Elle a fait tabac. Sur les médias dits mondiaux, que l’on sait à l’affût du plus petit incident, ce qu’on ne peut leur reprocher, tout de même. Seulement, dimanche 14 février 2016, les services des renseignements militaires se sont emparés de Martin Fayulu dont le véhicule était rempli de tracts signés d’opposants appelant à une ville morte mardi 16 février, 48 heures plus tard donc. L’élu de Kinshasa a ainsi passé plusieurs mauvais quarts d’heures, selon ses dires, à la direction des renseignements militaires à Kintambo. Avant d’être relaxé, lorsque ses geôliers se sont rendus compte de sa qualité de parlementaire, selon le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, qui s’en expliqué sur les mêmes médias le même jour. Aubin Minaku, le président de l’assemblée nationale dont relève Martin Fayulu serait aussi intervenu pour obtenir la relaxe d’un membre de sa plénière, appelant les services et la justice à observer les lois et la procédure en matière d’interpellation de personnes couvertes d’immunités parlementaires. Le dossier devrait donc être clôt.
Entretremps, les fameux médias dits globaux auront présenté Fayulu comme un grand opposant au régime en place, une figure de proue de l’opposition congolaise qui s’oppose à la prolongation du mandat de Joseph Kabila. Bref, tout ce qui peut grossir l’homme aux yeux d’une certaine opinion, sauf ce qu’il est réellement : un agitateur politique. Parce que dimanche, c’est des tracts que l’élu de Kinshasa s’apprêtait à larguer dans une opinion crédule.
On pouvait s’y attendre, Martin Fayulu, président d’un petit parti politique confiné dans le périmètre de son Kinshasa natal (seulement 2 députés élus, dont lui-même), tempête ferme depuis dimanche, et crie à la violation de tous les droits du monde, dont celui qui permettrait à un élu du peuple siégeant à l’hémicycle de ramener le débat politique dans la rue. A l’opposition, ses collègues du G7, de l’UDPS et autres se sont emparés de cette affaire qui leur apportait de la matière pour se victimiser, mais qui a raté puisque Fayulu en a eu pour quelques heures de garde-à-vue (reporté en semi-direct sur RFI !).
Il n’empêche que l’affaire Fayulu, comme beaucoup d’autres du même genre, dans lesquelles des élus siégeant à l’assemblée nationale dédaigne ce haut lieu des débats sur le devenir de la nation pour investir la rue, n’est pas sans poser des problèmes d’éthique.
D’abord, parce que l’immunité dont sont revêtus députés et sénateurs tire sa pertinence de leurs prestations à l’hémicycle, au nom de leurs électeurs et donc de la nation rd congolaise. Et non d’un quelconque investissement dans l’agitation des communautés, pour ou contre les pouvoirs établis, à Kinshasa ou en provinces. Il semble qu’il y ait à cet égard un choix à opérer, que les élus n’osent pas faire : choisir entre s’exprimer à l’assemblée ou au sénat ; ou démissionner et retourner à la rue, mobiliser ses électeurs.
Ensuite, parce que dès lors qu’un élu siégeant régulièrement à l’hémicycle, l’unique lieu indiqué pour débattre des questions nationales pour s’en remettre à la rue à des fins qui dépassent la simple information politique, cela pose problème quant au statut constitutionnel reconnu aussi bien au parlementaire qu’à ces pensionnaires. L’immunité parlementaire doit-elle protéger des délits de droits communs réprimés par la loi ?
La réponse à ses observations règle l’affaire Fayulu, et beaucoup d’autres avant elle : elle permet aussi de comprendre que la troupe se soit emparé d’un énergumène qui s’apprêtait à mettre le feu à la baraque, député fût-il.
J.N.