En visite au siège de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) jeudi 1er mars 2018, une délégation de l’UDPS/Limete de Félix Tshilombo Tshisekedi conduite par Augustin Kabuya, le porte-parole du parti, complétait la séance de sensibilisation sur la machine à voter organisée à l’intention de la délégation par le dépôt d’un questionnaire. Cette formation politique, qui avait déjà crié sur tous les toits son refus de la nouvelle technologie d’impression directe des votes émis introduite dans le processus électoral par l’administration électorale avant même de l’avoir connue, vantait ce dépôt de pas moins de 45 questions à la centrale électorale. L’opération, très médiatisée, visait à confondre la CENI en démontrant que la machine à voter n’était rien d’autre qu’un artifice destiné à favoriser la tricherie aux scrutins du 23 décembre 2018, au profit, bien sûr, de la majorité au pouvoir.
Le 23 juillet 2018 la commission électorale a formellement répondu aux 45 questions de l’UDPS/Limete à travers un document de 13 pages format A4, comprenant également des croquis et des dessins qui n’en facilitent que mieux la compréhension, même par un enfant. Mais, aussi curieux que cela puisse paraître, Félix Tshilombo Tshisekedi et ses amis se sont abstenus de communiquer ces réponses à un questionnaire pourtant bruyamment vanté à la base électorale et à l’opinion publique. Tout se passe comme si les responsables de ce parti tenaient à faire des explications de la CENI un privilège réservé à quelques rares initiés. Ou, pire, à éviter que les « combattants » chauffés à blanc par une rhétorique belliqueuse à souhait contre l’ingénierie sud-coréenne d’inspiration rd congolaise ne se rendent compte des faussetés distillées à longueur de journées par ces acteurs politiques.
Le questionnaire adressé par l’UDPS/Limete à la CENI est scandaleusement révélateur des ignorances dans la direction du parti, au sujet de la machine à voter en particulier, voire des élections autant que de la conduite des affaires d’Etat en général. L’arsenal interrogateur transpire comme une sorte de nivellement par le bas qui se traduit, par exemple, par ces trois questions distinctes portant sur le fabricant, l’adresse et le fournisseur de la machine à voter. « N’importe qui aurait pu obtenir ce type de réponse en interrogeant le 1er moteur de recherche internet venu », s’étonne cet ancien du parti qui a préféré virer vers l’aile Mubake, dite UDPS/Le Peuple. Ou encore par cette question relative à « la possibilité pour le témoin qui le désire de mettre un signe distinctif sur la machine après le vote » (question n° 25), qui atteste du fait que chez Tshilombo et ses amis, personne ne s’est souvenu du fait que la loi électorale (votée au parlement et publiée au Journal officiel de la République !) interdit ‘expressis verbis’ aux témoins de s’immiscer dans la gestion et le fonctionnement du bureau de vote et de dépouillement ainsi que du matériel et des documents électoraux (article 40, al. 2).
En réalité, il en va de la machine à voter comme du serveur central, accusé avant les scrutins électoraux de 2006 et 2011 de toutes les sorcelleries bantoues imaginables. La seconde partie du questionnaire signé par Augustin Kabuya est révélatrice de toutes les charges psychologiques et sociales qui entourent le problème de la machine à voter. Elle se réduit en tout et pour tout à 7 questions : Pourquoi la machine à voter n’est-elle pas prévue dans le processus électoral ? ; Quel est le fondement juridique ou l’élément légal homologuant la machine à voter ? ; Quelles sont les modalités prévues pour respecter la discrétion du vote ? ; Quid de la procédure d’appels d’offres ? ; Quelle est la valeur juridique du vote exprimé et comptabilisé automatiquement par rapport aux résultats du vote manuellement compilé ? ; En cas d’écart entre les données électroniques et les données manuelles, lesquelles seront prises en compte ? ; En cas de contestation née de l’écart entre le « vote électronique » (sic !) et le vote manuel, lequel des procès-verbaux sera affiché devant les bureaux de vote ?
Sur ces interrogations qui résument les suspicions autour de la machine à voter, l’administration électorale n’a pourtant pas cessé de communiquer avec clarté depuis des lustres à travers ses nombreuses campagnes de sensibilisation à Kinshasa comme dans l’arrière-pays. Ce sont les mêmes réponses, passablement connues donc du grand public, qui ont été transmises à l’UDPS/Tshisekedi de manière particulière. Mais rien n’y fait. Le problème ne réside donc pas dans la machine à voter en tant que tel, de toute évidence. Il consiste à multiplier des prétextes pour discréditer à l’avance l’ensemble d’un processus électoral dont on ne veut pas, à l’UDPS/Limete comme un peu partout dans les travées de l’opposition radicale. Interrogé la semaine dernière par les médias sur les réponses obtenues de la CENI, Jean-Marc Kabund, l’inénarrable secrétaire général du parti de Félix Tshilombo a préféré ajouter des nouvelles préoccupations plutôt que de se prononcer sur celles de 1er mars 2018. « Il y a des imprimantes qui peuvent imprimer à distance. Quand vous vous connectez à partir du système Bluethoot, on peut télécommander une impression et l’imprimante vous imprime le document. Nous avons voulu savoir si la machine à voter ne répond pas à cette technologie, et quels seraient les risques dans ce cas. La CENI n’a pas répondu … », a-t-il déclaré au micro de Top Congo FM. Un mensonge cousu de fil blanc parce que la réponse à cette question existe bel et bien dans la réaction de la CENI. A la question de savoir s’il existe des garanties que le fichier ne sera ni effacé ni accessible en l’absence des représentants des partis politiques, la réponse de la CENI qu’« il y a un fichier log qui trace toutes les actions effectuées sur la machine (démarrage, mise en arrêt, authentification d’utilisateur, différentes exceptions survenues, ouverture du vote, clôture du vote,…). Mais aussi que la « garantie qu’ont les partis politiques est que toutes les opérations effectuées sur la machine à voter sont faites devant les témoins des partis et observateurs et laissent des traces imprimées qu’ils peuvent signer ». De même que lors que l’UDPS/Limete s’inquiète de savoir si la machine à voter est accessible par voie d’Internet et par qui ? Il lui est répondu que la « machine à voter n’est pas accessible par internet. Elle fonctionne en mode non connectée. Pour la transmission des documents électoraux après dépouillement de l’urne, scannage et impression des procès-verbaux, il est prévu une connexion ponctuelle au réseau intranet de la CENI et dans ce cas, la machine ne fonctionne que comme terminal client qui ne sert qu’à envoyer (transmettre de manière unidirectionnelle et sécurisée) les documents cryptés vers le serveur central et ne peut rien recevoir » (Lire l’ensemble de ces réponses en attachement). La théorie de Kabund au sujet d’une possibilité d’impression à distance n’est valable que si tous les électeurs congolais et leurs témoins étaient aveugles et ne savaient pas vérifier le contenu des bulletins qu’ils seront appelés à déposer eux-mêmes dans l’urne.
La stratégie de la « terre brûlée » pour empêcher le déroulement des scrutins semblent ainsi se préciser au sein de l’opposition radicale. Mais elle ne peut tenir la route que si, et seulement si, les « combattants » sont maintenus dans l’ignorance du fonctionnement de la machine à voter. C’est ce que l’UDPS/Limete fait en se gardant de rendre publiques les éclairages transmis par la CENI, converties en savoir ésotérique. Une autre forme de sorcellerie bantoue.
J.N.
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