Informations et rumeurs relatives aux infiltrations armées, voire, à une rébellion armée contre le pouvoir en place à Kigali, qui progresserait vers la capitale du Rwanda, se multiplient ces derniers jours, dans les réseaux sociaux particulièrement. L’opinion habituée aux délires des informations diffusées sur internet s’est jusque-là gardée d’y prêter foi, jusqu’à ce que Colette Braeckman du quotidien belge Le Soir les confirme avec moult détails. Annonçant même la possibilité d’une nouvelle guerre régionale justifiée par le fait que les assaillants se recruteraient au Burundi et en RD Congo voisins, parmi d’anciens génocidaires, des mai-mai et d’anciens rebelles ougandais. C’est le fameux prétexte sécuritaire qui a justifié toutes les agressions, de la RD Congo particulièrement, depuis la fin de la décennie ’90. Avant de finir par apparaître aux yeux de tous dans la communauté internationale comme ce qu’elles étaient en réalité : des guerres de prédation des ressources naturelles avec la complicité de puissants intérêts financiers occidentaux. « Des infiltrations armées au Rwanda font craindre une guerre régionale », l’article de la journaliste belge, aura plutôt eu le don de faire tiquer dans la région.
Militaires rwandais en formation par des officiers US
C. Braeckman, qui révèle au passage que 400 militaires américains se chargent de la formation de jeunes officiers rwandais, renseigne qu’un groupe de 60 à 120 combattants avaient tué un chef de village, pillé des magasins et recruté de force des porteurs de butin du côté de Kibeho, dans la région de Butare au Rwanda. « Ces hommes, bien organisés et méthodiques, avaient réussi à s’infiltrer à l’insu des troupes chargées de protéger la frontière entre le Rwanda et le Burundi », assure-t-elle, indiquant que les assaillants appartiennent au MRCD (Mouvement Rwandais pour le Changement Démocratique) dont les FNL (Forces Nationales de Libération) sont le bras armé. « Selon des sources locales, le MRCD est né de la convergence de plusieurs organisations opposées au régime rwandais. La première, est le « RNC core », une dissidence du Congrès national rwandais fondé par le général Kayumba Nyamwasa, exilé en Afrique du Sud et ancien compagnon de route de Kagame. Kayumba, qui a survécu à plusieurs tentatives d’assassinat, tente depuis des années de nouer des alliances dans la région mais il se serait méfié de la coalition actuelle, où se retrouvent aussi des Hutus réfugiés au Congo depuis 1994, dont le colonel Hamada, un ancien FDLR, (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) un mouvement armé composé d’anciens « génocidaires » et le PDR-Ihumure de Paul Rusesabagina. Ce dernier, ancien gérant de l’hôtel des Mille Collines, a été rendu célèbre par le film montrant comment il avait abrité des Tutsis dans son hôtel. Longtemps réfugié en Belgique, M. Rusesabagina y a fait fortune en fondant une société de taxis », assure la journaliste belge spécialiste de la région des Grands Lacs.
Bujumbura dubitatif et méfiant
Mais l’affaire ne tient pas la route tant que ça. A Bujumbura, la capitale du Burundi, de sérieuses doutes sont exprimées au sujet de cette prétendue rébellion qui ne présente aucun intérêt durable pour quiconque au pouvoir de Pierre Nkuruzinza. Car, les belliqueux de Kigali pourraient tenter de justifier une incursion de leurs forces armées au Burundi sous prétexte de « droit de poursuite » d’une pseudo-rébellion opérant à partir du territoire de ce pays, lit-on sur le posting d’un certain Jean-Claude Mubisharukanywa. Le Colonel Hamada, présenté par Colette Braeckman comme un ancien génocidaire placé aux commandes des FNL ne serait autre que l’époux d’une dame qui vit à Kampala aux frais des services de renseignements militaires rwandais (DMI), et que les FDLR, vrais génocidaires ou descendants de génocidaires, accusent d’avoir littéralement désossé leur mouvement. L’homme aurait donc été « retourné » par Kigali, selon cette source qui explique les réticences du général Kayumba Nyamwasa, un tutsi, à intégrer la pseudo-rébellion par la présence de l’ancien FDLR dans le groupe.
Masunzu ? Loin du chaudron du Kivu depuis des lustsres
La journaliste belge assure également que les assaillants ont bénéficié du soutien des miliciens burundais Imbonerakure, des Hutu, mais aussi des banyamulenge des hauts plateaux et de la milice Gumino des Tutsi de la Ruzizi prétendument commandés par le Général Pacifique Masunzu, un officier général tutsi des FARDC (armée loyaliste du gouvernement de Kinshasa) qui a, depuis des années, quitté le chaudron du Kivu pour commander la base militaire de Kamina dans l’ex-Katanga (actuelle province du Haut Lomami) d’où il vient d’être appelé à Kinshasa comme commandant second de l’Inspection générale des armées, en plus des maï-maï Yakutumba en RD Congo. « Il y a des mois que ces hommes s’entraînent au vu et au su de tous à Bijombo, au-dessus de la ville congolaise d’Uvira et ils auraient été rejoints par plusieurs centaines d’anciens militaires rwandais. Mécontents d’avoir dû quitter l’armée pour se retrouver dans des sociétés de gardiennage, ces derniers auraient été recrutés depuis l’Ouganda et rejoints par des jeunes du Nord Kivu encouragés par un ancien gouverneur Eugène Serufuli », accuse carrément C. Braeckman. Un véritable enchevêtrement d’embrouillamini sans tête ni queue qui ne peut convaincre personne, d’autant plus que les FARDC ont lancé dernièrement une offensive dans la région d’Uvira contre les mêmes miliciens maï-maï Yakutumba accusés de s’être transformés en coupeurs de routes. Qu’ils s’entraînent sur des hauts plateaux dont ils sont déjà descendus pour attaquer les abords du Lac Tanganyika en RD Congo ne prouve en rien l’implication de ce pays qui les combat farouchement depuis quelques mois.
Démenti Serufuli
En rajoute au pessimisme sur les fameuses « infiltrations rebelles au Rwanda » de Colette Braeckam, ce démenti d’Eugène Serufuli, un Hutu du Nord Kivu membre du gouvernement de la RDC qui dénonce les accusations contre sa personne. Dans une correspondance citée par la presse, cet ancien gouverneur de la province du Nord-Kivu reproche à la journaliste belge de ne fournir aucun détail ni aucune preuve de ses affirmations le concernant. « Je tiens donc à vous démentir de la façon la plus ferme ces allégations sans fondement qui ne visent qu’à entacher mon honneur », a répliqué Eugène Serufuli.
Braeckman doit trouver mieux pour convaincre les pays de la région des Grands Lacs de déterrer la hache de guerre pour s’étriper mutuellement à la grande satisfaction des éternels tireurs de ficelles occidentaux.
J.N.