Sans doute, c’est le trottoir le plus dangereux du centre-ville kinois : celui qui longe l’avenue Shaumba, ex-Prince de Liège, du côté du dojo de Mayikari. Des égouts de plus de 15 m à ciel ouvert, des câbles dénudés de la SNEL dressés tels des appâts… La voirie de la capitale pose non seulement le problème de défectuosité mais aussi de sécurité pour les piétons.
«Il est probable qu’une personne soit déjà tombée dans l’une de ces fosses », s’accordent à dire des élèves du lycée Shaumba. «Qui sait, toutes ces personnes que l’on dit portées disparues seraient peut-être tombées dans l’un ou l’autre de ces égouts », renchérit cette vendeuse ambulante. Autre trottoir «miné», celui qui longe l’ex-avenue du 24 novembre, partant de l’ISC, Institut supérieur du commerce, vers le nouveau complexe commercial Galaxy en traversant la rivière Gombe.
«Au croisement des avenues de la Gombe et libération ex-24 novembre, il y a un égout béant qui vous charrie en enfer si jamais vous y dégringoler ! », confie cette étudiante. « En plus, le soir, c’est tout noir par ici. De l’autre côté, vous avez une rivière sans garde-fous! », poursuit-elle. «Faites un tour à la cité, à Barumbu, dans la commune de Kinshasa autour du marché central, toutes les avenues ont des trottoirs avec soit des collecteurs soit des égouts profonds non couverts…», déplore sa collègue. L’Office des voiries et drainage, OVD, aura une fois encore manqué à ses missions régaliennes. Autant que les routes, les trottoirs sont fin mandat à Kinshasa.
Les travaux publics deviennent un portefeuille laissé-pour-compte. Le ministre de TPI, Fridolin Kasweshi, et l’Honorable Pasi Za Pamba, en sont venus, lundi 9 mai 2016, à cette conclusion, à la suite des réponses du ministre de tutelle à la question orale lui posée par le député sur l’état de délabrement avancé des routes en RDC.
Seuls 13% des crédits budgétaires alloués au secteur des infrastructures entre 2012 et 2015 ont été réellement décaissés par le gouvernement. Aucun rond n’a cependant été déboursé depuis janvier 2016 pour la réhabilitation des artères routières tant à Kinshasa que dans l’arrière-pays. « Toutes les routes sont quasiment fin-mandat», a déploré le député Mohindo Nzangi. Même dans la capitale dont la voirie est plutôt gérée par l’Hôtel de ville, le ministre Kasweshi croit savoir que, outre la sempiternelle question de gestion des déchets et autres ordures, le manque des moyens financiers ferait défaut pour leur réhabilitation. Le gouvernement de la RD Congo éprouve des difficultés pour construire les routes ou entretenir son réseau routier interne. Une enveloppe annuelle d’un milliards de dollars américains est nécessaire pour cette activité, a fait comprendre, il y a encore quelques semaines, le ministre des Infrastructures, Travaux publics et reconstruction, Fridolin Kaswehi. Ce que le gouvernement n’est pas en mesure de débourser avec ses fonds propres.
«Il y a des routes qui peuvent générer des ressources suffisantes grâce à l’activité économique dans leurs zones d’influence. Mais beaucoup de routes ne sont pas éligiblesà ce genre de financement et doivent dépendre du trésor public, qui lui-même n’a pas beaucoup de financement du fait de l’activité économique qui est assez faible dans le pays», a déclaré Fridolin Kasweshi.
Le standard des routes au Congo est parmi les plus faibles dans les zones sous-régionales auxquelles appartient le pays (l’Afrique centrale ou la SADC), a en outre affirmé le ministre. «Pour relever nos standards, il faut investir 1 milliards de dollars par an dans les routes dont au moins 20% pour l’entretien », précise-t-il.
Faute d’un financement de cette hauteur, Fridolin Kasweshi explique que le gouvernement développe trois piliers palliatifs : le partenariat public-privé là où l’activité économique est assez importante, c.à.d., pour les routes asphaltées, un minimum de trafic de 15 000 véhicules par jour.
Le deuxième pilier est celui des partenaires techniques et financiers à l’instar de la BAD, l’Union européenne et la Banque mondiale. Cette dernière développe un projet dit de routes ultra-prioritaires avec 3 500 km des routes prises en charge par une intervention conjointe de la Banque mondiale, de la coopération britannique et du Fonds national d’entretien routier.
Le troisième pilier est celui des ressources propres. «Son apport est très faible et ne permet pas une bonne prise en charge de notre réseau routier», avoue le ministre.
En 2013, le gouvernement a alloué 40 millions de dollars américains pour les routes en supplément à l’apport des partenaires techniques et financiers extérieurs mais n’a pas pu tenir cet engagement les années suivantes.
Quelques routes sont tout de même entretenues notamment à Kinshasa, capitale du pays. « Nous avons lancé par exemple les travaux d’assainissement de la route By-Pass construite en 1981 qui n’a pas bénéficié d’un entretien conséquent. D’autres routes ont été dégradées précocement du fait du manque des ouvrages d’assainissement, de la gestion de déchets ou de l’augmentation du trafic en quantité et en tonnage », résume Fridolin Kasweshi. Le député Pasi a obtenu de l’Assemblée nationale, la mise en place d’une mission d’information afin de faire la lumière sur la gestion des recettes allouées au secteur des infrastructures routières.
POLD LEVI