Lundi 28 février 2022, le tribunal de grande instance de Kinshasa-Ndjili a condamné à 10 ans de servitude pénale, 10 militants de l’Ecidé, parti politique de Martin Fayulu Madidi, pour vols, coups et blessures volontaires, destruction méchante à l’issue du procès en flagrance sur l’agression du député national de l’UDPS Bruno Kabangu.
Le plaignant avait été attaqué et tabassé samedi 26 février dernier à Masina 3, quartier réputé pro-Fayulu. Deux mineurs également impliqués dans cette agression ont été mis à la disposition du tribunal pour enfant, tandis que 4 autres individus ont été acquittés.
Le jugement ainsi rendu a suscité des réactions en sens divers, selon que l’appartenance politique des commentateurs.
Les militants et sympathisants de l’UDPS estiment pour la plupart que le jugement rendu devrait servir d’exemple dans cette partie de la capitale où la tendance à la stigmatisation des individus en fonction de leur appartenance ethnique est de plus en plus fréquente. Bruno Kabangu a soutenu avoir été agressé parce qu’il portait un T-Sheert à l’effigie de Félix Tshisekedi, d’origine luba comme lui-même.
Contestation
A l’Ecidé, on assure que le plaignant n’a présenté aucune preuve de son agression au tribunal à part qu’il arborait des sparadraps sur le corps qui ne couvraient aucune blessure. Dans un communiqué signé Devos Kitoko, secrétaire général du parti de Fayulu, l’Ecidé dénonce un «procès politique organisé notamment pour satisfaire le régime en place en cherchant désespérément à affaiblir le combat politique de l’Ecidé». En fait de combat politique, le même communiqué reconnaît que parmi les personnes arrêtées le 27 février à Masina, «neuf ont déclaré être membres de l’ECIDé», tout en déplorant le fait que le tribunal n’ait pas accédé à la demande des avocats de la défense de descendre sur les lieux des incidents pour s’enquérir des faits, autant qu’il a réservé une fin de non-recevoir à la demande d’expertise d’un médecin pour vérifier les «prétendus bobos couverts par un sparadrap de fortune».
Néanmoins, des débats à l’audience de lundi dernier au tribunal de grande instance de Ndjili, parmi les personnes attraites devant la barre figuraient 9 militants ECIDé, dont au moins 2 ont été formellement reconnus par le plaignant comme faisant partie de ses «agresseurs». Le parti de Martin Fayulu ne semble pas avoir convaincu les juges de l’absence de la stigmatisation à l’encontre du député UDPS en raison du T-Sheert qu’il arborait et de l’effigie du chef de l’Etat, challenger de Martin Fayulu à la présidentielle de 2018, qui y figurait. Des actes d’intolérance encouragés en des termes à peine voilés par le candidat malheureux de décembre 2018 qui se présente à ses sympathisants comme le véritable président de la République élu.
Fâcheux précédents
Au cours de manifestations politiques organisées dès février 2019, les militants mobilisés Place Ste Thérèse à Ndjili scandaient des slogans appelant à la haine ethnique contre les baluba suffisamment expressifs, qui semblent avoir marqué les esprits. «Muluba na nyoka totika nani ? Boma muluba tika nyoka (Entre un muluba et un serpent, tuez le muluba, épargnez le serpent !)», chantaient les militants-casseurs qui avaient pris part au rassemblement populaire. Sans s’attirer la moindre désapprobation, ni des agents de police chargés de sécuriser les lieux publics, ni des organisateurs du rassemblement.
Le problème de la légitimité du pouvoir ainsi déplacé de la sphère démocratique à la sphère ethnique devenait de facto, susceptible d’ouvrir la voie aux confrontations et incidents de tous genres. Y compris celui dont un député national semble avoir fait les frais le 26 février dernier à Masina 3. Difficile d’en excuser Martin Fayulu et ses militants, n’en déplaise à Devos Kitoko à qui on peut retourner le reproche de la politisation à outrance de tout ce n’arrange pas son parti politique.
LE MAXIMUM