Le vice-président de la RD Congo de 2003 à 2006, arrivé 2ème au terme de la présidentielle de 2006 avant de se faire harponner par la Cour Pénale Internationale pour les crimes commis par ses troupes en République Centrafricaine s’est rappelé à la mémoire de l’opinion. Dans un message signé à partir depuis la prison de La Haye, lundi 30 octobre 2017, Jean-Pierre Bemba Gombo, qui a rang et qualité de sénateur selon la constitution, recadre l’ensemble des acteurs politiques de son pays, se positionne dans le décor à planter d’ici les prochaines échéances (qu’il veut électorales) et sans doute ce qui lui reste de fidèles au sein du Mouvement de Libération du Congo.
Trop vite enterré
Tout se passe comme si le président du 1er parti politique de l’opposition issue des scrutins de 2006 appelait les acteurs politiques de la RD Congo, ceux de l’opposition particulièrement, à ne pas trop vite enterrer l’ex. chef rebelle condamné à 18 ans de bagne la CPI. C’est le cas depuis les tribulations qui ont abouti aux dialogues de la Cité de l’OUA et du Centre catholique interdiocésain de Kinshasa, où le MLC et son chairman ont été réduits à la portion congrue. Le partage du pouvoir entre l’opposition politique et la majorité au pouvoir ont été et sont envisagés dans un schéma bipolarisé où la coalition UDPS/G7 Katumbi accapare le haut du pavé. Un peu trop vite et trop facilement sans doute pour JPB, dont le message semble destiné à bousculer ce schéma qui néglige ce que le MLC et lui-même représentent sur l’échiquier politique national. Son message, ce n’est ni aux leaders de l’opposition politique (tout en appelant à l’unité de l’opposition !), ni à ses adversaires supposés de la majorité présidentielle que JPB l’adresse, mais à l’opinion nationale et aux populations de la RD Congo : « Je lance un appel à tous les Congolais (…) au nord comme au sud, à l’est comme l’ouest … », écrit en substance JPB, comme pour indiquer qu’il ne dépend et n’en réfère à personne en dehors de son propre leadership, même incarcéré.
Respect de la constitution
L’unité de l’opposition à laquelle appelle le chairman du MLC est conditionnée : au respect de la constitution et des acquis de la démocratie, ainsi qu’à l’autonomie et à l’indépendance de chaque parti politique. C’est tout un manifeste en deux trois phrases, qui exclut tout schéma autre que démocratique et électoral. La coalition de l’opposition, version JPB, c’est « … pour revendiquer une alternance démocratique », c’est-à-dire, tout le contraire d’une quelconque transition politique, telle que la prônent les thuriféraires de l’opposition radicale réunis sous le label du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement/Limete du tandem Moïse Katumbi – Félix Tshilombo Tshisekedi. Pour JPB, point de table rase constitutionnel. Il faut défendre la constitution et les acquis de la démocratie, plus tôt que le contraire. Des acquis qui, pour lui, plongent leurs racines dans les Accords de Lusaka de 1999 et de Sun City de 2002, qu’il considère comme les lieux marquants où les Congolais ont acté que «plus jamais en RDC, il ne devrait y être tolérée une dictature, plus jamais il ne devrait s’y exercer un pouvoir illégitime». Et un pouvoir consensuel, tel le suggérait lundi dernier encore Félix Tshilombo Tshisekedi, n’est guère différent d’un pouvoir illégitime. La coalition à laquelle appelle JPB « … devrait plutôt être une mobilisation nationale pour défendre la constitution de la République et les acquis de la démocratie. Les forces sociales et politiques concernées devront s’organiser pour avoir un objectif commun, une parole commune et mener des actions concertées. Il demeure entendu que chaque force sociale ou politique devra conserver son autonomie ainsi que son identité. L’heure n’est plus aux tergiversations, prenons nos responsabilités. Nous devons tout faire pour restaurer la dignité du peuple congolais. La République démocratique du Congo doit cesser d’être la risée du monde», fulmine le chairman du MLC. Pour qui cette mobilisation ne se justifie pas par quelque usurpation de pouvoir que ce soit au sommet de l’Etat, mais par le fait que «La CENI à qui nous avons délégué l’organisation matérielle des élections semble faire obstacle par des manœuvres à ce processus au profit d’un groupe des personnes plongeant ainsi notre pays dans une incertitude totale». Encore que l’ex. chef rebelle prenne quelque soin à mettre des gants avant d’accuser formellement la une commission électorale que tous avaient mis en place : elle « … semble faire obstacle … », écrit-il, s’abritant ainsi derrière une supposition plutôt qu’une affirmation tranchée.
Mise en garde au MLC
Le dernier message de JPB s’entend aussi comme une mise en garde et une ligne de conduite adressée à ses troupes en RD Congo, auxquelles il recommande de préserver l’autonomie et l’identité du parti. C’est-à-dire, de ne guère se laisser embarquer dans des coalitions politiques de type G7 ou encore Rassop.
La coalition de l’opposition, à l’idée de JPB, c’est une union dans la diversité pour poursuivre des objectifs conformes à la constitution. Pas une fusion pour fondre la constitution et les acquis de la démocratie.
J.N.