Début de dégel entre Kinshasa et Bruxelles ? C’est encore tôt pour l’affirmer, en réalité. Même si des signaux sont perceptibles depuis que Joseph Kabila a accédé à la demande d’entretien du 1er ministre Belge, Charles Michel et lui a accordé près d’une heure et demie d’audience, vendredi 28 septembre 2018. L’événement s’est déroulé en marge de la 72ème session de l’assemblée générale des Nations-Unies à New York. Le Chef de l’Etat rd congolais a d’abord reçu son hôte en compagnie du vice-premier ministre et ministre des Affaires Etrangères, Léonard She Okitundun, du directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya et du conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya, avant d’accorder un tête-à-tête au chef du gouvernement Belge.
Si la rencontre de New York a fait miroiter des espoirs de normalisation des relations entre Kinshasa et Bruxelles, elle n’en a pas moins attesté de sérieuses réserves de la partie rd congolaise. Comme il y a près d’un an, à l’occasion de l’avant-dernière assemblée générale des Nations-Unies, Joseph Kabila semble s’être hermétiquement opposé à la présence aux entretiens du plénipotentiaire Belge des relations extérieures, Didier Reynders, dont l’activisme contre le pouvoir en place à travers les frontières du continent Européen. Les propos empreints de réserve de Charles Michel, après plus d’une heure d’entretiens traduisent un optimisme plutôt mesuré, du reste. « On a eu un entretien qui était plutôt positif pour qu’on essaie d’avoir une bonne compréhension, de part et d’autre, de la manière d’envisager nos relations bilatérales. Nous avons eu l’occasion d’échanger sur des questions géopolitiques, les relations entre l’Europe en général et l’Afrique. Je forme vraiment le vœu que cet entretien soit utile. Je forme vraiment le vœu qu’on puisse espérer des évolutions favorables dans les relations entre l’Europe et l’Afrique dans les prochaines semaines, les prochains mois, mais aussi sur le plan bilatéral, j’espère qu’on pourra envisager des progrès. J’espère que cet entretien – c’est mon sentiment en tous cas – a été plutôt utile, plutôt positif et devrait conduire, je l’espère, à pouvoir améliorer à l’avenir la compréhension entre la RDC et la Belgique, améliorer nos relations bilatérales dans l’intérêt des populations respectives, dans l’intérêt de l’ensemble des populations respectives », a déclaré le premier ministre à la presse à l’issue de l’audience, le 28 septembre 2018.
Des sources crédibles rapportent qu’à l’offre de soutien présentée par Charles Michel, Joseph Kabila a rétorqué que son pays n’avait pas besoin de soutien mais plutôt de partenaires. Et hors micro, le premier ministre Belge a annoncé un tête-à-tête imminent avec le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères rd congolais. « Pour s’assurer de certains préalables et lever des équivoques », selon une source proche du dossier à la présidence de la République rd congolaise.
Si une désescalade pointe à l’horizon entre Kinshasa et Bruxelles, on n’en est encore loin, contrairement aux informations enthousiastes de la presse belge qui annonce déjà la réouverture de la Maison Schengen, entre autres. Il est encore question de « tout mettre en œuvre » pour parvenir à cette fin, selon les termes de Charles Michel lui-même.
Néanmoins, les perspectives de normalisation entre Kinshasa et Bruxelles ne sont pas une bonne nouvelle pour l’opposition rd congolaise qui a manifestement trop misé sur les pressions externes pour décider du cours des événements en RD Congo. En sollicitant une rencontre au cours de laquelle Joseph Kabila a confirmé la tenue des scrutins électoraux le 23 décembre 2018 ainsi son opposition à toute immixtion étrangère dans la politique interne de son pays, la Belgique s’engage dans la mise en œuvre de ce qu’on peut considérer comme un Plan B dans ses relations avec son ex colonie. Du haut de la tribune des Nations-Unies, jeudi 28 septembre 2018, le premier ministre Belge avait annoncé son intention de promouvoir un vaste accord de libre-échange entre l’Afrique et l’Europe. « La normalisation des relations avec la RDC est une étape nécessaire vers le développement de ce partenariat », avait-il estimé. Ajoutant que « la Belgique va essayer d’apporter sa pierre à la stabilité et au développement de la RDC et de la région ». On est donc loin, résolument loin, de l’activisme diplomatique déployé il y a seulement quelques semaines pour faire fléchir Kinshasa par des pressions, y compris de ses voisins immédiats sur le continent. Interrogé sur les élections prévues en décembre prochain en RD Congo, Charles Michel s’est montré plus que prudent : « Je n’ai pas à exprimer des sentiments sur les élections (…) nous allons être du côté de ceux qui ne jettent pas de l’huile sur le feu », a-t-il répondu, selon des propos rapportés par Belga. Symptomatique.
J.N.