L’entretien accordé par le Chef de l’Etat à la presse à Kinshasa le 26 janvier 2018 n’arrêtera sûrement pas de faire couler encre et salive de sitôt. Au plan interne, les recadrages de Joseph Kabila ont provoqué des réactions acérées, à commencer par les princes de l’église catholique, qui n’ont pas attendu longtemps pour sortir de leur réserve. Le cardinal-archevêque de Kinshasa Monsengwo a ainsi fait état de son « dégoût » face à la « logorrhée » du chef d’Etat le plus taiseux que le pays ait jamais connu pendant que son neveu, l’abbé Donatien Nshole s’abritait derrière des propos mal à propos du Pape Benoît XVI pour justifier l’activisme politicien de son oncle et mentor.
Chez les politiques, c’est l’UNC Vital Kamerhe qui s’est précipité de réagir aux propos de Joseph Kabila, un peu pour damer le pion à ses tout nouveaux collègues de l’opposition radicalisée rangée derrière Monsengwo, sans doute. Mais à en juger par la prestation de l’ancien speaker de l’Assemblée Nationale pour le compte du parti présidentiel, et les réactions qu’elle suscite, on ne peut pas prétendre que quelque cause que ce soit y ait gagné au change. La réaction d’un internaute, pourtant proche de l’opposition, samedi dernier aussitôt le speech de Kamerhe largué sur les réseaux sociaux, peut être assimilée à l’avis général de l’opinion : « Kamerhe est en lui-même un gros mensonge… », a-t-il posté. Sans doute avant de zapper le discours de l’auteur d’un ouvrage resté célèbre depuis sa publication en 2006, Pourquoi j’ai choisi Joseph Kabila.
La dernière sortie de VK avait pour vocation d’étaler ce que le modérateur de l’opposition politique au dialogue de la cité de l’OUA en septembre 2017 présentait pompeusement comme « les 10 mensonges de Joseph Kabila ». Mais il faut une bonne dose de cran pour digérer les assertions kamerhistes sur son ancien mentor. En guise d’introduction, il gratte sur une corde sensible en déplorant les décès survenus au cours des manifestations convoquées à l’initiative du Comité Laïc de Coordination (CLC) les 31 décembre 2017 et le 21 janvier 2018. Fin manipulateur, le patron de l’UNC tente d’émouvoir, c’est plus facile d’endormir tout sens critique, espère-t-il. Seulement, l’homme soutient des inexactitudes avérées et la pilule ne passe pas chez tout le monde. Non, parce que Kamerhe fait état d’une dame (qu’il est incapable d’identifier outre mesure) « … qui a reçu une balle dans la tête devant l’église Saint Dominique de Limete », dont tout le monde sait qu’elle n’est jamais morte parce qu’elle n’avait jamais reçu de balle dans la tête du tout. C’est ça, Vital Kamerhe. « L’homme est tout sauf un diseur de vérité », commentait samedi dernier un ancien cadre de l’UNC parti voir ailleurs depuis plusieurs mois.
S’il a cru pouvoir profiter de la sortie médiatique du très réservé Joseph Kabila pour tenter de relever la tête enfouie dans le discrédit des acteurs politiques de l’opposition en général, Vital Kamerhe n’aura sûrement pas réussi son coup. Sans doute préoccupés et soucieux d’entretenir une unité retrouvée de façade, ses pairs de l’opposition se sont jusque-là gardés de commenter la sortie précipitée de VK. Mais pas ceux de la majorité présidentielle. Thierry Monsenepwo de la CCU, un jeune acteur qui a le vent en poupe depuis plusieurs mois et étonne plus d’un par la justesse de ses jugements et interventions sociales, a donné la réplique au patron de l’UNC. Une réplique plutôt bien sentie, qui résume VK en « 11 mensonges ».
Kamerhe a parlé de « cinq ans de mutisme du Président Kabila » ? Faux, rétorque Monsenepwo : le Président de la République s’adresse à la Nation chaque année devant le parlement réuni en congrès. Un petit calcul mental, et le mensonge est éventré : Joseph Kabila a prononcé 5 discours sur l’état de la Nation depuis 2011.
« La constitution est l’œuvre de nous tous et non du Président Kabila » a encore raconté VK à ses affidés ? Le Président de la République n’a jamais affirmé qu’il avait confectionné à lui tout seul le texte fondamental qui régit la vie publique en RD Congo, devenue une œuvre commune après son adoption par plus de 85 % de ses compatriotes. Joseph Kabila a rappelé qu’il était peut-être le seul parmi ceux qui prétendent défendre la constitution à avoir sillonné le pays pour battre campagne en faveur de son adoption. Au même moment où beaucoup d’autres, notamment les princes de l’église catholique, appelaient au boycott.
« Kabila est à l’origine de la non-tenue des élections » ? T. Monsenepwo accuse VK de fausseté et de méconnaissance de l’histoire, et lui rappelle qu’il avait personnellement demandé que tous les moyens soient mis en œuvre pour combattre le M23 en 2012. Si l’affectation des ressources financières du pays à la guerre contre la dernière-née des rébellions pro-Kigali est à la base du retard enregistré dans l’organisation des élections à l’échéance prévue par la constitution, Vital Kamerhe compte parmi ceux qui l’ont encouragée et soutenue.
« Le pays se porte plus mal aujourd’hui qu’hier » ? Slogan facile, récurrent et maintes fois ressassé sous le mobutisme finissant. Monsenepwo rappelle, non sans pertinence, à VK qu’en 2001, le budget de l’Etat se chiffrait à 700 millions USD. Aujourd’hui, il s’élève à 7 milliards. La même année, le cadre macro-économique était inexistant, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Dans la même période, le PIB par habitant de la RD Congo était le plus des pays francophones. Aujourd’hui il est le plus élevé.
Décidément, plus menteur que Kamerhe, tu meurs.
J.N.
Ci-après, l’intégralité de la réplique de Thierry Monsenempwo.
Les 11 mensonges de Vital Kamerhe
1. « Les 5 ans de mutisme du Président Kabila » : il ne faut pas confondre un point de presse au fait qu’un président s’adresse à son peuple. Le chef de l’état le fait chaque année devant le congrès. Si mutisme est lié en une absence des points de presse, c’est qu’il faut le redéfinir.
2. « La constitution est l’œuvre de nous tous et non du Président Kabila » : lors de son point de presse le chef de l’état a bien dit qu’il a sillonné la République pour battre campagne du OUI. Et non qu’il a confectionné à lui seul cette œuvre. Certes après l’adoption ça devient une œuvre plurielle mais au moment de la faire accepter par le peuple, on sait qui a milité pour le NON.
3. « Kabila origine de la non tenue des élections » : fausseté et méconnaissance de l’histoire et pourtant le même candidat malheureux, avait en 2012 demandé que tous les moyens soient mis en œuvre pour combattre le M23. Et cette mobilisation des recettes contre cette guerre est en majorité cause de la non-tenue à bonne date des élections.
4. « Le pays se porte plus mal aujourd’hui » : oui effectivement. En 2001 le budget de l’état est à 700. Millions aujourd’hui il est à 7 milliards. Le cadre macroéconomique n’existait pas aujourd’hui on est classé en bonne position dans le dernier Doing Business. Le PIB était le dernier des pays francophones aujourd’hui nous en sommes à la première place.
5. « Kabila homme seul » : Ah bon? Si être homme seul c’est faire de la réciprocité diplomatique à la Belgique, alors vaut mieux en lieu et place de finir comme les amis de la Belgique, c’est à dire tués comme Lumumba, rester loin de ces cousins mais en bon terme avec les vrais amis du Congo qui, eux nous respectent.
6. « Choisir entre démocratie et développement » : est-il interdit de réfléchir sur les moyens d’amenuiser un processus trop coûteux? N’est ce pas qu’en réfléchissant, plus le nombre d’électeurs augmentera plus on dépensera plus? On est passé en 6 ans de 587 millions à 1. Milliard deux cents millions. Le développement a besoin de fond et si on peut en imputer un peu à un processus onéreux en changeant certains modes où est le mal?
7. « Le changement de l’homme congolais » : c’est une question liée à une certaine mentalité que nous devons abandonné et c’est le constat de tous.
8. « Les forces de l’ordre n’ont pas rétabli l’ordre »: Ah bon ? Mais comment expliquer qu’une manifestation non autorisée ait été muselée ? Alors que le but était de créer le désordre ? L’ordre a été rétabli par la police et nous en sommes fiers.
9. « Le CLC seul vrai responsable des morts » : en refusant de rencontrer les autorités urbaines dans le but de tracer l’itinéraire de la marche, en utilisant des jeunes qui ont attaqués des policiers, ce comité est responsable des morts mais aussi dés blessés.
10. « L’église doit se mêler de la politique selon le pape » : quand est-ce que le pape l’a dit? Alors dans ce cas ayons des cardinaux candidats présidents de la république pendant qu’on y est! C’est le droit canon qui régente l’église et la marche des princes de l’église et non des impressions et interprétations.
11. « Kabila ne veut pas quitter le pouvoir »: et pourtant le Chef de l’Etat a confirmé la tenue des élections cette année tout en se félicitant des avancées enregistrées par la CENI. Pourtant plusieurs leaders de l’opposition se penchent vers un 3ieme dialogue et le report des élections en créant des scénarios de crise tantôt avec les belges ou encore avec le CLC.
T. Monse.