Annoncée depuis plusieurs jours, la démission du 1er vice-président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), alimente la controverse politique à Kinshasa. Désigné à la plénière de l’administration électorale pour le compte du parti présidentiel, le PPRD, André Mpungwe ne s’est sans doute jamais douté du soutien de l’opposition qui dénonce son départ. Certes, en RD Congo, la classe politique n’a jamais brillé par la cohérence et la rationalité de ses prises de position. Mais le cas Mpungwe a de quoi surprendre plus d’un. Les opposants ont pris le parti de dénoncer une démission pourtant justifiée par des raisons de convenance personnelle qui semble déranger, parce André Mpungwe aurait été contraint de rendre le tablier par sa famille politique pour des raisons non avouées consistant à bloquer la machine pour favoriser le « glissement », selon ses nouveaux défenseurs.
Tentative pour glisser, selon l’opposition
A l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), Vital Kamerhe est monté sur ses grands chevaux pour dénoncer avec virulence une stratégie destinée à retarder le processus électoral, et donc conduire à l’éventualité du prolongement du mandat de Joseph Kabila à la tête de l’Etat qui hante une partie de la classe politique nationale.
Même son de cloche du côté de Martin Fayulu Madidi qui, sur les antennes de la radio onusienne Okapi, dimanche 1er novembre 2015, accusait la majorité présidentielle d’embrigader la centrale électorale. « Il faut dire les choses comme elles sont. On l’a contraint à démissionner. C’est le pouvoir kabiliste qui a demandé à M. Mpungwe de démissionner. Nous pensions que la Ceni était indépendante et neutre. La majorité kabiliste vient de démontrer que c’est elle qui contrôle la Ceni », s’est écrié ce président d’un petit parti politique kinois (l’Ecidé, 2 députés nationaux).
Un jour plus tôt, samedi 31 octobre 2015, le G7, ce groupe de frondeurs de la majorité présidentielle passé à l’opposition il y a peu, a plongé dans les mêmes eaux peu claires. Dans un communiqué signé par l’octogénaire Charles Mwando Simba, le groupe avait dénoncé aussi bien la démission du 1er vice-président de la Ceni que le communiqué de la majorité présidentielle enjoignant les membres du groupe G7 dans la plénière de la CENI au titre de la majorité de libérer leurs postes qui reviennent de droit à cette dernière. « La majorité présidentielle poursuit ainsi son plan de désacralisation des institutions et d’instrumentalisation de la République pour s’éterniser au pouvoir », pouvait-on lire dans un communiqué rendu public par les transfuges du G7 sous la signature de Mwando.
Une CENI politisée dès la conception
Ce que ces acteurs politiques rd congolais tentent de dissimuler à l’opinion, c’est que dès le départ, la structure de la centrale électorale rd congolaise a été voulue politique par la loi y relative votée au parlement, donc par la classe politique elle-même. C’est pour se rassurer les uns et les autres que la nouvelle commission électorale s’est vue coiffée par une plénière (budgétivore à souhait), composée de représentants de toutes les forces vives du pays (majorité, opposition, société civile). La majorité présidentielle, l’opposition parlementaire et la société y siègent selon un schéma précis de quotas convenus à l’avance par tous.
La démission du premier vice-président de la Ceni, ainsi que les autres qui sont attendues ne dérangent donc pas tout le monde. Pas la majorité présidentielle, en tout cas, qui récupérerait à bon droit les postes stratégiques qui faisaient de la CENI une affaire du MSR, le parti politique frondeur de Pierre Lumbi Okongo, l’ancien conseiller spécial en matière de sécurité du Chef de l’Etat qui avait littéralement fait main basse sur la plupart des postes en se dissimulant derrière « des instructions du Chef de l’Etat, autorité morale de la majorité ». C’est la perspective de ce dégommage qui, en réalité, dérange Charles Mwando Nsimba et ses amis. Les frondeurs de la majorité avaient manifestement réussi à phagocyter sensiblement la centrale électorale.
L’Udps/Tshisekedi peut y trouver son compte
Mais il n’y a pas que la majorité présidentielle qui gagnerait dans une restructuration de la plénière de Ceni. L’autre opposition aussi, celle du vieil opposant Etienne Tshisekedi, qui y placerait avec plaisir l’un ou l’autre de ses pions. La restructuration de la centrale électorale compte, depuis la nuit des temps, parmi les exigences de l’UDPS.
Les démissions de la CENI expriment une ouverture de la majorité présidentielle vers l’opposition extra-parlementaire, essentiellement tshisekediste donc. Et cela n’arrange manifestement pas les Kamerhe, Mwando Nsimba, et de nombreuses autres petites pointures de l’opposition parlementaire. Elles annoncent, à maints égards, l’imminence d’un dialogue politique qui réglerait, entre autres, les nombreux problèmes posés par la gestion du cycle électoral.
J.N.