Nous avons lancé la semaine dernière une “tribune libre” pour aider quelques amis qui nous posent des questions sur le processus électoral à obtenir un éclairage basé sur les textes, au-delà des polémiques et controverses politiciennes qui émaillent la presse et le microcosme politique actuel ! Je remercie tous ceux qui ont réagi positivement ou négativement à mon analyse précédente ! Très peu ont réfuté mon argumentaire basé sur les textes et la plupart reconnaissent que l’expression “Élections inclusives” relève plus d’une “communication politique” circonstancielle que d’autre chose !
Pour cette deuxième tribune, le sujet est venu d’un ami qui m’a posé une question la fois dernière au vu de la controverse qui va s’amplifiant aujourd’hui sur les “six millions d’enrôlés sans empreintes digitales” désormais cheval de bataille des politiciens et de beaucoup de gens à l’extérieur du pays qui s’invitent dans le débat électoral en RDC !
Cet ami m’écrit : ”Mwalimu, vous qui savez, est-ce les 6 millions d’enrôlés sans empreintes digitales sont “fictifs”? Doit-on les radier du fichier comme le réclament certains politiciens de l’opposition ?”
Voici ma réponse :
“Cher frère,
C’est bien de s’informer en effet pour aussi en éclairer d’autres ! J’ai effectivement l’avantage, en toute humilité, et comme Formateur des Formateurs et Expert international en matières électorales et de Régulation des Médias, de devoir répondre souvent à des questions autour de la fiabilité de fichiers électoraux, de la tenue de scrutins etc.
Voici l’info:
À l’issue de l’audit du fichier électoral réclamé par l’opposition et à la demande de la CENI elle-même, les Experts de l’OIF et les experts nationaux ont déclaré le fichier électoral « fiable, conforme et inclusif » !
Toutefois, ils ont demandé à la CENI d’améliorer le fichier car la banque de données contenait 16 % d’électeurs sans empreintes digitales!
Ceci ne signifie pas que ces enrôlés sont “Fictifs” !
Cela signifie simplement que pour une raison ou pour une autre (handicap, effacement des empreintes pour cause de travail manuel, utilisation de produits cosmétiques, illisibilité des empreintes… ), ces données complémentaires n’ont pas été enregistrées !
Pour l’anecdote, lorsque j’ai rencontré mon ami le Général Sangaré qui conduisait la mission de l’OIF, je lui ai fait part de l’interprétation qu’on donnait à leur suggestion à la CENI ! Il en était très étonné et m’a dit : “mais, ça ce n’est qu’un détail qui n’affecte en rien la fiabilité du fichier électoral que nous avons jugé conforme et inclusif ».
D’ailleurs, a-t-il renchéri, « la CENI a fait l’essentiel en procédant au “dédoublonnage” biométrique et à l’extirpation des mineurs, militaires, policiers et autres éventuels tricheurs (!) »
« Du reste, a-t-il conclu, il n’existe nulle part de “fichier électoral” parfait et tant que vous n’aurez pas de registre d’Etat Civil à jour dans votre pays, ceci posera toujours problème ! Vous ne pouvez pas organiser à chaque nouveau scrutin cette coûteuse opération de renouvellement du Fichier électoral ! »
« Vous vous plaignez beaucoup, mais votre pays est cité en Afrique comme innovateur en termes d’expertise électorale et technique ! C’est la RDC qui a, la première fois, en Afrique Subsaharienne, introduit l’enrôlement biométrique des électeurs! Le saviez-vous? (sic) ! »
Enrôlement des électeurs et empreintes digitales
Que dit la loi?
L’article 22 des Mesures d’application de la loi portant identification et enrôlement des électeurs stipule que : “(…) Toutefois, pour les personnes qui ne disposent pas d’empreintes digitales pour cause d’handicap et pour celles dont les empreintes sont illisibles, la saisie des autres renseignements personnels sera effectuée, après autorisation préalable du Président du Centre d’inscription. Il en sera fait mention dans la fiche d’identification.”
Ainsi, la loi électorale prévoit le cas de figure où quelqu’un n’aurait pas d’empreintes digitales et ceci n’affecte en rien sa qualité d’électeur car d’autres éléments d’identification sont retenus.
Il faut savoir d’emblée que les empreintes digitales ne sont qu’un élément de la base de données de la CENI ! La photo, la reconnaissance faciale et visuelle etc. sont aussi importantes !
Du reste, au moment du vote, les empreintes digitales n’ont aucune importance car seule la carte d’électeur et la photo conforme sont exigées.
C’est pourquoi d’ailleurs, la carte d’électeur ne contient aucune trace d’empreinte digitale, celle-ci n’étant, je le répète, qu’un élément de la base de données de la CENI !
Ainsi donc, pour extirper et découvrir les éventuels électeurs fictifs et les dénoncer, la CENI a été appelée à afficher les listes provisoires des électeurs (ceux, avec ou sans empreintes digitales). Et cette opération est en cours.
Ceux qui demandent la radiation des enrôlés sans empreintes digitales commettraient une grave injustice, car les handicapés et d’autres personnes privées d’empreintes ou dont les empreintes sont illisibles sont au moins identifiés par leurs photos.
Si elles sont fictives, on peut dénoncer ce fait grâce à l’affichage des listes.
En conclusion
La CENI, dont la faiblesse en matière de “communication stratégique” est à déplorer, semble avoir négligé la capacité de nuisance de la communication négative de la part de ceux qui ne veulent pas que les Élections se tiennent le 23 décembre 2018, parce que, pour une raison ou une autre, ils ne sont pas sûrs de pouvoir les gagner.
Visiblement, tout le bruit autour de “l’imprimante à bulletins de vote” de la CENI (qu’elle a malencontreusement appelée “machine à voter” semant la confusion sémantique et les malentendus actuels), tout le tapage autour des 6 millions “d’enrôlés sans empreintes digitales”, constituent un beau prétexte pour obtenir un “nouveau dialogue” ou un report des élections pour une nouvelle “Transition”!
Ce qui renverrait les Élections aux calendes grecques!
Plus De 40 millions d’électeurs congolais veulent élire leurs dirigeants le 23 décembre 2018! La CENI dit qu’elle prête.
Nos politiciens et leurs sponsors ne devraient pas prendre en otage ce processus en multipliant les prétextes et des préalables pour contourner les élections par des “conciliabules” en vue du partage du pouvoir sans les élections!
Nos partis politiques ont des membres au sein de la CENI : 10 Membres sur 13. Ils devraient commencer à faire confiance en leurs délégués et ne pas jeter le soupçon tout le temps sur la CENI. Que gagneraient les membres de la CENI à organiser de mauvaises élections?
Je ne parviens pas à comprendre la logique des politiciens congolais, qui consiste à s’enrôler, à déposer sa candidature à la CENI, à payer une caution électorale faramineuse…et en même temps à crier sur tous les toits que la CENI va tricher, etc… Pourquoi déposer sa candidature si on n’a aucune confiance en l’organisateur du vote ?
Nous devons apprendre à faire confiance en nos Institutions et en cas de besoin, attendre que les scrutins se tiennent pour relever les éventuelles irrégularités pour les corriger conformément à la Loi. Ce n’est pas en repoussant la date des scrutins, pour des raisons diverses et par des “préalables “, qu’on les rendra parfaites!
Allons aux élections !
C’est dans trois mois !
Dr A. BAHALA JEAN BOSCO
Spécialiste en Communication et Formateur des Formateurs en matières électorales et de Régulation des médias
(Titre original : « Les six millions d’enrôlés sans empreintes digitales sont-ils “fictifs”? Ceci affecte-t-il la fiabilité du fichier électoral ? »)