Ceux qui s’interrogent sur la surprenante stagnation de la province du Héros National Patrice-Emery Lumumba font généralement allusion à l’enclavement et à l’extrême pauvreté de cet espace qui, malgré d’indéniables potentialités, ne parvient pas à aligner la moindre réalisation d’envergure en matière de développement. La barque larguée aux bords des rivières Sankuru, Lokenye, Lomela, Lubefu et autres Lomami tangue allègrement au gré des courants sauvages, comme à l’époque pré-coloniale.
Une des explications, sinon la principale, de cette stagnation réside sans nul doute dans les atavismes communautaires inventés à l’aube de l’indépendance, lorsque les gens dits de la savane et ceux de la forêt s’affrontèrent à la suite d’antagonismes électoralistes entre leaders politiques de l’époque.
Plus d’un demi-siècle plus tard, et sans que l’une ou l’autre des deux ‘‘communautés’’ (Ekonda et Eswe) n’ait gagné au change, l’animosité entretenue par les générations successives des adversaires dans les premières joutes électorales post-indépendance au Sankuru continue d’y gangrener toute perspective de développement.
Etats généraux de l’ESU
Les états généraux de l’enseignement supérieur et universitaire en RDC, organisés récemment à Lubumbashi sous l’égide du ministre G7 Muhindo Nzangi illustrent cet état d’esprit négatif qui habite jusqu’aux intellectuels de la région natale de Patrice-Emery Lumumba.
En effet, au terme de ces assises qui ont réuni récemment les plus grandes sommités intellectuelles congolaises à Lubumbashi, un palmarès des universités a été élaboré. Pour savoir à quoi s’en tenir avant de tenter de redorer le blason longtemps terni, au niveau continental et mondial, de ces institutions.
Malgré ses nombreux problèmes d’enclavement et de sous-développement, notamment infrastructurel, la province du Sankuru a été honorée par une de ses universités basées à Lodja, sa capitale économique : l’Université des sciences et des technologies de Lodja (USTL) qui a été classée 27ème au niveau national et 1ère pour la province du Sankuru.
Classement des institutions universitaires
Aussi surprenant et déconcertant que cela paraisse, plutôt que de se réjouir, quelques sankurois en ont éprouvé du mécontentement de voir une institution ayant pignon sur rue dans leur province figurer ainsi en bonne place dans ce classement.
Ils se sont empressés aussitôt de cracher leur venin atavique sur cette jeune institution universitaire créée il y a une dizaine d’années par des initiateurs privés emmenés par le député national Lambert Mende, élu de Lodja avant qu’une convention avec le gouvernement central n’en confie la gestion à ce dernier.
Dans les colonnes d’un média en ligne connu pour son intérêt pour le Sankuru, Alternance.cd, un prétendu «étudiant congolais consciencieux» non autrement identifié, s’était amusé à publier l’image des mansardes insalubres présentées comme abritant l’USTL. Après que plusieurs internautes révoltés par tant de mauvaise foi aient dénoncé cette supercherie en publiant les vraies images des bâtiments construits pour l’USTL par la Fondation Etshuka, l’énergumène est revenu à la charge pour suggérer … la fermeture de la faculté de médecine à fermer est celle de l’Université des sciences et des technologies de Lodja (USTL) au motif que les cours y seraient assurés par des médecins généralistes même non diplômés en se faisant passer, cette fois, pour un finaliste de ladite faculté !
Renseignements pris, il s’agirait d’une manifestation irréfléchie des atavismes éculés évoqués plus haut qui ont fait oublier au pseudo finaliste en médecine que d’une part, un médecin généraliste ne le devient qu’après un cursus universitaire de 7 ans (au minimum !) sanctionné par un diplôme subséquent, et que d’autre part, faute de professeurs à temps plein, l’exploit qui vaut aujourd’hui le titre de noblesse à l’USTL repose sur le sacrifice constant consenti par ses initiateurs de faire venir à grands frais à Lodja des professeurs visiteurs de grandes universités (Unikin, Unilu) et d’envoyer systématiquement les étudiants des promotions terminales en stage dans la capitale (cliniques universitaires de Kinshasa).
Le fameux ‘‘intellectuel consciencieux’’ d’Alternance.cd a menti outrageusement en affirmant pince-sans-rire que «la pratique des étudiants, quand elle se fait, c’est dans les hôpitaux toujours tenus par ces généralistes».
Que la communauté universitaire reconnaisse à sa juste valeur de tels efforts ne peut en aucune manière surprendre.
Accusations gratuites
Poursuivant ses incongruités, l’internaute atavique s’est déchaîné sur le comité de gestion de cette jeune université que préside de mains de maître le professeur abbé Véron Okavu On’Okundji, l’accusant carrément d’imaginaires prévarications en écrivant que «le jour où l’IGF descendra sur place, les membres du comité de gestion de cette institution ne pourront pas échapper à la prison pour délicatesse (sic !) de gestion». Un autre mensonge grossier qui enlève tout crédit aux propos ainsi distillés par la plume haineuse d’Alternance.cd. En effet, bien que relevant des pouvoirs publics congolais, l’USTL n’a jamais bénéficié jusqu’à ce jour des frais de fonctionnement régulièrement votés par l’autorité budgétaire (Assemblée nationale) et ne vit que grâce aux contributions de la Fondation Etshuka de l’honorable Lambert Mende. On ne voit donc pas comment l’IGF pourrait auditer l’utilisation des fonds d’origine privée.
Prêtre catholique connu et reconnu internationalement pour son expérience dans le domaine de l’enseignement, le recteur de cette alma mater, le professeur Abbé Véron-Blaise On’Okundji n’a eu de cesse d’étonner l’opinion sankuroise par ses dons de bâtisseur, en faisant pousser comme des champignons des bâtiments dignes des plus sérieuses universités du pays sur les fonds mis à sa disposition par la Fondation Etshuka et ses partenaires.
Tshumbe contre Lodja ?
Nul besoin de chercher loin les ressorts de cette haine atavique que l’on croyait d’un autre temps. Le scribouillard d’Alternance.cd se dévoile littéralement, au propre comme au figuré, en hasardant des ‘‘propositions’’ à l’intention de ses lecteurs. La première recommande, en sus de la fermeture de la faculté de médecine de l’USTL, première université du Sankuru, d’en «orienter les étudiants à l’Université Notre-Dame de Tshumbe (UNITSHU) à Tshumbe». Ci-git peut être son vrai problème: l’existence d’une faculté de médecine à Lodja, ville considérée par certains ataviques comme ‘‘concurrente’’ à Tshumbe, on ne sait trop pour quelles raisons. Pas la peine de se voiler la face devant la récurrence dramatique de ce type de comportement négatif: Lodja a toujours été perçu comme le fief (en principe, parce que l’évolution sociale fait de la capitale économique du Sankuru un immense lieu de rencontre de toutes les communautés de la province) des ‘‘Ekonda’’, ressortissants des régions forestières de la province de Lumumba (territoires de Lodja, Lomela et Kole), tandis que Tshumbe, siège de l’évêché catholique, situé en terre ‘‘Eswe’’, est regardé par les mêmes ataviques comme un des fiefs des ressortissants de la savane (territoires de Lubefu et Katako-Kombe). Dans l’entendement de ceux qui comme le pamphlétaire du 15 septembre 2021 sur Alternance.cd, la lumière de la science ne devrait éclairer que Tshumbe et Lodja demeurer ad vitam aeternam dans les ténèbres. En 2021 !
Ainsi se résume une des entraves à l’épanouissement et au développement de la province du Sankuru six décennies après l’indépendance : l’idée absurde selon laquelle le bonheur des uns doit faire le malheur des autres.
JN