Né à Lubefu, en Province du Sankuru, un 14 juin 1949, il s’appelait Shungu Wembadio, baptisé Jules dans la foi chrétienne, plus tard élevé à la dignité spirituelle de Pene Kikomba suivant la tradition de ses ancêtres.
Le 24 avril 2016, au plus beau de la chanson ainsi qu’il l’a toujours souhaité, le fils de papa Kikomba (ancien combattant des Forces belges libres) et de mama Nyondo s’en est allé aux anges. C’était à Abidjan, en Côte d’ivoire.
Il s’appelait Jules Shongo Wembadio Pene Kikomba
Que voilà en vérité un homme plus grand que nature.
Très tôt orphelin de père (1966, à 17 ans), il dut se battre bec et ongle aux côtés de sa mère pour subvenir aux besoins de ses frères et sœurs.
Du jour où il fut piqué par la muse musicale, héritage sacré de sa mère, un dieu de la chanson et de la scène était né. Un peu plus de 45 années de carrière il fera, dont 39 dans le seul Viva la Musica fondé en 1977 après les épisodes Zaïko Langa-Langa (1969), Isifi Lokolé et Yoka Lokolé (1974). Au moins 30 albums qui l’ont consacré « Le Roi de la rumba » il lèguera à la postérité.
Il s’appelait Jules Shongo Wembadio Pene Kikomba.
« Il est des noms qui sonnent comme des manifestes », s’exclamait Léopold Sédar Senghor en parlant de son ami Aimé Césaire. Celui de Jules Shongo Wembadio Pene Kikomba résonnera longtemps comme bien plus qu’un manifeste au panthéon des immortels.
De ses vertus artistiques, ce serait faute de ma part de ne point évoquer ici sa voix d’or, son pas de danse incomparable, ainsi que son port vestimentaire de véritable « Roi de la SAPE » – à se demander de la tenue et de lui lequel embellissait l’autre.
Mais ce serait gravement pécher pour moi, que de passer sous silence la haute facture de la presque totalité de son œuvre musicale – qui oubliera Analengo (1980) qui le propulsa sur la scène africaine, et qui Maria Valencia ou Yé té qui font toujours autorité dans la World music !
Il s’appelait Jules Shungu Wembadio Pene Kikomba.
Faut-il ajouter à cela son flair sans pareil pour dénicher ou faire éclore des talents en herbe : Kisangani, Dindo Yogo, Lydjo Kwepa et tant d’autres ! Cela, pour dire le moins des futures stars comme Koffi Olomide et King Kester Emeneya qui furent baptisés dans la musique par son doigté.
Mais que dire du bonheur avec lequel il a su accommoder différents styles musicaux dans le giron de sa rumba originelle ? Et quoi de son ouverture d’esprit qui l’amena à collaborer avec bien des grands de la musique, dont Wendo Kolosoy, Tabu ley et Simaro Lutumba parmi les Congolais ; Alpha Blondy, Angélique Kidjo et Youssou N’dour quant aux Africains ; Peter Gabriel et Ophélie Winter pour ce qui est du reste du monde !
Ô Jules Shongo Wembadio Pene Kikomba,
Les mots ne peuvent suffire pour dire la mesure d’un dieu ; pardonne-moi !
Par lequel de tes mille et un surnoms t’appeler aujourd’hui que tu n’es plus : Jules Presley, Papa Wemba, Chef Coutumier du Village Molokaï, Vieux Bokul, Kuruyaka, ou autres Ekumanyi ?
Dans lequel de tes enfants, dis-moi, contempler désormais ton visage disparu ?
Congolais le plus médiatisé, le plus connu et le plus aimé sur la terre, tu étais. Comme à jamais tu seras dans nos cœurs, le baobab-seigneur qui tutoie les nuages à l’entrée du Congo. Ne voilà-t-il pas que, déjà et grâce à toi, l’Organisation des Nations Unies par son organe spécialisé, l’UNESCO, vient d’entamer la procédure de classement de la rumba congolaise au patrimoine immatériel de l’humanité !
Il s’appelait Jules Shongo Wembadio Pene Kikomba.
Décédé à moins de deux mois de son 67e anniversaire dans les bras de la chanson, il sera inhumé le 4 mai 2016 dans la terre de son Congo natal, fidèle gardienne du bout de son ombilic, pays du fleuve-serpent au cœur de l’Afrique éternelle, son Congo chéri qu’il a tant aimé et tellement amoureusement chanté. Et depuis, le soleil en personne ne cesse de se demander quel phénomène cosmique lui a ravi la vedette sur la terre des hommes !
« Requiescat in pace » (Repose en paix) ! Et daigne accepter l’offrande de cette fleur à haute teneur symbolique. Une rose rouge ; quoi de mieux pour exprimer l’affection de ceux que tu aimas toi-même et qui, eux, ne cesseront jamais de t’aimer !
« Sit tibi terra levis » (Que la terre te soit légère), ô fils de mama Nyondo !
« Hommage à Papa Wemba », lu à la messe d’action de grâce, célébrée en la Mission Notre-Dame d’Afrique, à Montréal, le 7 mai 2016.
Lomomba Emongo, écrivain et professeur de philosophie