brio (plus grande distinction) un mémoire d’études approfondies en droit portant sur … le phénomène Kuluna à Kinshasa (Dir. Pr Nyabirungu Mwene Songa). Cet officier général là peut-il être réduit en un simple « esprit de mort » à envoyer à l’échafaud avec le concours de gouvernements de pays étrangers ? Rien n’est moins sûr. On peut sans risque de se tromper déplorer que des organisations politiques antigouvernementales qui se dissimulent sous les oripeaux d’organisations non gouvernementales et des acteurs politiques hostiles à leurs adversaires au pouvoir se lancent dans une opération de crucifixion d’un des meilleurs officiers généraux que la RD Congo ait formé localement.
J.N.