L’enfer du grand Nord, qui dure depuis quatre ans maintenant, tend manifestement vers son épilogue. Les tueries des civils innocents à l’arme blanche dans les villages éloignés de Beni rural ont résolument fait place aux affrontements aux armes légères et lourdes entre les FARDC et des bandes armées identifiées comme des terroristes ADF, théoriquement dirigées par d’anciens rebelles ougandais présents dans la région, notamment en pleine agglomération de Beni, depuis plusieurs décennies. Les témoins de ces événements sanglants notent que les assaillants, vêtus des mêmes treillis que ceux de l’armée nationale, se dissimulent de moins en moins. Ils estiment sans doute que « le fruit est suffisamment mûr pour tomber », selon l’expression d’un activiste local des droits l’homme faisant allusion à l’infiltration de certains cercles d’influence locaux par les auteurs intellectuels de cette offensive et au travail de sape du moral des populations Nande qui ont accompagné les tueries du Grand Nord Kivu. Dans la région de Beni-Butembo-Lubero, les esprits sont chaque jour un peu plus préparés à une révolte d’envergure contre l’autorité établie « qui ne fait rien pour arrêter ces tueries à moins d’en être elle-même l’initiatrice », selon la stratégie bien connue des « printemps » arabes qui fait tant parler d’eux il y a peu en Libye, en Tunisie et en Egypte. Une stratégie qui, on le sait aujourd’hui, fut savamment préparée et mise en œuvre par des agents d’influence à partir de certains pays occidentaux soucieux de provoquer des bouleversements géopolitiques dans le but de maintenir ces pays et leurs ressources sous leur contrôle.
L’attaque surprise des quartiers périphériques de la ville de Beni, le 22 septembre 2018, a fait apparaître au grand jour ce qui était en gestation dans la région depuis plusieurs années : l’exacerbation des atavismes ethniques locaux relégués aux oubliettes depuis la fin des mouvements rebelles dans la première moitié des années 2.000.
Campagnes sur un complot d’extermination des Nande
Des montagnes de Lubero aux vallées de Beni en passant par Butembo, le poumon économique de cette partie de la province du Nord-Kivu surnommée le Grand Nord, les populations ont été ciblées par des campagnes visant à les convaincre de l’existence de complots visant leur extermination, ourdies par ou à partir de pays voisins, ou mis en œuvre par le pouvoir central à Kinshasa avec la complicité desdits pays voisins. La riposte à l’épidémie de fièvre à hémorragique à virus Ebola qui frappe la région depuis deux mois a été ralentie en raison de ces convictions ressassées à longueur de journées par des leaders d’opinions locaux manifestement payés pour relayer ces campagnes littéralement suicidaires. Un député de l’opposition élu de la ville de Butembo s’est permis ainsi de prendre personnellement la tête d’une véritable campagne d’intoxication, aussi dangereuse que l’épidémie elle-même, dans laquelle la population était invitée à « ne pas se laisser exterminer par les vaccins venus de Kinshasa » (sic !). Il suffit de transposer ce fait réel et incontestable (le clergé catholique local a dû donner de la voix pour éviter que les populations ne se laissent effectivement exterminer en écoutant ce criminel en col blanc dont on se demande pourquoi la justice ne s’est pas encore occupée !) sur le terrain militaire pour se faire une idée de la difficulté de la tâche pour les troupes loyalistes et les casques bleus de la brigade internationale de la Monusco qui œuvrent à enrayer le phénomène ADF à Beni et ses environs. A force d’ingurgiter des interprétations manipulées de cette offensive terroriste, les populations Nande qui peuplent majoritairement Beni-Butembo-Lubero en sont venues à douter aussi bien de l’existence des ADF et de leur malfaisance.
Rumeurs de transplantations de populations étrangères
Après l’attaque qui a fait une vingtaine de victimes, parmi lesquelles quatre éléments FARDC à Beni, des informations attribuées à une radio locale ont fait état de la présence de femmes et d’enfants dans les rangs des assaillants-tueurs. Même s’il est raisonnablement difficile d’admettre que des combattants traînent leurs familles dans des affrontements aussi durs, leur faisant ainsi courir le risque d’y trouver la mort, la rumeur fait incroyablement fureur ici. Parce qu’elle conforte les accusations faisant état de projets de « transplantation forcée » de « populations étrangères » dans la région. « Les vrais rebelles ADF, auteur de toutes les exactions que subissent les populations mais qui n’ont jamais ouvertement manifesté des ambitions territoriales semblent ainsi de plus en plus tolérés », explique aux rédactions du Maximum un vieil observateur de la situation politique dans la région. Ces convictions véhiculées depuis quatre ans se nourrissent d’anecdotes régulièrement réchauffées au fil du temps dans les réseaux sociaux qui les attribuent fallacieusement à des « témoins oculaires » que personne n’a jamais vu et ne verra sans doute jamais. Ainsi se répandent des « informations » que nul ne songe à vérifier mais qui renforcent la panique parmi la paisible population du grand Nord Kivu…
Dans la foulée de ces rumeurs qui ont tenté d’expliquer les derniers exploits macabres des tueurs de Beni, une prétendue ONG locale dénommée CRDH, a donné corps et crédit à de graves accusations mettant en cause la hiérarchie FARDC dans les difficultés rencontrées par les troupes loyalistes dans cette guerre asymétrique que livre à la République Démocratique du Congo les terroristes ADF. Cette organisation attribue en effet à « un militaire » non autrement identifié les propos selon lesquels « si seulement on exposait tous les corps des militaires qui meurent à cause de ce phénomène ADF-NALU, Beni se serait déjà vidé de sa population car nous sommes les premières victimes. Nous-mêmes militaires ne comprenons pas comment un ADF peut être habillé de nos gilets pare-balles et de nos casques et disposer d’une artillerie plus lourde que la nôtre ». Et d’ajouter, prétendant citer ce soldat inconnu dont le CRDH de Me Jean-Paul Paluku Ngahangondi conserve jalousement l’identité que « en plus, lorsqu’on nous amène des renforts en provenance d’autres provinces, une ou deux semaines après ceux-ci disparaissent pour rejoindre le camp ennemi. Somme toute, c’est le gouvernement qui nous fait tuer ».
L’apport négatif des leaders d’opinions
Jean-Paul Paluku Ngahangondi se garde bien d’élaborer et de documenter les « révélations » de son ONG. Probablement parce que les publications dont il arrose les réseaux sociaux et les médias proches de l’opposition congolaise radicalisées ne sont pas destinées à convaincre quiconque au-delà des terres Nandes, qu’elles visent. Et qui se révèlent plutôt réceptives : « Tu ne comprends donc rien ? On nous chasse de nos terres. On y installe des ethnies « étrangères ». Voilà la réalité. C’est ce qui explique la présence des enfants et des femmes parmi les égorgeurs », explique cet internaute de Beni à un interlocuteur en ligne, également de la région. Même si à ce jour, il n’existe pas le moindre commencement du début de preuve de cette prétendue transplantation de populations dans la région, en cette époque où un simple appareil de téléphone peut expédier d’excellentes images mises en scène à travers le monde par un simple clic, rien n’est plus facile à faire accréditer que de telles sornettes. Et depuis ces quatre dernières années, les réseaux d’influence généreusement stipendiés par les « balkanisateurs » de la RDC s’en donnent à cœur joie.
Le fruit semble donc mûrir peu à peu, dans la région de Beni-Butembo-Lubero où des groupes de plus en plus nombreux de gens ainsi manipulés poussent à une sorte de « printemps Nande», une révolte populaire « irrépressible » dont des tireurs de ficelles tapis dans l’ombre des tueurs récupéreront opportunément les conséquences en temps voulu. Au lendemain de l’attaque du 22 septembre, un chef de quartier de la ville de Beni a carrément incité des jeunes de la commune urbaine de Rwenzori à la révolte, les poussant à incendier les bureaux de quartier à Kasabinyole et à Boikene. Des incidents qui ont éclaté alors que la société civile locale avait décrété, 24 heures plus tôt, une grève générale de 5 jours en guise de protestation … contre l’autorité publique « passive et complice » des ADF dont personne ne parlait plus pratiquement.
Le fruit est mûr pour la révolte
Mercredi 26 septembre, un groupe d’étudiants avait tenté d’organiser une manifestation publique de requiem en mémoire des morts du 22 septembre 2018, que la police a dispersé.
Jeudi 27 septembre, le CRDH de sieur Paluku Ngahangondi diffusait un communiqué dénonçant ce qu’elle présentait comme une apathie coupable des forces armées gouvernementales face à l’attaque, lundi 24 septembre d’Oïcha par les ADF. « L’armée régulière FARDC n’a rien fait jusque maintenant pour tenter d’effectuer la recherche de ces citoyens portés disparus », avançait crânement cette ONG qui estimait que les forces régulières auraient dû, pour être jugées crédibles « lancer immédiatement une opération commando pour libérer ces citoyens et donner une leçon exemplaire à cette bande des bandits ». Comme si pareille opération commando lancée sans préparation en pleine agglomération populeuse n’était pas elle-même de nature à mettre encore plus en danger les populations otages des terroristes qui n’auraient pas hésité un seul instant à les assassiner s’ils se sentaient menacés…
A Oïcha, le chef-lieu du territoire de Beni-rural situé à une trentaine de kilomètres de Beni Ville, une tentative de soulèvement populaire a échoué de justesse dès le lendemain de la publication des « éclairages populistes » du CRHD de Jean-Pierre Paluku alors que la localité venait de faire les frais d’une attaque qui y avait causé deux morts et enregistré des enlèvements de plusieurs personnes quelques jours plus tôt. Des manifestants portant les corps des victimes tentaient de se rendre au campement de la MONUSCO après avoir déposé leurs morts à la morgue locale lorsque la police avait dû les disperser à l’aide de grenades lacrymogènes, rapportent des sources dans la société civile d’Oïcha qui déplore que les forces de sécurité au lieu de se concentrer sur un ennemi aussi déterminé, soient littéralement distraites par ces agitations inconsidérées.
Succession de manifestations
A Butembo, à 50 km de Beni, une autre ONG, féminine celle-là, avait dénoncé « la complicité des autorités de la RD Congo dans les tueries de Beni ». Carrément. Au cours d’une manifestation publique, jeudi 27 septembre 2018, la Dynamique des Femmes pour la Bonne Gouvernance, avait clôturé sa marche à travers les rues de la capitale économique du Grand Nord Kivu par une déclaration tonitruante devant la presse : « Nous ne nous empêchons pas de croire qu’il y a une complicité même dans les institutions congolaises. 18 civils ont été tués mais aucun cadavre des assaillants n’a été présenté, ce qui prouve que ces derniers agissent en toute liberté », avaient assuré la porte-parole de l’organisation.
Et vendredi 28 septembre, une colonne de manifestants conduite par le député Crispin Mbindule, de l’opposition proche du Moïse Katumbi, candidat invalidé à la prochaine élection présidentielle, avait été stoppée par la police à l’entrée de Beni. Elle affirmait vouloir se rendre dans la ville dans le but d’exprimer leur compassion à l’égard des populations endeuillées par l’attaque ADF du 22 septembre 2018. Sans se rendre compte que les terroristes qui continuent d’endeuiller cette partie du Nord-Kivu pouvaient en profiter pour provoquer plus de désordres.
Ainsi se sont préparés les printemps dits arabes dont on sait aujourd’hui qu’elles n’eurent rien de spontané, contrairement à ce que les médias dits globaux avaient tenté de faire croire à l’opinion.
Dans la région de Beni-Butembo-Lubero, des activistes de tous acabits s’affairent à chauffer les esprits de paisibles populations pour les pousser à une révolte suicidaire pour elles-mêmes, dans le but d’affaiblir autant que possible les institutions et les technostructures sécuritaires et militaires du pays de Lumumba. Au vu et au su de tout le monde.
J.N.