La principale leçon à retenir de la liquéfaction de la puissante majorité FCC dans les deux chambres parlementaires est que l’architecture politique et juridique en vigueur en RDC n’est plus en mesure de garantir une stabilité des équilibres institutionnels en présence dans toutes les assemblées délibérantes du pays.
Malgré toutes les digues érigées par la constitution et les lois de la République qui constituaient autant de garde-fous censés protéger ce qui était considéré comme la chasse gardée du FCC, la nouvelle offre politique de l’Union sacrée de la Nation mise en place par le président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a tout déglingué sur son passage. Pourtant toute la crème des juristes estimaient sur la foi de la pyramide législative et règlementaire qu’il était impossible de requalifier la majorité en pleine législature sans en référer au souverain primaire.
C’était sans compter avec l’intime conviction des juges constitutionnels et administratifs qui ont tôt fait de remettre à plat les déclarations d’appartenance à l’opposition ou à la majorité faites théoriquement pour toute la durée de la législature par les députés nationaux et les sénateurs.
Dans une récente décision, la Cour constitutionnelle a ainsi taillé en pièces le primat des partis et regroupements politiques sur les élus de leurs obédiences. Les écluses se sont ainsi ouvertes devant certains députés nationaux du PPRD de Joseph Kabila, notamment pour déménager vers une coalition opposée à celle de leur parti politique dont ils se sont allègrement désolidarisés sans perdre leurs mandats, au nom de la nouvelle interprétation du concept de mandat non impératif des élus par le juge constitutionnel.
Quoi que pourrait en penser Maurice Duverger et les doctrinaires des sciences politiques ou du droit public, la RDC invente ainsi une jurisprudence avec laquelle il faudra désormais compter avant que ses limites éventuelles n’appellent à une nouvelle clarification. Entre temps, les Congolais ne seront plus surpris d’assister à de nouveaux rebondissements au sein des chambres parlementaires nationales et des Assemblées provinciales au gré des motivations supposées ou réelles ayant reconfiguré les majorités préexistantes. Du coup, la vie institutionnelle devient tout aussi aléatoire que le sont les majorités qui peuvent à tout moment basculer dans un sens comme dans un autre. «Plus rien ne permet d’inférer par ailleurs que l’Union sacrée de la nation est la dernière majorité parlementaire de la législature en cours», prédit un professeur des sciences politiques et administratives de l’Université de Kinshasa pour qui «les mêmes causes produisant les mêmes effets, il n’est pas exclu qu’après la sortie du gouvernement Sama Lukonde, des députés nationaux de la nouvelle majorité rongeant leurs frustrations pour une raison ou une autre décident de claquer la porte de celle-ci. Il faudra alors leur reconnaître les mêmes droits que ceux des députés du FCC qui ont rejoint l’Union sacrée. On est guère sorti de l’auberge avec de telles volte-face dorénavant autorisées des élus au moment où ça leur chante», conclut-il.
Le retard pris dans la formation et la publication du gouvernement Sama Lukonde témoigne si besoin en était encore de la volatilité des alliances politiques rendues de moins en moins opposables aux coalisés d’une engeance de politiciens congolais plus que jamais abonnés à la transhumance. La contingence des intérêts aidant, le spectacle du retournement d’alliances au plus haut niveau du pouvoir politique n’a pas encore dit son dernier mot en RDC. Si deux ans après l’alternance intervenue au sommet de l’État, la transhumance a été dictée par la menace à peine voilée de dissolution de l’Assemblée nationale ainsi que le débauchage des députés avec à la clé la distribution d’espèces sonnantes et trébuchantes ou les promesses d’ascension politique, les mêmes impératifs liés à l’accès à ce que le professeur Auguste Mampuya appelle la mangeoire, pourraient pousser les laissés pour compte à conclure d’autres alliances au gré des vagues. D’où, la nécessité pour le chef de l’Etat d’ouvrir simultanément le dossier de la répartition des postes dans d’autres espaces (entreprises publiques, territoriale, diplomatie etc.) afin de réduire autant que possible le nombre des aigris.
En définitive, à l’approche des futures échéances électorales prévues dans un plus de deux ans, les élus qui devraient de nouveau recourir au souverain primaire pour pouvoir rempiler auront à cœur de se retrouver dans le camp le plus à même de les aider à y parvenir. La ferveur populaire sera-t-elle alors favorable le moment venu à la nouvelle majorité, aux oppositions ou à la société civile ? That is the question.
LE MAXIMUM