C’est officiel depuis mercredi 19 septembre 2018 : 21 candidats se présenteront aux électeurs rd congolais le 23 décembre prochain. Parmi eux, le sénateur Jean Mabaya Gizi, actuel questeur de la chambre haute du parlement et ancien directeur général adjoint de l’ONATRA qui se tâte en politique avec insistance depuis de longues années. Sans réussir à passer le cap d’une élection au second degré, jusque-là. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé parce qu’il s’était déjà porté candidat à la députation nationale sans succès. Notable dans sa circonscription de Masimanimba dans le Kwilu, Jean-Mabaya Gizi Amine n’en persévère pas moins et brigue rien moins que la magistrature suprême cette fois-ci.
Mardi 18 septembre 2018, le candidat Chef de l’Etat, diplômé de polytechnique de l’Université Lovanium, a présenté le programme de gouvernance qu’il propose à ses compatriotes. Comme beaucoup de ses challengers dans la course à la présidentielle du 23 décembre prochain, Mabaya Gizi promet de réunir 100 milliards USD en 5 ans. La RD Congo sous Mabaya devrait aligner un budget de 20 milliards USD/an dès 2019, en principe. Mais « Leadership et bonne gouvernance », le programme du candidat de Masimanimba, se veut progressif : c’est 12 milliards USD que l’ancien DGA de l’Onatra réunira pour ses compatriotes en 2019. 20 milliards USD/l’an, ce sera seulement à partir de 2020. « Nous nous donnons le devoir de proposer à la Nation un ambitieux projet de société qui décrit le nouveau Congo dont nous rêvons avec un programme de gouvernement qui permet de matérialiser ce projet et d’atteindre le niveau de développement intégral de l’homme et de l’État congolais que nous souhaitons tous », explique-t-il. Avant de décliner un programme d’actions qui repose sur plus d’une dizaine de piliers : la restauration de la paix, la sécurité, l’unité et la cohésion nationale ; la construction d’une démocratie participative et l’instauration d’un Etat de droit ; la promotion de l’éducation, la formation professionnelle et de l’artisanat ainsi que l’accès aux soins de santé et services sociaux de base ; l’impulsion de la croissance et du développement économique par la relance de l’agriculture, pêche et élevage ; la promotion des investissements par l’amélioration du climat des affaires ; la construction des infrastructures ; la lutte contre la pauvreté : la protection de l’environnement ; l’impulsion d’un développement équilibré des provinces ; la garantie de la promotion de la femme, de la famille, de l’enfant et la mise en œuvre effective de la parité ; l’encadrement des jeunes et la promotion des sports et loisirs ; des réformes structurelles en vue de la rénovation de l’administration publique … Le programme pour faire rêver ses compatriotes Jean-Philibert Mabaya, il y a donc à boire et à manger … comme on dit. Même un peu trop à boire et à manger pour être crédible.
L’équation de l’origine des milliards promis
En effet, le problème avec ces programmes électoraux que l’on présente pudiquement comme des programmes de gouvernance, c’est qu’on ne voit pas très nettement d’où les candidats à la succession de Joseph Kabila tireront les impressionnants pactoles qu’ils brandissent à tour de bras. 12 milliards USD dès 2019, c’est-à-dire près du double du budget du gouvernement actuel, il faut bien indiquer comment matérialiser cette « impulsion de la croissance et du développement par la relance de l’agriculture » dont parle l’impétrant qui semble ignorer que les semences prennent toujours quelques temps et quelques préalables pour germer et produire. De même que la promotion des investissements par l’amélioration du climat des affaires, la construction des infrastructures requiert quelques temps avant donner des résultats. D’aucuns seraient en droit de se demander comment, pour la seule année 2019, l’ancien DGA de l’Onatra doublera le budget qui sera voté au cours de la session parlementaire qui a ouvert ses portes le 15 septembre 2018 à Kinshasa. Le temps que prendront les réformes, certes salutaires, envisagées semble occulté par le candidat Mabaya Gizi qui, du reste, promet d’asseoir son programme sur « la restauration de l’autorité de l’Etat ». L’expérience rd congolaise, fondée sur plus de 20 ans d’affrontements et de rébellions récurrentes sur le territoire national, indique qu’un mandat de 5 ans n’est peut-être pas suffisant pour atteindre un tel objectif.
Même en accordant à l’Ingénieur Jean-Philibert Mabaya le bénéfice du doute quant à ses ambitions économiques, il reste encore à examiner ses capacités politiques à accéder à la présidence de la République en décembre prochain. Lesquelles ne semblent pas énormes.
Moyens politiques peu évidents
La candidature à la présidentielle de Mabaya Gizi est portée par une plateforme dénommée Arc-en-ciel pour la restauration de la dignité du citoyen Congolais, créée par un groupe de petites formations politiques hétéroclites désireuses manifestement de régler le problème du seuil de représentativité imposé par la loi électorale. Elle se compose en effet de partis politiques comme le CCD de Jean-Pierre Lisanga Bonganga, de l’ACDR de l’ancien syndicaliste de l’Onatra, Michel Diumu, ou encore du FPN de Eva Muakasa … des partis politiques qui n’ont jamais réussi à aligner, dans les meilleurs des cas, qu’un député national élu depuis 2006. Alors que pour mener à bien son programme d’action, le prochain président de la République doit s’assurer d’une solide majorité des 500 sièges de l’Assemblée nationale et des 108 autres du Sénat. Certains observateurs peinent à imaginer le candidat chef de l’Etat Mabaya Gizi Amine atteindre la barre de 50 députés avec le concours de son Arc-en-ciel.
Les ambitions affichées par cette plateforme est de nature à conforter ce pessimisme. Dans la province du Kwilu dont il est originaire, mais aussi dans les autres provinces de l’ex Bandundu, au Kongo Central voisin autant que dans les provinces kasaïennes toutes aussi voisines et l’ex Equateur, ce sont quelque 166 candidats députés que l’ACC lance dans la bataille. D’illustres inconnus de l’opinion (kinoise, certes) pour la plupart, à l’exception du candidat Chef de l’Etat lui-même, qui, prudence élémentaire s’est porté aussi candidat à la députation nationale dans la circonscription de Masimanimba ; de Lisanga Bonganga, le ministre d’Etat en charge des Relations avec le parlement du Gouvernement Tshibala, qui se représente dans la circonscription du Mont-Amba ; et de Serge Mayamba, un jeune avocat élu sur les listes de l’UDPS/Tshisekedi en 2011 qui postule dans la circonscription de la Tshangu.
Prétentions insuffisantes pour s’assurer une majorité parlementaire
A Kinshasa la capitale, l’ACC sauve la mine en lançant 55 candidats députés nationaux dans la course. Comme la plupart des plateformes politiques qui tiennent à faire bonne figure dans la mégapole rd congolaise. Dans les provinces issues du démembrement du Bandundu aussi, la plateforme de Mabaya Gizi semble encore tenir la compétition en alignant 29 candidat au Kwilu, la province du candidat président de la République, contre seulement 11 au Kwango voisin. Pire, l’ACC zappe complètement le Mai-Ndombe où il n’aligne pas le moindre candidat dans les 9 circonscriptions électorales.
La plateforme ne fait pas mieux en n’alignant que 6 candidats députés sur toute la province du Kongo-Central ; 11 au Kasai ; 4 au Kasai Central et 6 au Kasai Oriental.
Dans les provinces de l’ex Equateur dont est originaire Jean-Pierre Lisanga Bonganga, qui semble être un membre important de la plateforme, l’ACC place 7 candidats dans la course à la députation nationale à l’Equateur ; 12 autres candidats dans la Mongala ; et seulement 2 au Sud Ubangi. Le Nord Ubangi est littéralement zappé : aucun candidat ACC.
Les moyens politiques pour mettre en œuvre son ambitieux programme de gouvernance de son candidat à la présidentielle, l’ACC ne semble guère en disposer, en fait.
J.N.