Le 1er ministre Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge a convoqué en urgence samedi 22 mai 2021 quelques membres du gouvernement à la suite de l’éruption du volcan Nyiragongo à Goma (Nord-Kivu) à une réunion de crise.
Cette rencontre qui a connu aussi la participation de quelques experts en la matière a porté sur les mesures à prendre pour protéger la vie et les biens de la population de cette partie du pays.
Selon le porte-parole du gouvernement, l’évolution de la situation sera communiquée graduellement. «Des solutions urgentes dont notamment un plan de contingence, d’évacuation de la ville de Goma, a été lancé et les différents services ont été mobilisés pour la cause. L’évolution de la situation sera communiquée au fur et à mesure”, a déclaré Patrick Muyaya.
Le volcan Nyiragongo est entré en éruption samedi 22 mai 2021 dans la soirée. La lave qui s’écoulait des flancs de cette montagne a détruit complètement plusieurs maisons et champs de Buhene avant de s’arrêter quasi-miraculeusement à 1,5 kilomètre de l’aéroport de Goma. Le chef-lieu du Nord-Kivu a été ainsi épargné d’une catastrophe du genre de celle observée en 2002 qui causa plus d’une centaine de morts avec la destruction de la moitié de l’agglomération.
Des voix s’élèvent pour constater que l’Observatoire volcanologique de Goma (OVG) a été privé de connexion Internet pendant ces six derniers mois et que les subsides publics devant lui permettre de fonctionner n’ont pas été mis à disposition. « Tout laisse croire que l’OVG n’a pas été doté des moyens financiers et matériels adéquats pour la prévention de ce genre de catastrophe. Ceci doit changer pour minimiser à l’avenir les dégâts», a déclaré notamment Vital Kamerhe dans un message de solidarité publié depuis le centre Nganda, son lieu d’internement pour raison de maladie.
Dimanche, le directeur scientifique de l’Observatoire, Kasereka Mayinda, a imputé l’absence d’alerte précoce au manque de connexion Internet qui privait ses services de tout accès aux données volcanologiques de Nyiragongo. «Le gouvernement central ne nous finance pas, on ne se contente que des financements de nos partenaires et parfois du gouvernement provincial», a-t-il indiqué avant de préciser que l’OVG avait pu être connecté grâce à un appui des partenaires américains après que la coulée de lave se soit déjà déclenchée.
Le député national Jean-Baptiste Muhindo Kasekwa, élu du Nord-Kivu à l’Assemblée nationale avait déjà en octobre 2020, alerté le gouvernement sur la mauvaise gestion de l’Observatoire de Goma dans une question orale avec débat adressée le 2 octobre 2020 au ministre de la Recherche scientifique et innovation technologique sur «les entraves à la surveillance des activités des volcans à l’OVG». Il y déplorait le fait que les activités des volcans Nyiragongo et Nyamulagira ainsi que le gaz méthane dans le lac Kivu n’étaient plus régulièrement surveillées depuis plusieurs mois. Il décrivait également la situation alarmante de l’OVG où sur 351 agents, seulement 51 bénéficient de leur salaire de base et de la prime institutionnelle alors que 162 ne bénéficient que de la prime institutionnelle pendant que 138 n’ont ni salaire de base ni prime institutionnelle. Il s’insurgeait contre la réduction de moitié des rémunérations des agents depuis juillet 2013 et la non-prise en charge autonome des dépenses de fonctionnement et d’investissement de l’OVG après les financements des partenaires étrangers. En vain. Entre le clash FCC-CACH, la mise en place des bureaux d’âge et des bureaux définitifs des deux chambres législatives nationales ainsi que la constitution du nouveau gouvernement, ce n’était manifestement pas la priorité de la classe politique.
Goma a frôlé le pire à cause des humeurs des décideurs politiques qui ont provoqué une crise caractérisée par le dysfonctionnement de l’appareil d’Etat.
D’après le gouvernement, le bilan provisoire fait état de 15 morts, soit 9 tués dans des accidents lors des déplacements en catastrophe de la population voulant fuir Goma, 2 calcinés par la lave volcanique et 4 détenus abattus alors qu’ils tentaient de s’évader de la prison centrale de Munzenze. 17 villages en tout ont été touchés. L’UNICEF fait état de plus de 170 enfants séparés de leurs familles et près de 200 autres portés disparus dans cette zone déjà fortement endeuillée par les groupes armés.
Le parlementaire reproche au ministre José Panda, reconduit au ministère de la Recherche scientifique de n’avoir pas accordé l’attention nécessaire à ce problème. «Il a été aussi surpris par ce drame que tout le monde. Je dénonce cet abandon de la population à son triste sort alors qu’on aurait dû prendre de dispositions salutaires», a-t-il déclaré.
On signale que l’OVG aurait réussi à prélever quelques données rendues public le 11 mai grâce à l’appui d’un partenaire américain. Des données non exploitées faute de moyens.
L’éruption du volcan Nyiragongo ramène à la surface la problématique du chef-lieu de la province du Nord-Kivu exposé depuis longtemps aux aléas de la nature. Il aurait suffi que la terre ‘’éternue’’ un coup de plus pour que la splendide ville soit dévorée par la lave et rayée de la carte.
Tous les 20 ans, cette cheminée crache du feu sur la ville. Nul ne peut dire ce qui se passera la prochaine fois.
Le volcan du Nyiragongo n’est pas la seule menace à laquelle Goma est exposé. Il y a aussi le gaz méthane en trop plein dans le lac Kivu. Le scénario catastrophe projeté par des scientifiques est qu’un jour la lave se déverse dans le lac et entre en contact avec les réserves du gaz méthane. L’explosion aurait les effets d’une bombe.
Ces deux raisons plaident pour que soit envisagé sérieusement une décision stratégique portant déplacement progressif des administrations d’Etat et de l’essentiel de la population de Goma vers un autre lieu qui pourrait être Beni, Butembo ou Walikale.
Côté gouvernemental, une délégation de huit ministres conduite par le ministre de la défense est arrivée à Goma pour mettre en place la réponse humanitaire. Elle compte les ministres de la Santé, de la Recherche scientifique, des Affaires sociale et solidarité, de l’Industrie, de l’Agriculture, de l’Intégration régionale et de l’Enseignement supérieur et universitaire.
JM