Les réactions face aux tueries perpétrées à Beni dans la nuit du samedi 22 au dimanche 23 septembre 2018 par des assaillants identifiés comme étant les rebelles ougandais de l’ADF qui écument la région depuis plusieurs années se sont poursuivies dimanche et lundi. Des affrontements dans les quartiers de la ville-capitale administrative du Grand Nord-Kivu ont fait plus d’une vingtaine de victimes, décédées ou blessées. Et ça choque, à juste titre.
Tout comme choque aussi cette propension des leaders d’opinion locaux et d’acteurs politiques, essentiellement ceux de l’opposition au pouvoir en place, à faire porter le chapeau de tous les maux qui rongent la région au gouvernement central à Kinshasa ou à ces forces armées présentées comme complices des tueurs de Beni. Des dizaines, voire, des centaines de réactions enregistrées au sujet des derniers événements malheureux de Beni-Ville, aucune ne dénonce les rebelles Ougandais de l’ADF, dont la présence dans la région depuis les années Mobutu n’a jamais été démentie par quiconque, pourtant.
48 heures après le samedi noir de Beni-Ville, les acteurs politiques se sont réveillés de leur torpeur, pour profiter de l’émotion qui réduit les capacités de discernement de l’opinion, et enfoncer leurs adversaires au pouvoir. Tout le monde y va sa petite touche de compassion à l’endroit des populations civiles de Beni avant de tirer à boulets rouges sur le pouvoir en place à Kinshasa. « Il suffit de le faire partir et le paradis s’instaure », suggèrent en des termes à peine différents Moïse Katumbi Chapwe, Claudel Lubaya, ou encore Jean-Claude Katende, cet opposant déguisé en défenseur des droits humains.
Les plus virulents dans la récupération des tueries de Beni sont les leaders d’opinion locaux, déjà connus pour avoir présenté les opérations de vaccination des populations contre la fièvre hémorragique à virus Ebola qui frappe la région comme un complot gouvernemental visant l’extermination du peuple de la région, les Nande. Certains parmi eux appellent carrément au soulèvement populaire et à la révolte … contre le gouvernement et le pouvoir en place à Kinshasa. Nullement contre l’envahisseur ADF. « Halte à l’épuration ethnique ! », c’est le titre d’un communiqué attribué à un « collectif des notables du Nord-Kivu », non autrement identifiable que par la signature apposée au bas du communiqué largement diffusé sur les réseaux sociaux. Elle est d’Ernest Kyaviro, un ancien élu de Beni, membre du RCD-K-ML, qui se présente comme le porte-parole d’Antipas Mbusa Nyamwisi. «… La ville et le territoire de Beni sont le théâtre d’une épuration ethnique, (d’) un génocide pur et simple », affirme le communiqué de Kyaviro. Qui recommande, in fine, « …de tirer les conséquences des insuffisances actuelles de l’opération Sukola 1, et de la remplacer par une force internationale possédant les troupes et moyens suffisamment préparées, expérimentées en vue d’éradiquer cette nébuleuse qu’est l’ADF ».
Jean-Louis Ernest Kyaviro n’est pas le seul, ni le premier à exprimer sa détestation de la présence des Fardc dans la région. Un certain Jean-Bosco Kyowire d’Hidalgo accuse carrément le Général Mbangu, récemment nommé à la tête de l’opération Sukola 1, de complicité avec les agresseurs. « Monsieur le commandant, votre complicité serait certaine, quelques hypothèses le démontrent », soutient-il, reprochant aux Fardc de jouer à la défensive contre les ADF et de se montrer plus entreprenants contre les Mai-Mai ! « Nous nous posons parfois la question de savoir si ce ne sont pas les Fardc qui se déguisent en ADF de temps en temps », affirme plus qu’il ne s’interroge, ce Jean-Bosco Kyowire dans sa « lettre ouverte au Général Mbangu Marcel Mashita … ».
Au milieu des sentiments émotifs qui prédominent à Beni, ces appels à peine voilés à la révolte sont plutôt suivis. Lundi 24 septembre 2018, une ville morte a été observée à l’appel d’organisations de la société civile locale, alors que des tentatives de manifestations publiques ont été étouffées de justesse par les forces de police.
D’appels à soutenir les forces combattantes, dont 4 éléments ont succombé aux affrontements de samedi dernier, aucun n’a été entendu de personne. Même pas de l’évêque catholique du lieu, Mgr Melchisédech Sikuli, qui a rendu public un communiqué « rappelant aux autorités gouvernementales de mieux s’acquitter de leurs obligations régaliennes de protéger sa population et ses biens … ».
J.N.