Plus ou moins 1 heure 30’. C’est le temps pris par Edem Kodjo, le facilitateur du dialogue national inclusif nommé par l’Union Africaine, et Etienne Tshisekedi, le président du comité de sages de la partie de l’opposition politique réunie sous la bannière du Rassemblement des Forces Acquises au Changement. Cela s’est passé à Bruxelles vendredi 17 juin 2016 dans l’après-midi, d’après un communiqué signé par un certain Augustin Kabuya, qui se présente comme secrétaire national adjoint chargé de communication, information, médias et Attaché de Presse au cabinet d’Etienne Tshisekedi. A Edem Kodjo, le président du comité de sages du Rassemblement aurait tout bonnement présenté les conclusions du conclave de Genval, qui s’opposent farouchement au dialogue national convoqué par l’ordonnance présidentielle du 28 novembre 2015, signé par le Président Joseph Kabila. Le communiqué du 17 juin dernier fait état d’autres préalables, notamment, la libération de tous ceux que les opposants considèrent comme prisonniers politiques ainsi que la mise en place d’un panel d’envoyés spéciaux de la communauté internationale. Pour des raisons de transparence, explique laconiquement le communiqué.
Mais la plus importante des revendications du Rassemblement est sans doute ce refus du seul dialogue convoqué jusque-là, par celui qui jusqu’à preuve de contraire, préside aux destinées de la RD Congo, Joseph Kabila. Le Rassemblement se prononce plutôt pour un dialogue convoqué dans l’esprit et la lettre de la Résolution 2277 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies. Et se tait pudiquement sur l’identité de l’autorité habilitée à convoquer ce dialogue : Joseph Kabila ou la communauté internationale ? A quelques mois de la fin du second mandat du président de la République en fonction, et même après, la Cour Constitutionnelle ayant fixé l’opinion sur ce que stipule la constitution à ce sujet, la question vaut son pesant d’or. Sa réponse aussi : l’opposition réunie derrière Etienne Tshisekedi exige un dialogue qui n’existe pas parce que non convoqué. Elle ne veut donc pas de dialogue du tout mais de changement à la tête de l’Etat en passant par une sorte de substitution de souveraineté. C’est ce qu’impliquerait la convocation d’un dialogue intra-congolais par des représentants de la communauté internationale, suggérée par le Rassemblement. C’est une pilule, et elle ne passera ni facilement ni rapidement. Cela s’est déjà dans ce même pays, il y a un peu moins de 20 ans.
Encore qu’en évoquant l’esprit et la lettre de la fameuse Résolution 2277, les radicaux ne sont pas loin de tricher avec les faits. La décision du conseil sécurité des Nations-Unies, dont le préambule (paragraphe 3) réaffirme « … son ferme attachement à la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo … » se prête difficilement à une interprétation qui se prêterait à une quelconque substitution de souveraineté. Le point 10 de la même résolution « Souligne l’importance d’un dialogue véritable pour que les élections présidentielle et législatives soient pacifiques, crédibles et conformes à la constitution, appuie la décision prise par l’Union Africaine d’engager des consultations sur ce dialogue, demande instamment à toutes les parties prenantes nationales de coopérer avec l’Union africaine à cet égard, et prie le Secrétaire général de fournir un appui logistique à ces efforts, conformément à la présente résolution, notamment en usant de ses bons offices ». (Texte de la Résolution ci-contre). C’est tout sauf autoriser la communauté internationale de convoquer un dialogue dans un pays membre de la communauté des Nations.
La stratégie du Rassemblement des Forces Acquises au Changement, comme celle de l’opposition radicale acquise au changement sous la dictature mobutiste, se ressemblent comme deux gouttes d’eau : elle consiste à laisser pourrir la situation politique et sociale dans le but de recomposer un nouvel ordre politique à plus ou moins brève échéance. Le succès d’une telle stratégie politique reste aléatoire : la longue agonie de la dictature mobutiste, qui a tenu le coup 7 ans après la fin du mandat présidentiel du dictateur affaibli par la maladie, en est la preuve. Et ce, sans compter sur les conséquences sociales et économiques inhérentes aux incertitudes politiques dont la conséquence immédiate réside dans la détérioration du climat des affaires.
Une démocratisation à refaire ?
J.N.
RESOLUTION 2277