Dans quatre jours devrait se tenir en Belgique un « nouveau Genval », du nom de ce quartier huppé de la banlieue bruxelloise qui avait déjà abrité, en 2016, le conclave qui a donné naissance au Rassemblement des Forces Politiques et Sociales de l’Opposition rd congolaise (RasOp). A l’instigation de milieux mercantilistes belges nostalgiques du « Congo de Papa » en Europe avait été mise sur pied un méga-regroupement des forces politiques opposés à Joseph Kabila et à sa majorité au pouvoir, qui s’était fixé l’objectif de défenestrer le Chef de l’Etat de la RD Congo avant même l’échéance de son mandat. Aujourd’hui, plus de deux ans se sont écoulés sans qu’un début du commencement du projet ait réussi : non seulement Kabila est bel et bien à son poste, droit dans ses bottes, mais en plus, l’homme a désarçonné tout le monde en respectant scrupuleusement le prescrit de la constitution du pays en désignant avec panache un candidat de son regroupement politique, le Front Commun pour le Congo (FCC), à l’élection présidentielle de décembre 2018. Même si le RasOp s’était liquéfié de lui-même, ravagé par les contradictions internes d’acteurs politiques que rien ne prédisposait à l’unité en dehors de la soumission aux maîtres blancs, la haine de Kabila et la boulimie du pouvoir pour le pouvoir et le plus tôt possible, la désignation d’Emmanuel Ramazani Shadary candidat président de la République de la famille politique kabiliste a vidé de tout son sens l’existence d’un regroupement politique mis sur pied dans l’objectif de « dégager » Joseph Kabila. Tant il est vrai qu’on ne dégage pas quelqu’un qui a annoncé lui-même fort élégamment son départ, avec les félicitations du monde entier. Le Chef de l’Etat rd congolais n’ayant manifestement jamais été partant pour un mandat présidentiel supplémentaire, il marque un point en démontrant l’immaturité de ses détracteurs qu’il a très intelligemment leurré.
Il faut donc pour ces politicailleurs qui, comme les « cigales » de Jean de la Fontaine ont chanté tout l’été se trouvent fort dépourvues face à la bise électorale, trouver un nouveau casus belli pour exister. Les néolibéraux au pouvoir en Belgique, qui les cornaquent sans prendre la peine de voiler la forfaiture de leurs grossières interférences au Congo-Kinshasa, en ont trouvé un : c’est l’invalidation des candidatures de quelques uns de leurs « clients » à la présidentielle 2018 par les juges en charge du contentieux électoral. Il s’agit en fait particulièrement d’un quarteron de candidats-Chevaux de Troie que l’ancienne métropole de la RD Congo tient à imposer au sommet de l’Etat pour pouvoir continuer à tirer les ficelles sur l’avenir du pays. Notamment le dernier gouverneur de l’ex. Katanga minier, Moïse Katumbi Chapwe, même si l’homme s’est totalement discrédité en s’empêtrant dans d’inextricables problèmes de nationalité et judiciaires. Son dossier de candidature à la présidentielle, l’ancien homme fort du Katanga n’aura même pas pu le déposer dans les délais parce que recherché par la justice de son pays pour des délits de droit commun, quoiqu’il prétende. En RD Congo, c’est la prison qui attend cet homme condamné « avec arrestation immédiate » par une décision de justice rendue par un tribunal de Lubumbashi.
L’oiseau rare de la croisade anti-électorale belge
Désillusionné sur les chances de Katumbi, les milieux néocolonialistes belges ont jeté leur dévolu sur un autre « client » en la personne de Jean-Pierre Bemba Gombo. L’ancien chef de guerre arrêté le 24 mai 2007 par le parquet près la Cour Pénale Internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par ces troupes en Centrafrique en 2002-2003, avait certes été reconnu coupable et condamné pour ces faits en juin 2016 à 18 ans de prison. Mais il n’a guère été difficile pour les manipulateurs des rives de l’Escaut et leurs complices outre-Atlantique de circonvenir des juges d’appel de cette juridiction politisée à outrance. La suite, on la connaît : aussi invraisemblable que cela paraisse, au cours d’un jugement en appel rendu le 8 juin 2018, Jean-Pierre Bemba a été miraculeusement lavé de toutes ses turpitudes de chef de guerre, comme si l’escapade sanglante de ses « Banyamulenge » à Bangui n’avait été qu’un roman de fiction. Acquitté au terme d’une sentence qui vit 2 des 5 juges de la composition s’opposer à la décision qui érode sensiblement le peu de crédit dont jouissait encore l’instance judiciaire internationale dans l’opinion, l’homme s’est précipité vers Kinshasa pour accomplir la mission lui confiée par ses nouveaux patrons : foutre le bordel dans le processus électoral rd congolais dont le contrôle échappait aux ‘kings makers’ belges. Personne ne doute aujourd’hui que cette relaxation rocambolesque du candidat malheureux à la présidentielle 2006 en RD Congo, intervenue à 6 mois d’une nouvelle élection présidentielle, a été l’œuvre de groupes d’influence décidées à imposer leurs empreintes – et intérêts – sur le cours ou le terme du processus électoral dans ce pays.
Rentré au pays malgré une condamnation subsidiaire pour subornation de témoins que les conspirateurs, ivres de la réussite de leur « coup » avaient minimisé, Jean-Pierre Bemba n’en a pas moins dépose avec tambours et trompettes son dossier de candidature à la présidentielle. Qui fut tout naturellement et logiquement invalidé par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) dont la décision sera par la suite confirmée par un arrêt définitif de la Cour constitutionnelle saisie par une requête en contestation de son parti politique, le Mouvement de Libération du Congo (MLC), lundi 3 septembre 2018. Au désespoir des tireurs de ficelles, le crime était loin d’être parfait, comme nous l’avions titré dans une de nos dernières livraisons.
Téméraire, l’ancien pensionnaire de la prison de Scheveningen s’est, depuis lors, lancé depuis l’Europe où il attend d’être fixé sur la peine qu’il doit encourir dans le cadre de sa condamnation pour subornation de témoins par la CPI dans des invectives grossières contre la CENI et la justice de son pays. Mais aussi dans un activisme politique plutôt peu cohérent, annonçant tantôt un recours à des « instances judiciaires africaines » dont on ne voit pas bien les compétences face à un arrêt rendu en dernier ressort par la plus haute juridiction congolaise, tantôt des actions « populaires », voire insurrectionnelles de revendication, ou encore une requalification du processus électoral dont sa candidature est invalidée, doublée d’une disqualification des principaux candidats à la présidentielle de décembre prochain, dont l’UDPS/Tshisekedi.
De mémoire de journaliste, on a rarement vu un Jean-Pierre Bemba Gombo aussi emprunté, comme s’il exécutait une partition dictée par des forces obscures qui lui soufflent jusqu’aux mots dont il fait usage dans sa communication décousue. Aux dernières nouvelles, le président du MLC, qui demeure pourtant astreint au devoir de réserve parce que formellement condamné par la CPI, a pris langue avec tous les déçus du contentieux électoral en cours dans son pays, avec lesquels ils envisagent des actions communes pour faire capoter le rendez-vous du 23 décembre 2018. Bemba, c’est manifestement le nouvel oiseau politique rare des néolibéraux belges.
Adolphe Muzito, moins de candidats que le MLC
Pour mettre toutes les chances de leur côté, les mercantilistes néolibéraux au pouvoir en Belgique ont pêché sans trop de peine un autre candidat dont le dossier a été invalidé par la CENI et la Cour constitutionnelle le 3 septembre 2018 pour cause de conflit d’intérêt avec son parti politique, le Parti Lumumbiste Unifié (PALU) : Adolphe Muzito. L’ancien 1er ministre rd congolais pour le compte de ce parti de la gauche congolaise emmené par le patriarche Antoine Gizenga a désormais des atomes crochus avec le « libéral » Moïse Katumbi avec lequel ils envisagent des actions communes contre le processus électoral. La semaine dernière, Muzito a été reçu en grande pompe par le parrain des néocolonialistes belges Didier Reynders, par ailleurs vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères de l’ancienne métropole coloniale, qui lui a assuré d’un soutien plus qu’actif. On annonce que mettant à profit sa position à la tête de la diplomatie belge, Reynders se rendra à Luanda (Angola) au courant de la semaine pour essayer de persuader le président Angolais Joao Lourenço d’interférer dans le processus électoral rd congolais pour arrêter la machine électorale en branle chez son voisin rd congolais, au risque d’allumer les feux d’une crise majeure entre deux pays voisins membres de la SADC et de la CIRGL. La même semaine, une rencontre Bemba-Muzito-Katumbi auxquels se joindront certains leaders de l’opposition est prévue dans la capitale belge, avec la bénédiction de ce ministre belge qui se prend pour le ministre d’une colonie nommée Congo-Kinshasa. Une sorte de Genval-bis, en fait.
Seulement, outre qu’une nouvelle tentative pour fédérer l’opposition, à quelques mois d’élections fermement attendus par les populations rd congolaises, paraît n’avoir que fort peu de chance d’aboutir, le marché politique à conclure ressemble à s’y méprendre à un marché de dupes. Pour Jean-Pierre Bemba et le MLC, particulièrement. Tout indique, selon nombre d’observateurs, que l’ancien pensionnaire de la prison de Scheveningen où il a passé 10 ans aurait eu tout à gagner à œuvrer à la refondation et à la consolidation de son parti politique plutôt que de replonger dans un activisme politique échevelé peu sûr. Le MLC n’est plus le parti politique de l’opposition le mieux représenté à l’Assemblée Nationale de 2006, depuis que ses meilleurs cadres l’ont abandonné pour aller voir ailleurs afin de ne pas se laisser écraser par l’omnipotence d’un chef de troupes absent qui tenait à tout régenter depuis sa cellule de prison. Dans l’opinion aussi, même à Kinshasa, la mégapole rd congolaise qui était quasi totalement acquise à l’ancien mouvement rebelle reconverti en parti politique, le parti bembiste n’a presque plus pignon sur rue. Plus comme il y a 10 ans en tout cas. Le 7 septembre 2018, c’est par un silence et une indifférence à la limite du désaveu que les combattants ont répondu à l’appel à battre le pavé lancé par le MLC pour protester contre l’invalidation de la candidature de Jean-Pierre Bemba à la prochaine présidentielle. Personne n’a vu aucun manifestant nulle part à Kinshasa.
Le MLC dupé en règle
Encore que décider d’aller en guerre contre un processus électoral qui a vu le parti aligner ce qui lui reste de cadres aux élections législatives provinciales et nationales pourrait sonner le glas du MLC. « Il est impossible que tous ceux qui ont manifesté leurs ambitions électorales suivent un mot d’ordre aussi saugrenue de boycott, même s’il venait de Dieu le père en personne », confie au Maximum une source proche du parti de Jean-Pierre Bemba. Pour les législatives du 23 décembre 2018, rien que dans la partie Ouest du territoire national qui lui était sensiblement acquis il y a une dizaine d’années, le MLC a aligné la bagatelle de 191 candidats députés : soit, 54 candidats pour la seule ville de Kinshasa ; 60 candidats pour les provinces de l’ex Equateur (Nord-Ubangi, Sud-Ubangi, Mongala, Tshuapa, Equateur) ; 55 candidats pour l’ex Bandundu (Mai-Ndombe, Kwilu Kwango) ; et 22 candidats au Kongo-Central.
Lier le sort de tous ses cadres du MLC à ceux de l’UREP d’Adolphe Muzito est perçu par certains au parti de Bemba comme un marché de dupes. Comparées au MLC et à certains partis politiques de l’opposition qui nourrissent les mêmes ambitions pour la prochaine présidentielle, l’ancien 1er ministre PALU et ses nouveaux amis ont plutôt fait preuve d’un savant badigeonnage en matière de candidatures aux législatives nationales. L’UREP n’a pas mieux fait que de la figuration en concentrant ses candidats dans certaines grandes villes et agglomérations du pays, au détriment de l’arrière-pays. Même dans son ex Bandundu natal, Muzito a fait l’impasse sur plusieurs circonscriptions, au Kwango et au Maï-Ndombe particulièrement, où l’UREP aligne respectivement 10 et 6 candidats députés nationaux (Contre 15 et 12 candidats pour le MLC !). La nouvelle plateforme a, certes, meilleure mine au Kwilu où elle aligne 35 prétendants députés nationaux (contre 28 pour le MLC). Au Kongo-Central, les ambitions de l’UREP qui aligne 17 candidats députés sont toutes aussi peu parlantes, selon nos sources, pour lesquelles Bemba et le MLC ont plus à perdre dans une politique de la chaise vide que Muzito et l’UREP.
G7 : plusieurs circonscriptions électorales zappées
Pour la même partie Ouest du territoire nationale, les ambitions de l’autre nouvel allié de Jean-Pierre Bemba contre le processus électoral, le G7 katumbiste, ne semblent pas à la hauteur des prétentions affichées. Avec 163 candidats députés nationaux placés à Kinshasa, à l’ex Equateur, à l’ex. Bandundu et au Kongo Central, les partis inféodés à Katumbi viennent loin derrière le MLC et même l’UNC de Vital Kamerhe, malgré les millions de dollars dont ils sont crédités dans l’opinion. Si le G7 a pris le soin de faire le plein à Kinshasa avec 54 prétendants à la députation nationale, il lève le pied dès le Kongo-Central voisin avec 18 prétendants (contre 22 pour le MLC, 24 pour l’UNC et 22 pour l’UDPS/Tshisekedi !). Dans l’ex Bandundu, la plateforme du « roi du Katanga » aligne quelque 51 candidats députés, faisant l’impasse sur les circonscriptions de Popokabaka, Inongo, Inongo Ville et Yumbi, par exemple. Mais c’est dans l’immense ex province de l’Equateur que les katumbistes affichent une mine de parent pauvre en ne lançant que 39 candidats à la députation nationale. A Ingende, Lukolela, Gbadolite Ville, Mobayi Mbongo, Libenge, Zongo Ville, Boende Ville, Bokungu, Djolu, Ikela … point de candidat député de la plateforme du G7 !
Kwango, Maï Ndombe : la pingrerie de Fayulu
Les autres « grandes gueules » de l’opposition ont encore davantage de raisons de s’engouffrer dans la brèche anti-électorale, à l’instar de la Dynamique de l’opposition du candidat président de la République Martin Fayulu. Dans cette partie ouest de la RD Congo dont il est originaire et où il est supposé avoir concentré l’essentiel de ses forces électorales, le volubile patron de l’Ecidé n’aligne que 98 candidats députés nationaux. Soit, 52 à Kinshasa dont Fayulu lui-même ; 15 candidats au Kwilu, et 17 au Kongo-Central. Le restaurateur kinois se révèle particulièrement avare au Kwango où il n’aligne que 5 prétendants, faisant carrément l’impasse sur les circonscriptions de Kahemba, Kasongo-Lunda, Kenge, Kenge Ville et Popokabaka. C’est encore pire au Maï-Ndombe où la Dynamique de l’opposition n’aligne que… 1 candidat député à Mushie. Dans l’ex Equateur, la plateforme n’a lancé que 8 gaillards en tout et pour tout. A Bolomba, Bomongo, Ingende, Lukolela, Makanza, Bongandanga, Bumba, Lisala, Lisala Ville, Bosobolo, Businga, Gbado Ville, Mobayi Mbongo, Gemena, Gemena Ville, Zongo Ville, Befale, Boende, Boende Ville, Bokungu, Djolu, Ikela, Monkoto … le candidat président de la République de l’ouest, Martin Fayulu, et sa plateforme sont inconnus au peloton.
Certes, comparaison n’est pas raison, dit-on. Et rien n’indique que les prétentions affichées par les protagonistes aux prochaines élections épouseront parfaitement la vérité des urnes. Mais dans le parti bembiste, certains sont d’avis que c’est « par l’habit qu’on reconnaît le moine ». Et expriment de sérieuses appréhensions quant à cette politique de la chaise vide qui guette leur parti politique. « Nous payerons plus cher que les sièges nuls qui nous entraînent dans la croisade anti-électorale », confie un candidat député kinois à nos rédactions.
J.N.